Précision sujet représenté
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Plutarque (vers 46/49 - vers 125), dans ses "Vies parallèles", raconte la fin de Caton d'Utique. Arrière-petit-fils de Caton l'Ancien (234 - 149 av. J.-C.), Caton d'Utique (93 - 46 av. J.-C.), tribun de la plèbe, remarquable par sa droiture, avait pris le parti de Pompée contre César. Apprenant la défaite de Pompée à Pharsale, puis sa mort (48 av. J.-C.), suivie de la déroute de ses partisans à Thapsus (46 av. J.-C.), il se retrancha dans Utique et fortifia la ville. Ne doutant pas que César allait mettre fin aux libertés de la République et ne voulant pas survivre à celle-ci, il prépara son suicide, en digne stoïcien. Après avoir calmement pris congé de ses proches et relu des passages du Phédon de Platon, traitant de l'immortalité de l'âme, il se reposa quelques heures, puis se décida à mettre fin à ses jours en se plongeant une épée dans la poitrine. N'ayant pu se porter d'emblée le coup fatal, Caton, "les boyaux sortant du corps", tomba de sa couche et renversa la table située à ses côtés, réveillant ainsi ses serviteurs. Avec détermination, il repoussa ses amis venus le secourir et s'arracha les entrailles en écartant son médecin Cléante accouru à son chevet. Dans une chambre aux murs couverts de draperies, Caton d'Utique, dont le corps a glissé hors du lit sur lequel il était étendu, se débat en écartant son fils. Son médecin et d'autres de ses proches assistent au drame. Le guéridon renversé à terre, avec les feuilles, quelques pages du Phédon, et le glaive sanglant sur le sol soulignent la brutalité de la scène. Elève de Jean-Pierre Rivalz (1718 - 1785) à Toulouse, puis de Deshays à Paris, Gamelin réussit en 1765, grâce à un protecteur, à se rendre en Italie, où il demeure neuf ans. Il sera élu peintre de batailles à l'académie de Saint-Luc en 1771. Rentré en France en 1773, il s'établit successivement à Toulouse, puis à Montpellier et à Narbonne, villes dans lesquelles il mène une carrière active mais précaire. Sous la Révolution, il travaille à la conservation du patrimoine menacé. En 1795, il est nommé professeur à l'école centrale de Carcassonne. Dans cette peinture, Gamelin utilise efficacement certaines des conceptions picturales de son temps, aussi bien dans le choix du sujet que dans la manière de le traiter. En évoquant cette fin héroïque, le peintre dresse le destin exemplaire et sublime d'un esprit élevé, propre à émouvoir et surtout à édifier. Gamelin participe de cette génération de la fin du siècle qui accompagne l'émergence du néoclassicisme et abandonne les sujets futiles et superficiels pour des pages plus hautement morales. L'artiste se place ici dans la glorieuse postérité de la figuration des lits funèbres, superbement illustrée jadis par Nicolas Poussin (1594 - 1665), en particulier dans sa célèbre Mort de Germanicus (Minneapolis, The Minneapolis Institute of Arts), qui avait lui-même emprunté le thème à l'héritage gréco-romain. De Greuze à David (1748 - 1825), ce thème a été fort exploité par les néoclassiques qui ne répondent jamais mieux à cette appellation qu'en utilisant un tel schéma, issu à la fois de l'âge classique - le XVIIe siècle - et de l'antiquité. L'oeuvre de Gamelin contient d'autres morts héroïques comparables, dans lesquelles il utilise éventuellement le même schéma, et on lui connaît plusieurs versions de La Mort de Socrate. La représentation des ultimes instants de Caton d'Utique a été fréquemment abordée par les peintres européens au XVIIe siècle. En France, Jean-Baptiste Corneille (1649 - 1695) ou Charles Le Brun (1619 - 1690), en Italie, Luca Giordano (1634 - 1705), en Hollande Mathias Stomer (vers 1600 - après 1650), en ont, parmi d'autres, donnés des versions, parfois spectaculaires. Au XIXe siècle, la scène continuera encore à inspirer quelques peintres. L'âge néoclassique a bien entendu trouvé dans cette histoire exemplaire matière à sa volonté de s'attacher à dépeindre des destins vertueux et le thème du concours du Prix de Rome de 1797 sera justement celui-ci. L'épreuve - la première a avoir été organisée après la Révolution - sera marquée par la désignation de trois lauréats : Pierre Bouillon (1776 - 1831), Louis André Gabriel Bouchet et Pierre Narcisse Guérin (1774 - 1833). Les sculpteurs ne seront pas en reste et Philippe Laurent Roland (1746 - 1816) ou Claude Michel, dit Clodion (1738 - 1814), s'intéresseront également à la belle figure de ce patriote républicain.
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Bibliographie
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D'un musée l'autre en Picardie, ouvrage collectif, Paris, 1996. (p. 190) Gazette des Beaux-Arts, "Principales acquisitions des musées en 1995", CXXVI, mars 1996, pp. 3-98. (p. 19, n° 67) Pinette Matthieu, "Jacques Gamelin, La Mort de Caton d'Utique", Revue du Louvre, 1996, n° 3, p. 93, n° 22. (p. 93, n° 22) Pinette Matthieu, Peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles des musées d'Amiens, musée de Picardie / Somogy éditions d'art, 2006 (272 p. ; ouvrage accompagné d'un CD-Rom contenant l'intégralité des notices). (pp. 232-233, ill.)
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