Historique
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En s'appuyant sur l'observation de modèles proches (mèches torsadées, drapés profondément creusés, etc.), il convient de placer cette sculpture au début du xve siècle. Cette proposition de datation est dès lors à rapprocher d'un événement historique survenu à Libourne en 1427. Cette année-là, un tremblement de terre secoua la ville, endommageant l'église Saint-Jean-Baptiste et son clocher. Quatre ans plus tard, le nouvel archevêque de Bordeaux, Pey Berland (v.1370-1458) - dont on sait qu'il encourageait les décors des édifices du diocèse -, se rendit à Libourne (1431), sans doute pour consacrer les travaux de l'église. Le Baptiste bénéficia-t-il de sa générosité ? Les archives sont hélas muettes, comme elles le sont également au sujet de la date à laquelle il fut désolidarisé du portail. De son côté, la restauratrice Tiziana Mazzoni confirme que la sculpture a été exposée aux agressions pluviales et thermiques, sur un temps long, certainement supérieur à un siècle. Il est aussi possible d'imaginer que, faute d'entretien, le Saint Jean, usé par les intempéries, ait fini par choir de lui-même, dans l'indifférence totale. Mais il est aussi vraisemblable que le vandalisme - guerres de religions - ait pu être responsable de sa mutilation. Quoi qu'il en soit, par son style, sa taille et l'albâtre dans lequel elle est sculptée, probablement d'origine espagnole, la sculpture reste remarquable. Tombée au sol, mutilée, la statue fut remisée derrière un vieil autel des fonts baptismaux avant que d'être retrouvée en 1845, lors des travaux de reconstruction de l'église. Elle fut cédée au musée qui, à son tour, l'oublia... jusqu'à ce qu'elle réapparaisse dans les années 1930. De nouveau oubliée, elle fut retrouvée dans les années 2000. La restauration de la sculpture a permis de révéler des traces de polychromie : or dans les boucles de cheveux et de la barbe, rose sur le visage, bleu-vert et rouge pour le vêtement. Preuve est donc faite que l'église Saint-Jean-Baptiste avait sa façade peinte durant la période gothique. Le visage de Jean-Baptiste, traité dans un souci de réalisme, s'impose à son tour comme un véritable portrait. Barbes et moustaches sont parfaitement symétriques et percées au trépan. Les yeux sont plutôt globuleux et les pommettes hautes et saillantes. Le saint est représenté frontalement, vêtu d'une peau de chameau, attribut érémitique bien visible sur l'épaule droite. Dans sa main gauche, il portait très probablement l'agneau christique. Mais l'animal a disparu, comme les mains et pieds du saint. Cette sculpture du gothique international montre que des pérégrinations incessantes, durant tout le Moyen Âge, ont pu faciliter la circulation des idées, des hommes et des formes. On pourrait tenter de l'attribuer à l'entourage du sculpteur Guillem Sagrera (1397 - 1454), décorateur de la Porte du Mirador de la cathédrale saint Jean de Palma de Majorque (1422). C'est donc une convergence de données culturelles, appropriées au mysticisme chrétien, qui est attestée à travers notre sculpture.
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