2003 ~ Vie politique et institutions ~
Il est important de célébrer le cent cinquantenaire de la loi de 1853 pour plusieurs motifs. En premier lieu, il faut savoir que, pendant près dun siècle, elle aura été le seul texte législatif concernant un aspect essentiel du statut des fonctionnaires civils de lÉtat. Certes, il y avait de nombreux textes particuliers mais, tout au long de cette période, les milieux politiques étaient implicitement ou explicitement hostiles à un statut général. Cest à travers la jurisprudence du Conseil dÉtat que ce statut sélabora de façon presque intégralement prétorienne. Et, semble-t-il, la Haute Assemblée elle-même nétait pas favorable à un statut législatif qui viendrait la concurrencer. Les premiers statuts généraux datent du régime de Vichy (1941) puis de la IV e République (1946). La seconde raison est propre à la loi elle-même : elle institue, pour les fonctionnaires admis à la retraite, un « droit à pension ». Jusque-là, et sauf exceptions (dont les militaires), les fonctionnaires qui arrivaient en fin de carrière ne disposaient pas de ce droit et les pensions leur étaient accordées discrétionnairement par le gouvernement à titre de « récompense ». Sinon, ils étaient conduits à constituer entre eux des tontines comportant un mécanisme de capitalisation, avec éventuellement une participation publique. La loi est intitulée « loi sur les caisses de retraite » et comporte 36 articles avec des annexes. Elle fut une des premières lois votées au début du Second Empire et donna lieu, au Corps législatif, à un débat très passionné entre le gouvernement et les députés. Des projets étaient présentés depuis lépoque révolutionnaire, mais aucun navait abouti. Certains de ces projets furent repris, avec des variantes diverses. Pour employer les termes daujourdhui, le projet gouvernemental prévoyait, pour assurer le financement, un système de répartition fondé sur des « retenues » (le mot apparaît à cette époque) sur le traitement des agents. Les députés, au contraire, étaient dans lensemble partisans dun système de capitalisation prolongeant celui des tontines. Toutes les caisses existantes furent supprimées. Les retraites sont désormais constituées à partir des prélèvements sur les traitements et gérées par le Trésor. La matérialisation du droit à pension résulte de linscription sur le Grand Livre de la Dette publique. Le droit de créance des agents est inextinguible et la pension devient, comme on le dira plus tard, un « traitement différé ».Cest le système qui dure encore aujourdhui. Le mécanisme des fonds de pension capitalisés, déjà défendu par beaucoup de spécialistes, fut donc rejeté pour les fonctionnaires et nous supportons encore de nos jours les conséquences fâcheuses de cette doctrine. La pension était accordée, en principe, (avec beaucoup dexceptions), après 30 ans de service pour les personnels sédentaires et 25 ans pour les personnels actifs (douanes, contributions, forêts, postes). Mais le paradoxe est que la loi ne fixe aucune limite dâge. Cette omission sexpliquait par des motifs physiologiques et démographiques, connus ou supposés. Comme sous lAncien Régime, on pensait que lagent occupait sa fonction jusquà la fin de sa vie. À quoi bon instituer une limite dâge puisque le fonctionnaire a toutes les chances de mourir avant ! Les statistiques quon connaît aujourdhui montrent que les pensionnés de plus de 60 ans représentaient au maximum 10 % de lensemble. La situation précédente connaissait un autre paradoxe : la veuve et les enfants dun fonctionnaire décédé ne bénéficiaient daucune pension, que lagent mourût en service ou quand il était pensionné.Désormais, selon larticle 13 de la loi, dans les deux cas (mais avec certaines conditions de durée), la veuve a droit à une fraction de la pension (le tiers ou la moitié) et chaque enfant mineur à 10 % de cette même pension. Dans ce cas encore, des textes spéciaux instituaient des régimes particuliers. La loi du 9 juin 1853 sest appliquée pendant plus de soixante-dix ans et na été abrogée que par la loi du 14 avril 1924. Celle-ci reprend dailleurs beaucoup de dispositions de la loi précédente, notamment le mécanisme de la répartition. Le droit à la pension, devenu un droit de nature constitutionnelle, a longtemps été reconnu aux seuls fonctionnaires. Il était un des attraits les plus significatifs de la fonction publique...
Il montre la vie des
différentes classes sociales en un clin d'œil. lithographie parJ.Quartley
pour Le Magasin Pittoresque - Sommaire
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