Après un premier moment plein d’ardeur et gros de promesses à Nantes, ce deuxième rendez-vous des Etats généraux des itinérances artistiques promet de rentrer dans le vif du sujet ! C’est l’objet en effet de ce « temps de recherche » organisé par le Centre International pour les théâtres itinérants (CITI), sur une pleine journée de travaux, et hébergé par le festival des solidarités, Popmind, à Rennes, le 14 mai 2024. Il porte sur l’un des sujets phares du Printemps de la ruralité lancé par le ministère de la Culture en janvier dernier : itinérance et monde rural.
Les participants auront une occasion unique d’échanger les enseignements de leurs pratiques et leurs idées pour les renouveler ensemble : gageons que la journée sera même trop courte pour venir à bout de leurs sujets. Quel mode d’emploi pour accueillir un projet itinérant sur un territoire rural ? Comment coordonner toutes les informations utiles à toutes les parties concernées sur une plateforme numérique ? Les itinérances artistiques ont-elles des effets durables sur les territoires et lesquels ?
Pépita Car, artiste, coordinatrice du CITI et des États Généraux des Itinérances Artistiques, nous présente cette journée et ses enjeux.
Pourquoi inscrire dans les Etats généraux de l’itinérance artistique des « temps de recherche », comme cette journée du 14 mai 2024 ?
C’est à l’évidence pour que nous, les acteurs variés de ce qu’on pourrait presque appeler la profession d’artiste itinérant, nous prenions l’habitude de mettre en commun nos réflexions, nos travaux et nos actions, puisque nous avons tous le même but : aller vers le public et vers les territoires où souvent l’offre culturelle fait défaut ou se fait rare.
Pour vous donner une idée de la diversité de nos approches, il suffit de mentionner certaines des structures qui appartiennent à notre collectif organisateur : un festival (le festival Villeneuve en Scène), deux CDN et une scène conventionnée (Tréteaux de France, La Manufacture à Nancy, Le Séchoir à La Réunion), et aussi l’UFISC, Union Fédérale d'Intervention des Structures Culturelles, un organisme qui réunit plusieurs associations, dont le Centre International pour les théâtres itinérants (CITI).
Nos efforts s’unissent aussi dans le but de mobiliser ou remobiliser les collectivités territoriales : convaincre que l’itinérance artistique, ce n’est pas plus compliqué à produire qu’un spectacle en salle, et que c’est même une pratique éminemment souhaitable pour les territoires ruraux, notamment dans le but de renforcer chez les habitants la conscience de leurs droits culturels.
Quelle sera donc le programme du 14 mai à Rennes ?
Sur le thème de l’itinérance en ruralité, l’idée est de lancer des recherches concrètes, en invitant les participants à s’investir dans trois ateliers.
Le premier de ces ateliers abordera la question du mode d'emploi pour accueillir un projet itinérant sur un territoire rural, document à destination notamment des collectivités territoriales. Artcena a produit un document très complet (Accueillir un projet itinérant sur un territoire), mais comment valoriser cet outil existant ? Comment le compléter d’un outil spécifique aux territoires ruraux ?
Ce premier atelier n'est pas sans lien avec un objectif plus global des États généraux : faire passer des recommandations plus politiques, pour que les collectivités comprennent bien, par exemple, que lorsqu’un projet itinérant est porté par un label, il ne s’agit pas de la même réalité économique que lorsqu’il est porté par une simple compagnie. Il faut donc faire connaître et valoriser les spécificités, pour qu’elles soient optimisées dans chaque configuration.
Le deuxième atelier porte lui aussi sur un outil indispensable…
Une cartographie, pour répertorier, identifier et localiser les actes d’itinérance sur les territoires. Une plateforme avec de multiples entrées : les compagnies, les institutions, les lieux labellisés, les collectivités et les élus. Et là aussi se pose la question de valoriser l’existant pour enrichir le commun (avec le CITI nous avons référencé les compagnies de théâtre itinérant sur une carte interactive… de son côté l’Association des Scènes nationales vient de sortir un guide des dispositifs itinérants…) !
Le développement des territoires est au cœur du troisième atelier…
Les itinérances artistiques laissent des traces profondes sur les territoires qu’elles traversent. Il faut savoir que ces événements nourrissent de véritables projets culturels que portent de plus en plus les territoires ruraux.
Ce troisième atelier va donc se recentrer sur les collaborations et les pratiques inspirantes qui ont lieu entre producteurs, artistes et collectivités. Avec, par exemple, ces questions : comment finance-t-on l’itinérance sur un territoire rural ? Comment de tels projets peuvent-ils s’y développer ? Qu’ont-ils exactement d’essentiels pour les territoires ruraux ? Comment l’ensemble des acteurs réunis autour d’un projet peuvent-ils mieux coopérer ? Pour quelles retombées, quelles mises à profit ?
Ici, nous souhaitons discuter typologie, modèles existants, analyser des cas pratiques : qui travaille avec qui ? selon quelles modalités exactement ? pour quels savoirs faire communs ou complémentaires ? Il y aura un fort aspect illustratif et pédagogique, pour inspirer et encourager tous ceux qui sont attirés par l’itinérance.
A terme, le but est-il de structurer ce segment du monde de la culture et de l’enraciner dans une économie maîtrisée ?
Il s’agit pour le moins d’aider ces artistes à exister ! Certains aiment l’itinérance précisément pour la liberté aussi entière que possible qu’elle peut leur garantir. D'autres souhaiteraient que les portes de l’institution soient moins difficiles à franchir. Avec ces États généraux, notre souhait est de créer des liens, de ménager des issues, d’encourager plus de mains tendues entre les uns et les autres. Personne n’est obligé de s’appuyer sur les institutions. En revanche, ces dernières peuvent continuer de favoriser le dynamisme et la vitalité de l’itinérance, une modalité à part entière de la création artistique.
Cap sur les itinérances de demain
Après Nantes et Rennes, les Etats généraux des Itinérances artistiques, proposeront encore trois autres temps de recherche et un temps fort.
A l'automne 2024, avec les Tréteaux de France, le CDN d'Aubervilliers et le TPM de Montreuil, on abordera de front la question du rapport à l'institution : « Une thématique intitulée "institution et itinérance, contrarier les centres, imprégner les territoires"... »
A Nancy, en mars 2025, on parlera de la création : « Quels sont les axes dramaturgiques d'un projet lié à l'itinérance ? Sont-ils spécifiques et en quoi ? Car l'itinérance, en effet, n'est pas seulement une économie et une technique différentes, mais peut-être bien aussi un genre particulier de la création. »
Et puis on ira découvrir les itinérances artistiques en Allemagne, en Suisse et en Belgique (octobre 2024, septembre 2025) : « Comment vivent les artistes itinérants en Europe ? Quels enseignements tirer de ce qui se fait ailleurs, dans un environnement culturel totalement différent ? »
Il y sera aussi question de « mobilité douce » : « une question vraiment transversale et récurrente de nos Etats généraux, l'itinérance comme réponse aux enjeux écologiques. Il y a aujourd'hui chez les jeunes artistes une forte conscience écologique et les projets artistiques qui se construisent autour d'une mobilité douce sont plus nombreux. »
Point d'orgue à tous ces rendez-vous passionnants : les trois matinées synthétiques prévues dans le cadre du festival Villeneuve en Scène à Villeneuve lez Avignon en juillet prochain, nouvelles retrouvailles où ils fera bon apprécier le chemin parcouru et encore à parcourir !
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