Directrice du Théâtre Gérard-Philipe, le Centre dramatique national de Saint-Denis, et metteure de scène de talent, Julie Deliquet s’investit dans tous les combats : territoriaux (à La Rochelle, à Lorient, à Saint-Etienne, à Vanves, à Saint-Denis), éducatifs (elle suit durant trois ans une promotion de l’école de la Comédie de Saint-Etienne) ou en faveur de la parité.
Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?
Je dirais en premier lieu les écoles. Le conservatoire de Montpellier, le Studio Théâtre d’Asnières puis l’École Internationale Jacques Lecoq. C’est là que j’ai rencontré mes camarades du Collectif In Vitro et que j’ai développé mon amour du faire-ensemble et celui des acteurs. Et puis des rencontres et des étapes clés : le concours jeunes metteurs en scène du Théâtre 13, le Festival Impatience, le Théâtre de Vanves, le Théâtre de la Ville, le Festival d’Automne, la Comédie-Française et le Théâtre de l’Odéon.
Nos missions d’artistes associés furent fondatrices : tout d’abord avec le TGP et nos actions sur le territoire de Seine-Saint-Denis puis ensuite avec le Théâtre de Lorient, de la Rochelle et avec la Comédie de Saint-Étienne et son école pour laquelle j’ai été marraine d’une promotion d’élèves pendant trois ans. En 2020, retour aux sources, en prenant la direction du TGP de Saint-Denis, là-même où nous étions artistes associés pour la première fois.
Dans le domaine culturel, l'égalité entre les femmes et les hommes connaît aujourd'hui encore une situation contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?
Nous sommes devenues très nombreuses. Nous l’avons toujours été mais davantage dans les métiers moins médiatisés ou tout simplement moins dans les métiers de pouvoir. Une femme metteure en scène ou une directrice technique ou encore une directrice de lieu, n’était pas chose courante il y a encore 10 ans et c’est loin d’être gagné aujourd’hui sur la question de la parité. Mais le paysage théâtral s’est transformé et les femmes sont un vivier artistique aujourd’hui exemplaire.
Ce qui ne veut pas dire que les inégalités ne demeurent pas, malheureusement. Les programmations tentent d’être paritaires mais le partage des moyens de production ne l’est pas encore. Les femmes sont logées dans la case de l’émergence bien plus longtemps que les hommes du même âge ou du même parcours artistique. La légitimité de l’accès aux très grands plateaux avec des formes de grandes envergures (avec les moyens qui en découlent) est encore bien difficile, la cour d’honneur (à part pour Ariane Mnouchkine) en théâtre, n’a jamais été confiée à une femme !
Votre engagement au service de l'égalité est connu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement artistique ?
Je suis pour les quotas même si personnellement je n’ai pas à passer par cela car mes goûts artistiques me portent actuellement vers les artistes femmes. Au sein du TGP, un travail va être effectué sur les salaires femme/homme, car là encore les inégalités demeurent. Quant à l’exercice de mon métier, je me refuse à endosser « une autorité dite masculine » pour avoir plus de légitimité ou de charisme. J’ai appris ces dernières années à faire confiance à mon instinct.
J’ai réuni les deux artistes associées, Lorraine de Sagazan et l’autrice Leïla Anis ainsi que toutes les femmes du Collectif In Vitro, afin que l’on puisse s’interroger toutes ensemble sur la question du féminin et travailler sur le territoire à un grand projet avec les petites filles, adolescentes et femmes de la ville. Pourquoi aussi ne pas rebaptiser une des salles du TGP ? Les femmes sont si peu représentées dans l’espace public… Un jeu de l’oie sur les femmes et le théâtre est en cours de réalisation pour la journée de la femme à Saint-Denis.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?
Je crois que la jeune génération n’a pas besoin de conseils car elle est au cœur de ces problématiques depuis le mouvement #MeToo et elle ne manque pas d’engagement sur la question du genre. J’aimerais leur dire que j’espère que demain leurs noms ne seront plus systématiquement associés à leur sexe et que cela doit leur donner l’audace artistique d’accéder aux plus hautes sphères si elles en ont le désir. Que la domination se dénonce, se travaille, se repense ensemble, avec les femmes et les hommes et qu’en tant qu’artistes elles doivent se sentir libres et LÉGITIMES.
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