• Origine et chronologie du programme

La Cité Beisson est construite sur les terres d’un ancien domaine bastidaire agricole qui appartenait dans les années 1950 à Henri Beisson, docteur en médecine, demeurant à Aix-en-Provence, rue d’Entrecasteaux.
Il reçut ce domaine en partage le 23 septembre 1937 (acte réalisé par Maitre Roux, notaire à Aix). Ce domaine est connu au XIXe siècle sous le nom de Campagne Gabet.

Sa superficie, d’environ huit hectares, comprend une bastide à usage d’habitation, une ferme attenante et ses dépendances, un moulin à vent en ruine, 2 puits et des parcelles en nature de jardin, labour (culture céréalière : blé), vergers, vignes et oliviers.

Suite à la réalisation du nouveau plan d’extension et d’aménagement de la ville, le 14 février 1954, Henri Beisson contacte par courrier, le maire d’Aix-en-Provence Henry Mouret afin de connaitre précisément la situation de sa propriété, qui intègre dorénavant le nouveau périmètre d’extension de la ville.
Il l’informe également qu’il envisage soit de procéder au lotissement de sa propriété, soit de la vendre.
A cette époque, Henri Beisson doit cesser son activité professionnelle pour des raisons de santé et entreprendre d’importants travaux de rénovation dans son habitation de la rue d’Entrecasteaux. Deux raisons qui permettent de comprendre la disparition de ce domaine.
Dans sa réponse du 26 février 1954, le maire indique que la propriété est frappée de réservation pour service public.

En effet, le nouveau Plan d’urbanisme directeur, fait apparaître deux incidences sur ce domaine.
Premièrement, incorporé dans le nouveau périmètre d’extension de la ville (noté en pointillés bleu), on note la présence d’une voie de circulation (en vert) qui traverse la propriété au sud de la bastide en suivant le tracé du chemin d’accès d’origine. Greffée sur l’ancienne route des Alpes (en jaune, à droite), cette voie devait servir de rocade pour rejoindre l’avenue Philippe Solari (en jaune, à gauche). Deuxième, un emplacement (détouré en rouge) est réservé pour la construction d’une école.
L’acquisition du terrain Beisson apparaît très vite aux yeux de la municipalité aixoise comme une solution immédiate permettant de réaliser facilement – pas de recherche de terrain par le biais d’annonce, donc pas de spéculation – une partie des objectifs du programme de construction fixé par le ministère. Elle songe dans un premier temps à construire sur ce terrain des Logements de Première Nécessité (LPN) mais compte tenu que celui-ci se situe dans un quartier essentiellement résidentiel, le projet est abandonné. Toutefois le Conseil municipal conserve la servitude en vue de la construction de logement HLM.

Le 18 septembre 1954, Henri Beisson signe une promesse de vente de 7 hectares de sa propriété au profit de la ville d’Aix-en-Provence, à l’exception de la bastide et d’une surface de 97 ares autour (la partie hachurée en rouge correspond à la réservation faite par le docteur Beisson).
La vente est consentie moyennant le prix de 500 F le m². Un prix conforme à l’évaluation des Domaines.
La dépense pour la ville s’élève à 35 millions de Frs. L’acte de vente définitif date du 19 janvier 1955.
L’acquisition du terrain en vue de la construction d’HLM est décidée le 20 octobre 1954 par délibération du Conseil Municipal.
Le 28 octobre 1954, un arrêté préfectoral déclare cette acquisition d’utilité publique.
La dépense est réalisée à l’aide d’une avance sollicitée par la ville auprès du Fonds National d’Aménagement du Territoire (FNAT).
Cette opération immobilière, qui s’appelle à l’époque Aix 600 car 600 logements étaient prévus, sera réalisée conjointement par les Offices départementaux et municipaux d’HLM (actuels 13 Habitat et Pays d’Aix Habitat). Une partie du terrain sera cédée à titre gratuit par la ville à l’Office départemental.
En définitive, seuls 573 logements seront construits, 298 par l’Office départemental et 275 par l’Office municipal. Les archives n’ont pas fourni de renseignements concernant cette réduction du nombre de logements. L’ensemble s’appelle aujourd’hui Cité Beisson.

En novembre 1955, Louis Olmeta est désigné en qualité d’architecte chef de groupe, Jean-Marie Sourdeau en qualité d’architecte d’opération.
L’appui technique est confiée à l’Omnium Technique de l’Habitation (OTH), le plus important et le plus qualifié bureau d’étude de Paris.
L’adjudicataire du gros œuvre est l’entreprise Les Travaux du midi. Les autres lots ont fait l’objet de concours nationaux.

Une étude géologique accompagne le dossier d’avant-projet de 1956. Elle est réalisée par M. Corroy, professeur de géologie à la Faculté des Sciences de Marseille.
Les coupes de terrain permettent de localiser trois secteurs différents :
- Un plateau constitué par des assisses de calcaire en plaquettes du Stampien supérieur. C’est un ensemble stable.
- Une zone ébouleuse à la pointe orientale assez instable, inapte à recevoir des fondations importantes.
- Des bancaous (terrasses) à l’ouest, de constitution ébouleuse également instable.
Les sondages déterminent une alternance de couches de terre, végétale en premier, puis argileuse ou caillouteuse et enfin des assisses de calcaire d’épaisseur variable (entre 10 et 30 cm).
Les résultats établissent que le terrain est parfaitement apte à recevoir les constructions projetées et que le type de fondation nécessaire afin d’asseoir les bâtiments sera des semelles filantes en béton armé (sous murs de façades et refends longitudinaux).

L’avant-projet est validé par le MRL le 17 octobre 1956.
Le permis de construire est demandé en 7 mai 1958, accordé le 26 août 1958.

L’étude sociologique de Christiane Faudry, Corsy et Beisson, deux cités HLM d’Aix-en-Provence (voir sources archivistiques), signale que des réservations sont effectuées dans les futurs logements pour les employés d’administrations publiques ou d’entreprises privées.

En effet, avec l’instauration du 1 % patronal dans le cadre de la loi de finances de 1953, les entreprises participent à l’effort de construction en versant 1 % du salaire annuel de leurs ouvriers. Elles peuvent également apporter, en supplément aux organismes HLM, une partie du prix de revient des programmes qui n’est pas financée par des prêts de l’Etat, à la condition qu’un certain nombre de logements soit affecté aux ouvriers et employés répondant aux conditions d’attribution d’un logement HLM.

Les 298 logements départementaux sont ainsi repartis. :

Dans les 275 logements de l’Office municipal, des réservations sont faites pour les salariés de la société Shell-Berre, de la société Sud-Aviation (actuelle Eurocopter) et de la société du Canal de Provence.

Le début des travaux prévus en octobre 1958 est reporté en février 1959.

Le quartier Saint-Eutrope, au caractère encore rural et peu urbanisé comme nous l’avons vu précédemment, comprend une voirie constituée par des petits chemins vicinaux et ruraux.

Aussi, dès le début du programme d’importants travaux de voirie sont réalisés afin d’assurer la desserte future de la cité et le raccordement de cette dernière au réseau urbain existant :
- élargissement du chemin rural des Peupliers (en vert) de 2,5 mètres à 10 mètres afin de permettre l’accès au terrain depuis la montée Sainte-Eutrope au terrain Beisson,
- aménagement d’une voie urbaine (en rouge, actuelle avenue Raymond Poincaré) sur le terrain, au nord de la bastide, qui permettra de relier l’avenue Paul Cézanne (en bleu) au chemin des Peupliers (actuelle allée des Peupliers) et desservir le groupe d’habitation,
- extensions des réseaux d’alimentations (eau potable, gaz et électricité) et d’évacuation (eaux pluviales, égouts).

La livraison des 573 appartements se fit en plusieurs tranches au cours de l’année 1961 :