Pierre Vago
Pierre Vago (1910-2002) est un architecte français d’origine hongroise, né à Budapest en 1910, actif en France, en Algérie, en Tunisie, en Allemagne, en Israël, en Hollande et au Mexique de 1934 au début des années 1980.
Fils de Josef Vago (1877-1947) – architecte hongrois, actif à Budapest avant la première guerre mondiale, proche du Werkbund allemand – et de Ghita Lenart, célèbre cantatrice, Pierre Vago passe son enfance en Hongrie, puis en Italie où sa famille émigre en 1918. Il est fortement marqué par ses années romaines pendant lesquelles, parallèlement à des études secondaires effectuées au lycée Camille Cavour, il fréquente l’avant-garde artistique italienne.
A partir de 1928, il étudie l’architecture à Paris, renonçant rapidement à la formation académique dispensée au sein de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts (Pierre Vago est inscrit quelques mois dans l’atelier Tournaire) au profit de celle, plus innovante, dispensée à l’Ecole Spéciale d’Architecture (1928-1932) où il étudie auprès d’Auguste Perret (1874- 1954). Il y côtoie Frantz-Philippe Jourdain (1906-1990), Jean Ginsberg (1905-1983), André Hermant (1908-1978), André Bruyère (1912-1998), Max Blumenthal ou encore Alexandre Persitz (1910-1975).
Diplômé par le gouvernement en 1932, Pierre Vago ne se tourne pas tout de suite vers la maîtrise d’oeuvre. Il consacre l’essentiel des années 1930 à l’édition d’architecture et à doter la profession de réseaux d’échanges internationaux. En 1930, aux côtés d’André Bloc (1996- 1966), Pierre Vago participe au lancement d’une nouvelle revue, L’Architecture d’Aujourd’hui qui, sans être avant-gardiste, rend compte de la production architecturale contemporaine, qu’elle soit française ou étrangère. Il occupe le poste de rédacteur en chef de la revue de 1931 à 1947 puis celle de président du comité de rédaction jusqu’en 1975.
Parallèlement, il fonde les Réunions Internationales d’Architectes (RIA) qui se tiennent successivement à Moscou (1932), en Italie (1933), en Tchécoslovaquie-Hongrie-Autriche (1935), à Paris (1937) et dont sera issue l’Union Internationale des Architectes (UIA) créée en 1947. En fidèle disciple d’Auguste Perret, Pierre Vago s’efforce de ménager une troisième voie sur la scène architecturale internationale car ces associations et rencontres constituent une alternative aux Congrès Internationaux d’Architecture Modernes (CIAM) qui, sous la houlette de Le Corbusier (1887-1965), se revendiquent comme étant la seule émanation du courant progressiste ainsi qu’au Comité Permanent International des Architectes (CPIA), organe des institutions académiques. Grâce à ses activités éditoriales et associatives et bien que n’ayant encore pratiquement rien construit, Pierre Vago bénéficie dès le début des années 1930 d’une visibilité et d’une réputation internationale.
Mobilisé le 1er septembre 1939, Pierre Vago est affecté près d’Hendaye où il travaille pour les services de renseignement de la Marine. Démobilisé suite à l’envahissement de la France en juillet 1940, Pierre Vago gagne Toulon puis Marseille où habite un cousin de sa femme qui le met en relation avec l’architecte Jacques Couëlle (1902-1996) avec qui il travaille un temps (villas, recherche de procédés constructifs utilisant les fusées céramiques). Pendant ses années marseillaises, Pierre Vago rencontre Fernand Pouillon (1912-1986) dont il occupe une partie de l’agence afin de mener à bien quelques projets personnels : villa Devun (Cassis, 1940-1941) ; achèvement de la maison Mayrisch de Saint-Hubert (Cabris, 1941-1943, arch. : Otto Barning) ; usine de cétonisation (Sorgues, 1942-1943). A cette période, il conduit également ses premières études d’urbanisme : plan d’aménagement de la côte des Maures (1942) ; plan d’aménagement de Roussillon (1942-1943). Dès 1941, Pierre Vago entre dans la Résistance (service de renseignement de la Marine de la France Libre). Début 1943, à la demande des Forces Navales Françaises Libres (FNFL), Pierre Vago crée un réseau de renseignements couvrant la côte d’Azur. En mai 1943, soupçonné de Résistance, Pierre Vago est arrêté. Il est emprisonné à la prison Saint-Pierre (Marseille) puis, à Fresnes. Libéré à l’automne 1943 sans qu’il ait été fait la preuve de ses activités de résistant, Pierre Vago s’installe dans une propriété familiale de Meung-sur-Loire (Loiret) où il demeure jusqu’à la Libération. Pendant cette période qu’il qualifie volontiers de « retraite », Pierre Vago approfondit ses réflexions sur l’architecture.
Dès la Libération de Paris, Pierre Vago regagne la capitale où il reprend ses multiples activités d’avant-guerre : RIA ; édition architecturale (Bâtir la France, L’Architecture d’Aujourd’hui, Art présent). La décennie 1945-1955 marque également le lancement de sa carrière en tant que maître d’oeuvre.
Décoré de la médaille de la Résistance, Pierre Vago est associé à d’importants programmes de Reconstruction. Il fait partie du groupe constitué par son ancien maître, Auguste Perret, pour la reconstruction du Havre mais jugeant qu’il lui est impossible de s’associer à ce qu’il juge être « une monumentale erreur », Pierre Vago quitte rapidement l’équipe. En 1946, il est nommé architecte en chef de la reconstruction d’Arles et de Tarascon (Bouches-du-Rhône) et de Beaucaire (Gard). Si son intervention dans cette dernière ville reste modeste, Arles et Tarascon constituent d’excellents terrains d’expérimentation pour Pierre Vago. La reconstruction de quartiers entiers (cours Aristide Briand, Tarascon, 1948-1960 ; quartiers Cavalerie et Trinquetaille à Arles ; cité de relogement Zola, Arles, 1947) et d’équipements (école de garçons, Tarascon, 1948-1952 ; église de la Sainte-Famille, Arles, 1948-1950 ; usine de traitement des eaux, Arles, 1951-1952 ; école Léon Blum, Arles, 1951-1953 ; église Saint-Pierre de Trinquetaille, Arles, 1952-1953) lui permet de mettre ses idées sur l’architecture à l’épreuve de la réalité constructive.
Parallèlement à son activité d’architecte-reconstructeur, Pierre Vago conduit plusieurs programmes de logements sociaux en Provence : groupes HLM à Arles, Marseille, Martigues, Port-de-Bouc ; construction de logements économiques de première nécessité (LEPN) à Arles, Berre, Martigues, Port-Saint-Louis-du-Rhône (1954). En 1947, le projet élaboré par Pierre Vago, en collaboration avec André Dunoyer de Segonzac (né en 1915) et Pierre Dupré, est primé au concours lancé par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) pour la construction de 800 logements au quartier Rotterdam à Strasbourg. Bénéficiant d’une bonne reconnaissance à l’échelle nationale, Pierre Vago intervient sur l’ensemble du territoire se confrontant à des programmes variés allant de la base de l’armée américaine (Lande-de-Brussac, 1951, en collaboration avec Frantz-Philippe Jourdain) à l’école Jeanne d’Arc (Montrouge, 1952). Il est particulièrement actif dans le domaine de l’architecture religieuse : chapelle du couvent de Monteils (1946-1951) ; maison de repos des Dominicaines (Nice, 1953) ; chapelle des Dominicaines (Etrépagny, 1953) ; aménagement du domaine de la Grotte (Lourdes, 1953) ; église Sainte-Thérése (Le Mans, 1954) ; église de Carry-le-Rouet (1955).
Son oeuvre majeure reste la basilique Saint-Pie X à Lourdes (1954-1958), édifice pouvant accueillir 20 000 fidèles, construit en collaboration avec les architectes André Le Donné (1899-1983) et Pierre Pinsard (1906-1988) et avec l’ingénieur Eugène Freyssinet (1879-1962). Au tournant des années 1950, Pierre Vago commence à travailler en Afrique-du-Nord (Algérie, Tunisie) où il réalise principalement des établissements bancaires.
Les décennies 1960 et 1970 marquent l’apogée de la vie professionnelle de Pierre Vago. Il réalise plusieurs études d’urbanisme en France (quartier des Sablons, Le Mans, 1962-1976 ; Trappes, 1967-1969 ; Poitiers, 1973) et à l’étranger (Tunis, 1960-1963 ; Ashod, 1965 ; Ispahan, 1966 ; Téhéran, 1968 ; Lomas de Marbella, 1967-1969 ; Hambourg, 1970 ; Djerba, 1975 ; Coatzacoalcos, 1980-1982). Il continue de se distinguer dans le domaine de l’architecture scolaire par la construction de groupes particulièrement intéressants à Tarascon (Souspiron, 1967), Beaucaire (Puech-Cabrier, 1965-1967) et Juans-les-Pins (1966-1969). Le renouvellement de l’enseignement technique et de ses infrastructures lui offre de nouvelles commandes : centres d’apprentissage de Marseille-Malpassé (1955-1967, en collaboration avec Léon Pierre) et de Beaucaire (1962-1965, en collaboration avec Pol Abraham) ou encore l’université technique du Mans (1959). La consécration vient avec la construction de la bibliothèque universitaire de Bonn (Allemagne, 1968, en collaboration avec Fritz Bornemann) et de la faculté de Droit et de Lettres de Lille (1969-1977).
A partir du milieu des années 1970, Pierre Vago cesse progressivement son activité de maître d’oeuvre tout en continuant de s’investir dans les rencontres, débats et colloques internationaux. En 1981, il est reçu à l’Académie d’architecture. En 1985, il ferme son agence du quai Voltaire à Paris et se retire au Valparon (Noisy-sur-Ecole). En 2000, il fait paraître ses Mémoires, Une vie Intense, qui constituent un témoignage inestimable sur son oeuvre et, audelà, sur l’Histoire de l’architecture au XXe siècle.
Sources
Archives
- Centre d'archives d'architecture, Fonds Vago, 064 Ifa.
- AN CAC 19771065 art. 232, Dossier d’agrément de Pierre Vago auprès du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme.
Bibliographie
- Bonthoux Lucile, La modernité critique de Pierre Vago : entre militantisme et oeuvre discrète, Marseille, EAML, TPFE sous la direction de Jean-Lucien Bonillo, 2002.
- Dion Mathilde, « Pierre Vago », Notices biographiques d’architectes français, Paris, Ifa/Archives d’architecture du XXe siècle, 1991.
- Durousseau Thierry, Logement : première nécessité (Arles, 1954), Fiche-affiche du CAUE, Marseille, CAUE 13, 2009.
- Lambrichs Anne, Josef Vago (1877-1947) : un architecte hongrois dans la tourmente européenne, Bruxelles, AAM, 2003.
- Ragot Gilles, « Pierre Vago et les débuts de L’Architecture d’Aujourd’hui 1930-1940 », Revue de l’Art, 1990, n°1, p.77-p.81.
- Segond Armonie, AUVILAIN Elsa, L’Ecole Léon Blum, Projet tutoré Licence professionnelle de conservation et restauration du patrimoine bâtie, Arles, Université de Provence, 1008-2009.
- Vago Pierre, Une vie intense, Bruxelles, Archives d’Architecture Moderne, 2000.
Sources imprimées
Ne sont pas indiquées présentement les nombreuses références de sources imprimées, notamment les articles écrits par Pierre Vago et ceux consacrés à ses réalisations qui documentent son oeuvre.
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