Saodat Ismailova présente ses œuvres filmiques originales au Fresnoy - Studio national jusqu'au 30 avril 2023. Elle traverse la grande tradition du cinéma d’observation pour construire un nouveau langage, qui cherche à rendre compte de cultures et de croyances enfouies, rendues invisibles par la table rase du XXe siècle. La première exposition dédiée à l’artiste ouzbèke en France réunit autour de ses pièces majeures un riche réseau de conversations artistiques au sein de l’Asie centrale et au-delà.
Ses œuvres interrogent une mémoire divisée où se superposent les croyances ancestrales et l’empreinte de la domination russe puis soviétique. Son écriture filmique mêle la sévérité de la condition féminine, le déclin des ressources naturelles, l’énigme persistante du vivant, les pratiques magiques et le désir d’absolu.
- Zukhra (2013)
- The Letters (2014-2017)
- Stains of Oxus (2016)
- Two Horizons (2017)
- The Haunted (2018)
- Chillahona (2022)
Née à Tashent en 1981, Saodat Ismailova se forme en études cinématographiques et télévisuelles à l’Institut national des Arts de Tachkent, lieu de transmission de l’héritage russe sous l’ère soviétique. L’exploration des diverses cultures qui façonnent l’Asie Centrale est au cœur de sa pratique dès ses premiers courts-métrages réalisés au milieu des années 2000.
Elle porte une attention particulière aux pratiques rituelles de la musique et de la danse, ainsi qu’aux transformations du paysage par l’exploitation intensive et l’industrie lourde tout au long du XXe siècle. Son œuvre intègre peu à peu des objets, fruits de recherches de terrain sur les traditions vernaculaires qui ont survécu à la domination soviétique.
En 2013, elle représente l’Asie Centrale à la Biennale de Venise avec une pièce vidéo, Zukhra, s’intéressant aux mythes qui entourent la planète Vénus. L’artiste trouve là le premier nœud d’une conjonction de l’intime, des mythes collectifs et de la macro-histoire. L’œuvre semble ausculter l’inconscient onirique d’une jeune fille assoupie : elle témoigne d’une étude des récits de rêves qu’Ismailova a collecté auprès des communautés rurales.
En 2018, l’artiste est diplômée du Fresnoy – Studio national où elle crée deux installations à projections multiples : Stains of Oxus (2016) dresse un portrait du fleuve Amou-Darya, qui traverse l’Asie Centrale du Pamir à la Mer d’Aral, tandis que Two horizons (2017) relie la station spatiale russe de Baikonur aux premiers shamans qui vivaient autrefois sur le même site.
La série de photographies The Letters (2014-2017) puis le film The Haunted (2018), récemment entrés dans la collection du Centre Pompidou, élaborent subtilement l’idée d’une mémoire chiffrée que l’extinction menace, entre le palimpseste linguistique constant de l’Asie Centrale et l’image totémique du tigre de la Caspienne, espèce autrefois sacrée qui n’a pas résisté à l’exploitation intensive des sols.
En 2022, l’artiste participe à la Biennale de Venise et à la Documenta de Cassel et reçoit le Eye Prize décerné par le Eye Film Museum, Amsterdam.
Un agenda riche
Le Fresnoy propose un programme varié passant d'une expo-brunch le 19 mars à un ciné-conte le samedi 29 avril. L'artiste, Saodat Ismailova, sera elle-même présente le lundi 20 mars pour une projection inédite de films choisis par cette dernière. Tous les dimanches, des visites guidées gratuites sont proposées, dont une conçue spécialement pour les enfants. Les événements et toutes les informations sont à retrouver sur le site du Fresnoy.
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