À l’issue du spectacle Chroma, dont une projection spéciale était organisée pour le lancement des festivités des 800 ans de la cathédrale d’ Amiens en 2020, le Président de la République a effectué une visite impromptue de la cathédrale, dont l’intérieur était mis en valeur par le système d’éclairage récemment renouvelé.
Il était accompagné de Muriel Nguyen Préfète de la Somme et des représentants des différents services qui œuvrent au quotidien à la cathédrale. L’évêque Monseigneur Leborgne, le recteur Don Édouard et le sacristain représentaient le Clergé ; Thierry Sanchez, Émilie Messiaen et Sébastien Auchart, Christian Douale, directeur adjoint délégué en charge des patrimoines, Anita Oger-Leurent, conservateur des monuments historiques, Suzanne Lemardelé, conservatrice des monuments historiques, Conservatrice régionale des monuments historiques (CRMH) adjointe et Antoine Paoletti, architecte des bâtiments de France représentaient respectivement le Centre des Monuments Nationaux (CMN), Amiens Métropole et la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC)
Il a été signalé au Président la bonne entente de ces différents partenaires et acteurs. Ainsi, le propriétaire/ État, le Clergé/affectataire et la Métropole entretiennent et animent cet édifice exceptionnel, et œuvrent ensemble à sa mise en valeur et à son rayonnement.
Un point a tout d’abord été fait sur les avancées décisives en matière de sécurité de la cathédrale comme la mise aux normes de l’entièreté du réseau électrique, l’achèvement du plan Sécurité système incendie (SSI), l’élaboration d’un plan de sauvegarde des œuvres à destination des pompiers. Un exercice mené le 15 novembre 2019 avec le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a démontré que les mesures envisagées en cas de sinistre étaient pertinentes. Les dimensions gigantesques de la Cathédrale d’Amiens exigent en effet une vigilance et une anticipation particulières sur le sujet de la sécurité.
La visite a ensuite permis de montrer au Président les œuvres concernées par des travaux menés dans le cadre de la célébration des 800 ans de la cathédrale.
Travaux de restauration du grand orgue
Ces travaux débutent en décembre 2019. La maîtrise d’œuvre portant sur des interventions sur la maçonnerie est confiée à Richard Duplat, Architecte en chef des monuments historiques (ACMH). Celles-ci visent à procurer à l’instrument un environnement sain. Elles permettront aussi la vérification de la voûte au-dessus de l’orgue ainsi que la recherche et la mise en valeur des vestiges de décors peints sur les parements. L’échafaudage, dressé du sol à la voûte, sera mis à profit pour démonter l’instrument, puis étudier et restaurer la tribune et les buffets de l’orgue. Ces travaux sont placés sous la maîtrise d’œuvre d’Eric Brottier, technicien-conseil pour les orgues historiques. Le retour de l’instrument donnera ensuite lieu à d’ultimes interventions sur les buffets.
Pendant les trois années de travaux, une bâche dressée sur l’échafaudage présentera une image de l’orgue traitée de manière à mettre en valeur toute l’esthétique de l’ensemble formé par l’instrument, ses buffets et la tribune. Ces derniers constituent en effet un rare témoignage – trop méconnu – de l’art de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance. L’instrument restauré donnera à entendre la qualité de la facture de Cavaillé-Coll tout en préservant l’intérêt des apports de l’entreprise Roethinger au XXe siècle.
Ainsi à l’issue de sa restauration l’orgue pourra tenir une place digne de la réputation de la cathédrale, Monument historique et Patrimoine mondial de l’Unesco.
Gisants des évêques
Les gisants des évêques reconstructeurs de la cathédrale au XIIIe siècle, Evrard de Fouilloy et Geoffroy d’Eu, sont en cours d’étude. Épargnés par les fontes révolutionnaires, rares rescapés en France des grands gisants de bronze médiévaux, ce sont des œuvres exceptionnelles. Leur restauration en 2020 devrait consister en un nettoyage respectueux de leur patine ancienne, une vérification de leurs éléments porteurs et une mise en valeur au sein de leur environnement.
Chapelle Saint-Jean-du-Voeu
Le chantier de la chapelle Saint-Jean-du-Vœu s’ouvrira prochainement sous la direction de Richard Duplat. Il répond au besoin de présenter le Chef Saint-Jean dans les meilleures conditions, au sein de la chapelle qui fut aménagée pour lui dans les premières années du XVIIIe siècle. Le Chef est réputé être l’insigne relique de la face de Saint Jean-Baptiste dont l’arrivée à Amiens en 1206 et la dévotion qu’elle suscita furent parmi les raisons de la reconstruction de la cathédrale. La restauration de l’ensemble du mobilier de la chapelle et en particulier du grand retable orné de statues de Jean-Baptiste Poultier s’accompagnera donc de toutes les interventions nécessaires à une présentation sécurisée du Chef. Il est prévu que les travaux durent 5 mois.
Le Président a ensuite visité le trésor de la cathédrale dans lequel est actuellement conservé le Chef Saint-Jean. Les objets emblématiques de cette collection lui ont été présentés. Une valorisation numérisée de ces œuvres est prévue sur internet en 2020.
D’autres sujets ont retenu l’attention du Président
Il s'est ainsi intéressé à la restauration en cours du monument offert par le chanoine Claude Pierre en 1650 et œuvre du grand sculpteur amiénois Nicolas Blasset. Ce monument menaçait de se désolidariser du pilier auquel il est fixé ; il fut donc sanglé, étudié puis déposé. Les travaux consistent en une reprise de la structure porteuse et une restauration fondamentale qui révèlera sa grande qualité.
Le procédé de copie des statues déposées de la façade sud de la cathédrale, actuellement exposées dans le couloir du cloître a également retenu son attention. Au cours du chantier de restauration (2014-2018), certaines sculptures se sont révélées trop fragiles pour être maintenues en place sur la façade. Ces œuvres du XIVe siècle, lacunaires, couvertes de dépôts liés à la poussière et à la pollution et fissurées en plusieurs endroits, ont dû être déposées et copiées. A partir des sources anciennes (photographies, dessins, gravures…) a été déterminé un état servant de référence à la restauration des sculptures. Elles ont ensuite été nettoyées, consolidées puis déposées pour faire l’objet d’un scan 3D servant à réaliser un tirage en polyuréthane. Le sculpteur a testé sur cette copie éphémère les différents compléments à mettre en œuvre sans abimer la sculpture originale. Lorsque l’aspect de la future copie a été jugé satisfaisant, le sculpteur s’est basé sur ce modèle pour tailler la nouvelle sculpture dans un bloc de calcaire.
Enfin la question des vitraux provenant de la cathédrale et en dépôt à Champs-sur-Marne a interpellé le Président. Afin de les protéger au cours des différents conflits qui ont touché la cathédrale, de nombreux panneaux ou fragments de vitraux ont été déposés au Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (LRMH). Au total, 22 caisses y sont toujours conservées. Leur inventaire est terminé et la question de l’intégration (ou pas) de ces éléments dans l’édifice pourra être étudiée. L’une des pistes éventuelles serait de garnir avec une partie de ceux-ci les baies faisant face aux peintures murales des Sibylles qui souffrent de la chaleur dispensée par les verrières actuellement en verre blanc. Ce cycle peint réalisé au tout début du XVIe siècle est dans un état très préoccupant, dont la recherche des causes mobilise tant les équipes de la CRMH que celles du LRMH.
Un travail d’équipe
Le bon aboutissement de ces chantiers repose sur une condition essentielle : un travail d’équipe, qui s’effectue dans la complémentarité des compétences des services de l’Etat - DRAC (et plus spécifiquement la CRMH et l’UDAP) et CMN -, en partenariat avec la Conservation des Antiquités et Objets d’art de la Somme (Conseil départemental) et en collaboration avec le clergé affectataire, l’archiviste diocésain et les services d’Amiens métropole. Les relations de confiance et d’estime qui se sont nouées entre ces intervenants permettent au souci du bien commun d’être toujours premier dans les considérations qui président à la conduite des chantiers.
Après avoir remercié les participants à cette visite, le Président de la République a ainsi conclu :
Pour qui est soumis à la tyrannie de l’instant au quotidien, il est rassurant de voir des gens dont le métier est de veiller sur les siècles.
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