Le château de Pierrefonds classé monument historique depuis 1862, propriété du Centre des monuments nationaux (CMN), va bénéficier pour ses travaux de restauration d’une dotation de 2 millions d'euros (sur un coût total de 7 millions) dans le cadre du Plan de relance.
Le chantier de restauration concerne les façades et toitures de l’aile des Preuses, la tour Alexandre et la tour Godefroy de Bouillon. Les travaux débuteront en janvier 2022, et s’achèveront à la fin de l’année 2023.
Globalement le Plan de relance dote le CNM de 40 M€ pour soutenir le patrimoine et valoriser les métiers d'art et les savoir-faire d'excellence. 14 monuments du réseau du CMN sont concernés.
Diagnostic et campagne de restauration
Un bilan complet des altérations du clos et du couvert de l’aile des Preuses, de la tour Alexandre et de la tour Godefroy de Bouillon a été réalisé suite à une étude de diagnostic remise en mai 2019. Ce bilan indique notamment des altérations profondes de certaines pierres sur les façades, ainsi que quelques fissures profondes et superficielles, mais aussi des altérations sur les descentes d’eaux pluviales et les chéneaux. Les couvertures en ardoises violines de Fumay sont à bout d’usage, et les crochets de fixation en cuivre sont usés. A l’intérieur, des altérations des entrevous de planchers ainsi que des desquamations de la pierre, consécutives aux infiltrations d’eau, sont observées. Au 1er étage de l’aile, dans la salle des Preuses, les dégradations du décor peint et les coulures d’infiltration nécessitent d’engager une restauration des remarquables décors imaginés par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc.
Sur ce constat, et dans le cadre du plan de relance, le CMN va engager une large campagne de restauration de cette partie du château à partir de janvier 2022, sous la maîtrise d’œuvre de Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques. Une reprise intégrale des couvertures et chenaux sera effectuée, ainsi qu’une révision et un traitement de la charpente en fer. L’extrados de la voute en brique de la salle des Preuses sera isolé, et les descentes d’eaux pluviales seront remises en état. Également, un rejointoiement des dalles de couvertures de la galerie sera effectué. Sur les élévations côté cour, un traitement biocide, un micro-gommage et un remplacement des pierres altérées seront réalisés. Les menuiseries côté cour seront réparées. Dans la salle des Preuses, les décors peints seront restaurés. L’éclairage sera amélioré, y compris celui des sous-sols pour une meilleure exploitation du deuxième niveau de la cave. Ces travaux nécessiteront l’intervention de plusieurs corps de métiers, avec notamment des opérations de maçonnerie, de pierre de taille, de sculpture, de menuiserie, de peinture et de restauration des vitraux.
Le Château de Pierrefonds
C’est en 1393 que Louis d’Orléans, fils cadet de Charles V, reçoit en apanage le duché de Valois. Prince bâtisseur et mécène, il ordonne aussitôt la construction d’une demeure fortifiée en lieu et place de la première forteresse des descendants de Nivelon de Pierrefonds. Bien qu’inachevée au moment de l’assassinat du duc d’Orléans par son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne, Pierrefonds n’en demeure pas moins célèbre par ses dimensions spectaculaires, la qualité de son décor et la puissance de son système défensif. Le château reste l’apanage de la famille d’Orléans, jusqu’à ce qu’Antoine de Saint Chamand s’en empare au nom de la Ligue, en 1589. Il résiste à deux tentatives d’assaut de l’armée royale, dont celle de Henri IV en 1593, mais le siège livré par Richelieu sur ordre de Louis XIII en 1617 lui est fatal : la forteresse de Pierrefonds est prise puis démantelée.
Racheté en 1811 par Napoléon 1er, Pierrefonds devient un lieu de promenade obligé pour les amateurs de pittoresque au temps du romantisme naissant, comme en feront l’écho de nombreux artistes de cette époque. Pourtant, avec l’avènement de Napoléon III, le château connaît une seconde vie. En 1857, l’empereur confie sa restauration à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, déjà connu pour ses grands chantiers : Vézelay, Carcassonne ou Notre-Dame de Paris. Ce choix est légitime puisque Viollet-le-Duc a déjà publié sur le château – dans le premier tome de son Dictionnaire raisonné de l’architecture (1854) et dans sa Description du Château de Pierrefonds (1857). De la reconstruction de Pierrefonds, Viollet-le-Duc va faire le laboratoire de sa vision de l’architecture : puiser dans l’étude de l’âge médiéval les bases d’un art national qui viendrait contredire la suprématie du modèle italien de la Renaissance. Alors que l’empereur aurait plutôt souhaité faire du site une nouvelle et pittoresque résidence, l’architecte va transformer le château en un musée de l’architecture au Moyen Age. Soutenu dans sa démarche par un Napoléon III mécène, Viollet-le-Duc va mener à bien un programme de restauration, voire de réinvention, véritablement titanesque, qui va s’étaler sur plus de vingt ans. Inachevés à sa mort en 1879, les travaux se poursuivent toutefois sous la conduite de son gendre Maurice Ouradou, qui en applique fidèlement les plans jusqu’en 1884. Ouvert au public dès 1867, la reconstruction du château de Pierrefonds doit ainsi être comprise comme une leçon de l’architecture française du XVe siècle, alliant indissociablement restitution archéologique et vision imaginaire du Moyen Age. Elle témoigne de l’universalité de la pensée de Viollet-le-Duc et de l’étendue du talent d’un génie inclassable : à la fois archéologue et architecte, écrivain et dessinateur, décorateur et ingénieur.
Le château de Pierrefonds est ouvert au public par le Centre des monuments nationaux.
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