« ... toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien.»
Racine, Préface de Bérénice
Me défiant de l’image, je m’attache à créer les conditions de la vue : rester entr’ouvert pour espérer (risquer) entrevoir le monde. Je travaille sans préméditation, dans l’élan d’une promenade, en récoltant des objets rebuts, en me laissant traverser par une rencontre ou un mot... Je demeure dans une économie, tant de l’objet, du regard que du geste. Les matériaux sans valeur - des médicaments devenus substances à dessiner, des clous rouillés assemblés en sculpture, une poutre, de la cendre, un cageot, une pièce de puzzle - une fois reconsidérés par et dans le geste, constituent la matrice d’une recherche plastique poursuivant la modestie des formes au détriment du manifeste. Ces formes toujours modestes rejoignent tantôt le champ de l’installation, de la sculpture, quand il ne s’agit pas de photographies, de vidéos ou de dessins. Le geste, résolument, ouvre. Depuis 2012, j’éprouve et explore un travail de dessin au quotidien, dans une forme de commande adressée à moi même : réaliser un dessin par jour et le publier. Ces feuilles constituent autant de traces de ce qui surgit ou s’enfuit, de ce qui advient ou disparait, de ce qui nous traverse. Elles offrent quelques fragments ou sédiments d’un monde qui n’apparait que dans l’instant suspendu d’une vision. Modestes et discrètes, les formes que je propose s’efforcent de révéler autant de points sensibles, à l’image du punctum évoqué par Roland Barthes, cet élément qui part de l’oeuvre « comme une flèche, et vient me percer », envisagé encore comme «piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés».
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