Avant la construction, par Snecma, d’un nouveau bâtiment sur le site de Villaroche, à Montereau-sur-le-Jard (Seine-et-Marne), la Drac Île-de-France (service régional de l’Archéologie) a prescrit des recherches archéologiques menées par l’Inrap.  Le diagnostic, préalable à la fouille, a montré une répartition des vestiges archéologiques sur une surface de 3 000 m². Seuls les 1 800 m² menacés par les travaux d’aménagement ont donné lieu à une fouille, de juin à juillet 2015.

Les recherches ont démontré que le site a été occupé à plusieurs reprises au Paléolithique moyen (entre - 300 000 et - 40 000 avant notre ère). De nombreux outils en silex associés à des restes de mammouths datés de la dernière glaciation (autour de 100 000 ans avant notre ère) ont été mis au jour. Ces découvertes sont d’autant plus inédites qu’elles sont faites en contexte de plateau. Elles éclairent de façon singulière les comportements de subsistance des groupes humains à cette période.

© Laurent Petit, Inrap

Un ancien relief propice à la conservation des sols…

Le Paléolithique dure plusieurs millions d’années et est marqué par des fluctuations climatiques (successions de périodes glaciaires et tempérées) qui modifient profondément les paysages. Situées au sud du plateau briard, les occupations de Montereau-sur-le-Jard ont été découvertes dans une ancienne dépression, aujourd’hui nivelée dans le paysage. Les sols contenaient des éléments organiques, charbons de bois et faune, généralement absents sur d’autres sites, car détruits. Ces différents éléments permettent une restitution fine de l’environnement et un calage chronologique relativement précis des occupations humaines associées.

… et à l’installation de groupes humains

La présence d’eau à la base de cette dépression a constitué un atout pour l’installation des hommes, d’autant plus en contexte de plateau où elle est plus rare qu’en vallée. Les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs structurent ainsi leur territoire en fonction de cette ressource indispensable à leur survie. L’eau exerce le même attrait sur les animaux et constitue donc un lieu privilégié pour les chasser. La présence de galets de silex disséminés dans les sables tout proches et dans les vestiges d’une ancienne terrasse alluviale de la Seine (nappe de Sénart) a pu aussi attirer les hommes préhistoriques afin de produire armes et outils.
La position abritée de ce site en cuvette est un autre atout dans ces milieux ouverts aux vents que sont les plateaux.

© Inrap

Des pointes en silex et des mammouths

L’occupation principale, dont l’âge est estimé autour de 90 000 ans, se caractérise par la présence de nombreuses pointes en silex et de restes de mammouths. La conservation de la faune est exceptionnelle en contexte de plateau où l’acidité des sols détruit généralement toute matière organique. À Montereau-sur-le-Jard, ces processus chimiques ont détruit totalement certains os, les plus fragiles, mais ont conservé les plus résistants, à savoir les dents. Ainsi 9 dents ont été retrouvées, appartenant à au moins deux individus, pour une seule défense et un fragment d’os long.
Près d’un millier de silex taillés était associé à ces restes, principalement des pointes, pièces aux bords convergents, dont l’usage reste à déterminer (arme de jet, outil de découpe ?).  Au-delà de leur fonction, ces pointes pourraient indiquer l’existence d’une tradition technique particulière, observée uniquement auparavant sur un site de la même période à Villiers-Adam dans le Val-d’Oise. 

D’autres installations humaines       

Des occupations plus anciennes sont également présentes. Les silex taillés sont peu abondants, mais semblent montrer des différences : silex de meilleure qualité, outils plus grands…  Ces changements techniques sont encore plus évidents dans les occupations les plus récentes où les objectifs de la production changent : des lames, éclats allongés et étroits, sont recherchés et la production de pointe disparaît. Ces productions laminaires sont connues sur de nombreux sites contemporains, sur le plateau et plus généralement dans le nord de la France.  Ces changements techniques au cours du temps marquent des ruptures importantes dans les sociétés préhistoriques. Ils peuvent résulter d’une évolution interne des populations autochtones ou bien de l’arrivée de nouvelles populations.

Conclusion

Cette découverte renouvelle les connaissances sur l’environnement et les comportements des hommes au début de la dernière glaciation. Si la présence de mammouths renvoie à la découverte récente (2012) de Changis-sur-Marne a priori proche en âge, elle s’en distingue par l’abondance des traces humaines et son contexte inhabituel, en plateau, amène un éclairage nouveau sur les comportements humains, leurs stratégies de subsistance et leur territoire au début de la dernière glaciation. Cette fouille permet aussi d’observer une évolution des traditions techniques sur un temps assez court grâce à une succession de niveaux inédits en Île-de-France.

Aménagement : Snecma

Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie, Drac Île-de-France

Recherche archéologique : Inrap

Responsable scientifique : Frédéric Blaser, Inrap