Le musée Roybet Fould à Courbevoie présente l'exposition "Jules Chéret et l'âge de l'imprimé. L'image dans tous ses états" du 13 mai au 24 août. Cette exposition rend ainsi hommage à l’œuvre graphique de Jules Chéret (1836-1932) à travers une collection de petites estampes dont beaucoup sont inédites car elles proviennent d’une collection privée, elle-même issue d’un des principaux mécènes de l’artiste. Chromos, couvertures de roman, titres de musique, invitations, faire-part de naissance, menus, cartes postales, programmes de spectacle… soulignent les temps forts de l’ascension artistique de Chéret. Le musée Roybet Fould a bénéficié du concours et des prêts de la Bibliothèque Forney, à Paris, Les Silos, maison du livre et de l’affiche à Chaumont (Haute-Marne), et de l’institut national de la propriété industrielle à Courbevoie. Certaines pièces sont rares et inédites.

Présentation de l’exposition

Jules Chéret. Couverture de livre "Roman incohérent" par Charles Joliet, dessins de Steinlen 1887 chromolithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Organisée autour de 85 documents, répartis en trois salles, l’exposition cherche à reconstruire la dynamique visuelle liant la production d’affiches de Jules Chéret à ses petites estampes. Elle rend également hommage aux collectionneurs qui au fil du temps rendent possible la transmission d’un patrimoine dont l’intérêt dépasse l’unique valeur marchande.

L’exposition met ainsi en avant la pluralité du fonds et son caractère exceptionnel liant l’artiste à ses commanditaires qu’ils soient éditeurs, imprimeurs ou amis. Ces documents sont autant d’outils qui permettent de comprendre le rôle de Chéret dans le déploiement, à une échelle quasi industrielle, de l’image à la fin du XIXe au début du XXe siècle. Explorer ces images permet d’observer, souligner et tisser des relations entre elles et avec ses affiches, fondant, en cela, une visibilité médiatique qui, par la récurrence des thèmes et l’adaptation des motifs, contribue à forger l’image de Chéret lui-même.

Parcours de l’exposition

"Couverture d’un titre de musique Polonia. Suite de valses sur les Motifs de F. Chopin par Pierre Muller" 1888 chromolithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Salle 1. Du spectacle au divertissement, une image omniprésente pour une activité florissante

A la fin du XIXe siècle, capitale des arts et du spectacle, Paris compte près de trente salles de théâtre, trois cents cafés-concerts, des music-halls et des cirques. L’offre diversifiée et conséquente participe à l’image et à l’animation de la ville. Par les outils publicitaires déployés, Jules Chéret contribue à la visibilité d’une véritable industrie. A cela s’ajoutent les bals publics et populaires, les soirées privées et annuelles ou le carnaval.

Menu de mariage vers 1886 lithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Masqués ou déguisés, les personnages conçus par Chéret pour ses affiches, invitations, tickets d’entrée, programmes, sont souvent issus de la Commedia dell’arte avec les emblématiques figures de Pierrot, Arlequin, Polichinelle ou encore Colombine. A la même époque, le théâtre remet au goût du jour les pièces de pantomime, privilégiant le geste à la parole. Les spectacles privés sont facilités par l’édition et la diffusion de programmes et de partitions. On rejoue chez soi les mélodies entendues sur scène. Étant une composante-clé du spectacle et un secteur florissant, la musique s’étend aux loisirs et aux activités sportives individuelles comme le patinage sur glace (Palais de glace).

salle 2 Le spectacle de l’industrie et de la consommation

Carte postale "Palais de Glace / Champs-Elysées" 1898 chromolithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

 

Série de neuf chromos d’une série qui en compte douze, légendés en anglais et réalisés pour le parfumeur Eugène Rimmel 1862-1865 chromolithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Vecteur de vulgarisation scientifique et technique, les Expositions universellesincarnent au XIXe siècle des manifestations à la fois populaires et festives. Commémorant le centenaire de la Révolution Française, l’Exposition de 1889 n’échappe pas à la règle : y est synthétisé l’ensemble des activités humaines sous forme de spectacles (Grand Théâtre de l’Exposition), de jeux (Le Pays des Fées), combinées à une volonté de pédagogie et de sensibilisation autour des nouvelles tendances de consommation (Théâtrophone et électricité). En 1881, Paris avait déjà accueilli l’Exposition Internationale de l’électricité pour permettre aux scientifiques d’exposer le résultat de leurs recherches.

 

Il s’agit désormais de démontrer les bienfaits sociaux qui peuvent en découler. Un parc d’attractions est ouvert dit "Le Pays des Fées", en référence à la Fée électricité. Pour la première fois, les lampes qui éclairent les rues ne sont plus au gaz. Cela permet, outre une meilleure sécurité, de laisser les portes de l’exposition ouvertes jusqu’à onze heures le soir. Une visite de nuit est annoncée sur le prospectus sponsorisé par le quotidien Le Rappel. Avec ses 32 millions de visiteurs, l’Exposition représente aussi un évènement incontournable, notamment pour les marques de boisson (Grassot, Vin Mariani, Dubonnet) bénéficiant de la revente de leurs produits chez les nombreux restaurateurs et les limonadiers.

salle 3 Une rhétorique de la communication visuelle, entre rêve et stéréotype

Réduction d’affiche "L’Arc-en-ciel", paru dans Les Affiches illustrées…, 1896, n° 111 1893 chromolithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

1ère de couverture "A Madame Émile Louis. España, Célèbre Rapsodie d’Emmanuel Chabrier…" 1886 lithographie collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Intimement lié aux ressources de la chromolithographie, l’œuvre graphique de Jules Chéret apporte un renouveau esthétique. Ce dernier rompt avec les compositions surchargées au profit de codes visuels qui seront poursuivis et développés par la suite. Son écriture graphique impose un trait vif, ample et spontané, évoquant mouvement et légèreté. Représentés dans des postures dynamiques, ses personnages rappellent l’instantané photographique. Jouant tour à tour sur le sensationnel pour les romans lancés dans la presse, il déploie aussi une vision proche du cliché pour les titres de musique, pour les grands-magasins (rythmés par les changements de saisons), ainsi que pour les particuliers, à travers des faire-part de naissance et des menus de mariage.

S’appuyant souvent sur l’allégorie (La Revue des Beaux-Arts, Le Nouveau Paris, La femme…) ou le référent littéraire (A la Nouvelle Héloïse, Au masque de fer), il exploite visuellement tout ce qui peut faire sens dans l’inconscient collectif afin de mieux marquer les esprits. Jules Chéret propose le reflet d’un monde idéalisé qui n’emprunte à la réalité que ce qui paraît être présentable, optimiste et vendeur. En cela, son univers contient en germes les prémices d’un artifice publicitaire à vocation commerciale. Chromolithographie : technique d’impression en couleurs sur pierres lithographiques.

 

Jules Chéret (1836-1932)

Alfred Choubrac, "Portrait de Jules Chéret", publié dans Les Hommes d’aujourd’hui, n°275 [vers 1885] collection particulière © Yann Rossignol Courbevoie

Lithographe de formation, Jules Chéret commence sa carrière par la réalisation de prospectus, en-têtes de lettres, petites affiches, faire-part, calendriers… auprès d’imprimeurs et d’annonceurs français et britanniques. Sa rencontre en Angleterre avec le parfumeur Eugène Rimmel est décisive : c’est grâce à ses fonds financiers que le lithographe s’installe à Paris, où il fonde une imprimerie orientée vers la production d'"affiche-tableaux (genre anglais) » (1867). C’est le début d’une activité intense, associée à une visibilité remarquable qui masque ses déboires financiers. Chéret finit par vendre son entreprise à Chaix en 1881 ; il en devient le directeur artistique pour la section affiche jusqu’en 1895. Entre-temps, il a commencé son ascension artistique et sociale, marquée par une première exposition personnelle en décembre 1889, accompagnée d’un catalogue préfacée par Roger Marx. Le soutien indéfectible du critique s’avère déterminant. Il l’encourage à se diriger vers la décoration, la peinture murale et le mobilier. Ces activités que Chéret déploie conjointement jusqu’en 1922 l’amène à passer les dernières années de son existence à Nice, où il meurt à l’âge de quatre-vingt-seize ans.

Autour de l’exposition

Samedi 16 mai. Nuit européenne des musées. Visite guidée de l’exposition temporaire et concert organisés dans le cadre de cette manifestation prolongée en soirée.  16h30, visite guidée de l’exposition "Jules Chéret", 19h, concert de Léonard Ganvert (violon) et Amicie Ganvert (violoncelle).

Jeudi 21 mai. Conférence organisée au musée Roybet Fould dans le cadre d’« Une Soirée au musée », par Virginie Vignon sur le thème : "Du lithographe à l’artiste décorateur : les métiers de Jules Chéret". De 18h à 19h, entrée libre et gratuite, réservation conseillée au 01 71 05 77 92.

Ateliers et animations. Le musée propose différents ateliers autour de l’exposition, à destination des enfants à partir de 5 ans : le mercredi sur réservation uniquement, renseignements et inscriptions auprès du musée (01 71 05 77 92). Afin de faciliter la visite de l’exposition, le musée met à la disposition du public un dépliant-parcours ainsi qu’un livret-jeux accessibles à tous sur demande.

Informations pratiques

Musée Roybet Fould, Parc de Bécon 178, boulevard Saint-Denis 92400 Courbevoie. Tous les jours de 10h30 à 18h (fermé le mardi et les jours fériés), entrée gratuite Tél. : 01 71 05 77 92