Le poids économique direct de la culture représentait 2,2 % du produit intérieur brut de l’ensemble de l’économie lors d’une année 2020 particulièrement impactée par la crise sanitaire.

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Nicolas Pietrzyk

Un léger repli après sept ans de stabilité. La nouvelle étude du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (Deps-doc) du ministère de la Culture fait le point sur le poids économique direct de la culture, mesuré en 2020 à 2,2 % de l’ensemble de l’économie française.

Ce chiffre correspond à la part de richesse créée par l’ensemble des activités directement culturelles au sein de l’économie : audiovisuel, spectacle vivant, livre et presse, agences de publicité, architecture, arts visuels, patrimoine et enseignement artistique et culturel. Mais l’année 2020 correspond à celle de la crise sanitaire, à laquelle le monde de la culture a été confrontée, avec des conséquences hétérogènes selon les secteurs. Analyse avec Nicolas Pietrzyk, chargé d’études au Deps-doc.

Après sept années de stabilité, le poids économique direct de la culture chute légèrement en 2020. Comment analyser ce résultat ?

Effectivement, pour l’année 2020, le poids économique direct du secteur culturel est de 2,2 %, en légère diminution par rapport aux autres années de 0,1 point. Il était à 2,3 % les sept dernières années, de 2013 à 2019, ce qui montre tout de même une certaine stabilité. Le PIB culturel a chuté de 7,1 % en valeur, soit une baisse importante et plus marquée que pour l’ensemble de l’économie (–5,3 %) mais tout en restant relativement proche, ce qui explique en définitive que la baisse du poids économique direct soit atténuée. En volume, le PIB culturel diminue cependant davantage, de 15,1% entre 2019 et 2020, contre 8 % pour l’économie. 

L’amplitude de cette baisse est complètement liée à la crise sanitaire et touche toutes les branches principales culturelles, et en particulier le spectacle vivant (-37 % en volume), le patrimoine (- 24%) et les arts visuels (- 21%). C’est surtout au sein du secteur audiovisuel que l’on constate des disparités avec quelques hausses comme le jeu vidéo, l’édition et distribution de vidéos ou l’édition de chaînes thématiques, trois activités liées au confinement et aux pratiques de cette période. Au contraire, d’autres secteurs sont particulièrement impactés comme le cinéma, les salles ayant été fermées durant la pandémie.

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Vous distinguez ainsi, dans cette étude, les évolutions en valeur et en volume. Pourquoi cette différence ? 

On remarque une baisse de la valeur ajoutée des branches culturelles de 7,1 % en valeur entre 2019 et 2020 [avec la prise en compte des prix et de l’inflation (NDLR)] et de 15,1 % en volume [la prise en compte de l’évolution des quantités (NDLR)]. Cette différence entre valeur et volume est habituellement très faible sur un an mais le contexte particulier de la crise sanitaire l’a fortement amplifiée. Elle s’explique en effet ici par les modes de calculs de l’Insee adaptés au secteur subventionné non-marchand où la richesse créée est évaluée par la somme des coûts, et donc des salaires.

Avec la crise on voit une certaine stabilité dans ce secteur car même si les lieux étaient fermés, les salaires ont continué à être versés : la diminution est donc beaucoup moins forte en valeur. Mais lorsque l’on regarde le volume – mesuré ici par l’évolution de la consommation et du service rendu - la crise sanitaire ayant entraîné des fermetures de lieux, la chute a été plus importante. Dans le domaine de la culture, la part du non-marchand est d’environ 19%, soit six points plus élevée que dans les autres secteurs et concerne particulièrement des branches comme le spectacle vivant, les arts visuels, l’enseignement supérieur et le patrimoine.

Votre étude prend du recul avec un bilan de ces vingt dernières années. Quels enseignements principaux tirer de ces deux décennies ?

On observe une baisse tendancielle du secteur du livre et de la presse puisque le poids recule de dix points en vingt ans, de 24 à 14 %. Pour la presse, cela s’explique par la baisse des recettes publicitaires liées au recul du support physique, du journal papier au profit de la presse en ligne. On voit également que les pratiques tendent à évoluer vers les industries culturelles numériques, portées par les jeux vidéo et l’édition de chaînes thématiques, en croissance de 10 % en volume sur dix ans.

Comment évolue l’emploi culturel et quelles sont ses particularités ?

Les différents secteurs culturels emploient près de 720 700 actifs, dont 31 % de non-salariés. Il y a un certain dynamisme de l’emploi avec une hausse de 14 points en dix ans mais les reculs d’emplois vont dans le même sens que le recul de richesse créée comme par exemple la presse et le livre (respectivement -19 et -13 %) alors qu’à l’inverse, d’autres secteurs sont particulièrement attractifs. La part des non-salariés est plus grande (à hauteur de 31 %) que dans le reste de l’économie (12 %). Enfin on constate que les secteurs qui emploient le plus ne sont pas ceux qui créent le plus de richesses. Par exemple, les arts visuels sont le deuxième secteur en termes d’emploi (15 %) mais pas en richesse créée (9 %).