Pour leur 11e édition, les Portes du temps reviennent dans 119 monuments et sites patrimoniaux, avec des propositions souvent inédites. Pour des milliers de jeunes éloignés de la culture, c'est le moment tant attendu de revisiter leur histoire tout en s'amusant. Focus sur deux sites, l'abbaye de Saint-Riquier (Somme) et la basilique de Saint-Denis (Seine-St-Denis). Le 26 août, Fleur Pellerin s'est rendue au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine, en guise de "pré-rentrée créative avec les enfants".

« Le travail d'insertion que nous menons ici est différent »

Serge Santos, administrateur de la Basilique de Saint-Denis

« Le thème que nous avons choisi cette année, « François 1er à l'école de musique des fous », fait écho au cinq centième anniversaire de l'accession au pouvoir de François 1er, et bien sûr aussi à la bataille de Marignan. Nous sommes partis d'un fait divers historique particulièrement amusant pour les enfants : l'histoire vraie du rhinocéros de François 1er et de son bouffon Triboulet, condamné à mourir s'il n'inventait pas une machine à tuer le plus de gens possible. La machine extraordinaire en question échouera et deviendra... une machine à sons. La matière est on ne peut plus riche pour des ateliers de conte, travail manuel et pratique musicale ! La mascotte, bien sûr, est le royal Rhinocéros revisité en rhinocéros musical ou « Rhinophone ». La structure de deux mètres de long, sur roulettes, est réalisée en bambou par une artiste plasticienne. « Bambou » est habillé avec toutes sortes d'instruments de musique confectionnés par les enfants à partir de matériaux de récupération : des radiographies tendues sur la croupe servent de tambour, des coquilles Saint-Jacques de percussions, des cloches-tubes figurent les entrailles...

« L'idée est de vivre un moment de plaisir dans un monument »

Pour les 350 enfants de six à dix-sept ans et leurs familles – elles constituent 15 % du public des Portes du temps et jouent le jeu à fond – nous voulions quelque chose qui soit entre le spectacle et le travail des mains. L'idée de la musique a jailli d'une rencontre avec l'association La lutherie urbaine, et s'est articulée avec l'idée de « débrouille », de développement durable. Les enfants ont utilisé des scies, coupé, scié, assemblé. Ils ont appris à faire sonner ces objets ensemble pour la grande restitution qui a eu lieu le 17 juillet. Entourant Bambou, l'orchestre a déambulé dans et aux abords de la basilique avec l'accord du clergé. Les enfants viennent pour 1/3 du territoire de Saint-Denis et de nombreuses communes du département. C'est une chance que cette basilique soit située à Saint-Denis : le travail d'insertion que nous avons à y mener est passionnant, différent des autres. Ce lieu qui subjugue par sa beauté est une basilique et l'une des plus grandes nécropoles royales d'Europe. Avec ses gisants, elle ressemble à un impressionnant cimetière. Il faut la dédramatiser et faire comprendre que le « patrimoine » – qui renvoie étymologiquement à l'héritage du père – se prête divinement au jeu, au rêve. Nos actions, comme celle que nous menons dans le cadre des Portes de temps, ne sont pas un support du cours d'histoire : l'idée est de vivre un moment de plaisir dans un monument, de vivre un monument. C'est une expérience sensorielle de tout l'être ».

Fleur Pellerin : « Avec les Portes du Temps, les enfants découvrent un rapport différent avec l’art »

Parcours avec des artistes, découverte des « moyens » de l’art contemporain, initiation à la création… Au MAC/VAL, la diversité est de mise pour les ateliers proposés à des enfants dans la cadre des Portes du Temps. Ainsi, le 26 août, jour de la venue de Fleur Pellerin, le musée de Vitry-sur-Seine proposait des ateliers, comme « Les Moulins à vent », « Bien mal faire » ou « Cinématique des ombres » qui montre aux enfants ce qu’est la photographie argentique. De quoi attiser leur curiosité mais aussi mobiliser leurs savoir-faire, car les ateliers sont accompagnés de travaux pratiques particulièrement appréciés. « Des moments comme ceux-là peuvent déclencher un déclic, assure la ministre de la Culture et de la Communication. Les enfants découvrent un rapport différent avec l’art, qui peut leur donner envie de revenir avec leurs parents ». A noter : cette année, les Portes du Temps jouent les prolongations : après la clôture de la partie estivale le 30 août, une seconde session aura lieu du 19 au 30 octobre, pendant les vacances scolaires de Toussaint.

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« Apporter une ouverture au monde à des jeunes qui ne bougent pas »

Anne Potié, administratrice de l'Abbaye royale de Saint-Riquier

« La découverte rocambolesque des ossements de Nithard, petit-fils de Charlemagne, est à elle seule une aventure d'abbaye qui enthousiasme les jeunes. C'est en effet dans cette abbaye prestigieuse, il y a mille quatre cents ans, que fut inventée la minuscule « caroline » avec laquelle nous écrivons et qu'un texte fondateur fut rédigé pour la première fois en pré-français par Nithard : Les Serments de Strasbourg. Depuis que nous sommes labellisés centre culturel de rencontres, nous travaillons avec 7000 jeunes autour du projet « Une abbaye des écritures à l'ère du numérique ». Pour notre deuxième participation aux Portes du temps, nous invitons les jeunes à rejoindre la thématique générale de l'abbaye pour 2015 : « Anima / Animal », du nom d'une exposition d'artistes vivants qui revisitent la relation de l'artiste à l'animal. Le thème est porteur pour les jeunes, bien sûr, et rend hommage au lieu où se situe l’abbaye, cette Baie de Somme classée au patrimoine mondial de l'Unesco pour la protection de sa faune.

« Gargouilles, chimères, escargots et chouettes de pierre de l'Abbatiale font face à des moineaux, corbeaux ou grues de Mandchourie bien vivants »

Les parcours proposés aux enfants sont conçus comme des allers-retours entre nature et culture, entre animaux vivant dans l'enceinte de l'abbaye – chauves-souris, abeilles – et animaux sculptés dans la pierre, en passant par les animaux qui sont représentés dans les œuvres contemporaines et numériques de l'exposition : un taureau qui charge à l'intérieur du parc, des œuvres de plumes à caresser... Les 6-9 ans transformés en « naturalistes en herbe » observent à la jumelle les gargouilles, chimères, escargots et chouettes de pierre de l'Abbatiale – ces « admirables statues » devant lesquelles, il y a trois siècles, rêvait Victor Hugo. Ils rencontrent une spécialiste de la faune picarde qui leur dévoile les espèces vivant aux alentours de Saint-Riquier et en Picardie maritime – l'un des hauts-lieux ornithologiques d'Europe. Les plus grands suivent le parcours « Devenons oiseau ». Un danseur ornithologique de la compagnie Luc Petton mime un moineau, un corbeau, une grue de Mandchourie dans une corrélation avec des écrivains tels qu'Eric Orsenna, Pascal Quignard ou Elisabeth de Fontenay. Sous la conduite de la « plumassière » Marie Goussé, ils confectionnent des plumes et des becs en papier recyclé. Une opération comme Les Portes du temps contribue à faire de Saint-Riquier l'une des rares abbayes encore en vie après mille quatre cents ans. Avec elle, les enfants découvrent un lieu de patrimoine qui est aussi un lieu de création, avec des artistes bien vivants. Un lieu d'innovations technologiques – par exemple, les générateurs de contes fantastiques – qui apportent une ouverture au monde à des jeunes qui ne bougent pas ».

Les Portes du temps 2015, un dispositif pour les jeunes éloignés de la culture

- Le dispositif national « Les Portes du temps » est conduit par le ministère de la Culture et de la Communication (direction générale des patrimoines) et le Commissariat général à l'égalité des territoires. Il s'adresse aux jeunes publics éloignés des dispositifs culturels classiques et concerne aussi, de plus en plus, les familles.

- Les PDT se déploient à travers les musées, monuments, centres d'archives, sites archéologiques, villes et pays d'art et d'histoire... et misent sur l'expérimentation et le croisement des disciplines : histoire de l'art, dessin, arts vivants, art du jardin, sciences et pratiques sportives...

- 35 000 jeunes de 4 à 18 ans sont attendus du 6 juillet au 30 août, puis du 19 au 30 octobre.

- 119 sites patrimoniaux sont ouverts partout en France pour les accueillir

- 30 nouveaux participants en 2015, parmi lesquels le Mausolée gallo-romain de Faverolles (Champagne-Ardennes) , la ville de Saint-Pierre en Martinique ou le Pays des Pyrénées Cathares

- 60% au moins des projets retenus relèvent désormais des parcours d'éducation artistique et culturelle et des nouveaux contrats de ville

- 320 000 jeunes ont participé à l'opération depuis sa création, en 2005