Le 20 novembre 2018, les deux propositions de loi contre la manipulation de l'information ont été définitivement adoptées à l'Assemblée nationale. "La manipulation n'est pas seulement une menace mais une réalité bien installée", a affirmé le ministre de la Culture, Franck Riester, saluant des textes qui vont "dans le bon sens".

Alors que les fausses informations ont récemment pollué plusieurs scrutins électoraux, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Catalogne, une nécessité s'impose à toutes les grandes démocraties : celle de lutter contre la manipulation de l'information.

D'ores et déjà, plusieurs d'entre elles ont décidé d’agir : le Parlement britannique a mis en place une commission d’enquête ; le Parlement allemand a légiféré ; les autorités italiennes ont mis en place une plateforme de signalement des fausses nouvelles.

Après l'adoption à l'Assemblée nationale, le 20 novembre, de la loi contre la manipulation de l'information, la France rejoint ces pays en se dotant d'un appareil juridique adéquat. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a salué l'adoption de ces textes qui vont "dans le bon sens".

Alors que les infox ont sévi récemment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Catalogne, la nécessité de lutter contre la manipulation de l'information s'impose à toutes les grandes démocraties

Pourquoi une loi sur les infox ?

En France, il existe déjà un important arsenal juridique destiné à combattre la propagation des fausses nouvelles, qui sont reconnues comme telles dans le droit national. Plusieurs infractions pénales ont été créées pour lutter contre les fausses informations qui créent un préjudice : l'article 37 de la loi de 1881 vise celles qui troublent la paix publique ; l'article L 97 du code électoral réprime celles qui altèrent la sincérité du scrutin (amende de 45 000 €).

Alors, pourquoi une loi sur les infox est-elle aujourd'hui nécessaire ? Si les fausses nouvelles ont toujours existé, c’est le changement d’échelle de leur diffusion, permis par les outils numériques, qui en fait une menace pour nos démocraties. "La manipulation n'est pas seulement une menace mais une réalité bien installée", a affirmé le ministre de la Culture.

Un changement d'échelle dans la diffusion des fausses nouvelles

L’enjeu est donc d’adapter nos outils juridiques à ces nouveaux modes de diffusion. Parmi ces vecteurs de fausses nouvelles, on relève plusieurs catégories : les médias contrôlés par des États étrangers ; les plateformes numériques, qui se retranchent derrière leur statut de simples "hébergeurs de contenus" pour ne prendre aucune responsabilité sur les contenus qu’elles diffusent, alors qu’elles sont l’outil de viralité des fausses nouvelles.

La responsabilisation des plateformes dans la lutte contre les fausses informations s’inscrit dans ce mouvement. Les propositions de loi visent à compléter notre arsenal juridique dans trois directions : créer un devoir de coopération pour les plateformes vis-à-vis de tous ceux qui s’engagent en France contre les fausses informations à savoir les pouvoirs publics, la presse et la société civile (les parlementaires ont proposé que le contrôle de ce devoir de coopération soit confié au CSA)  ; renforcer les obligations de transparence des plateformes vis-à-vis de leurs utilisateurs ; donner aux autorités compétentes des moyens d’action adaptés à la rapidité de propagation des fausses informations.

Le cas des campagnes électorales

Dans une démocratie, les campagnes électorales sont des périodes privilégiées pour la propagation des fausses nouvelles.  A cette fin, il faut concentrer rapidement les outils juridiques sur le vrai danger, c’est-à-dire les tentatives d’influencer les résultats des élections.

Pour cela, il faut se doter d'outils juridiques de réaction rapide adaptés aux vecteurs de diffusion. Pour la TV, il faut permettre au CSA de suspendre les télévisions contrôlées par des États étrangers. Pour les plateformes, l'enjeu est double. Ce qui définit ces moyens de diffusion, c’est la rapidité. Le recours au juge des référés permet de répondre à cette rapidité. De plus, ce qui définit également ces moyens de diffusion, c’est leur opacité. La création d'une obligation de transparence pour les contenus sponsorisés des plateformes permettra d'apporter une réponse à ces campagnes de désinformation.


Quatre garde-fous de la loi contre la manipulation de l'information

> La loi ne touche pas à la loi de 1881 ni à ses principes ;

> Elle n’enfreint aucune garantie des libertés fondamentales : liberté d’expression, protection des sources des journalistes ;

> Elle est plus protectrice qu’une situation non encadrée par la loi, où les plateformes censurent d’elles-mêmes les contenus (cf. le modèle allemand), sans être tenues d’expliquer les critères de cette censure ;

> Les actions rapides ne sont permises qu’en période électorale et de manière très encadrée (la fausse nouvelle doit être manifeste, être diffusée massivement et de manière artificielle, et doit conduire à troubler paix publique ou sincérité du scrutin). La loi ne vise donc que les tentatives volontaires de manipulation, et n’aura aucun impact sur le travail journalistique qui peut consister à révéler, à tout moment, des informations sur des questions d’intérêt public.