Retour sur l’action de la Fondation du Patrimoine, le thème du Jeudi du mécénat du ministère de la Culture et de la Communication, qui s'est tenu le 15 décembre dernier.
« La Fondation du patrimoine possède une véritable singularité dans le paysage du mécénat français », a affirmé François-Xavier Bieuville, directeur général de la Fondation du patrimoine, en ouverture de ce jeudi du mécénat consacré à l’action de la Fondation du patrimoine, n’hésitant pas à qualifier cet organisme d’ « objet juridique non identifié ». Dans l’ADN de la Fondation du patrimoine, dédiée à un objectif d’intérêt général, la préservation du patrimoine de proximité non protégé, on trouve un ancrage territorial puissant. « L’énergie qui circule est la marque d’une véritable aventure humaine », résume François-Xavier Bieuville. Le terrain d’action de la Fondation du patrimoine – la protection du patrimoine de proximité – est d’ailleurs plébiscité par les Français. D’après une étude de 2016, ils sont 67 % à estimer qu’il y a urgence à protéger le patrimoine. Et à cet exercice-là la Fondation du patrimoine se révèle particulièrement efficace. Avec plus de 15 M€ de dons levés en 2016, un don moyen à 264€ alors que le don moyen en France est de 75€, elle a soutenu 25 600 projets en 20 ans et généré 2,9 milliards d’euros de travaux. Une efficacité saluée par Stéphane Créange, adjoint au sous-directeur des monuments historiques et des espaces protégés au ministère de la Culture et de la Communication. « La mission de la Fondation du Patrimoine est complémentaire de l'action de l’État qui protège plus 44 000 biens culturels classés ou inscrits ». Trois tables rondes, « Les mécènes nationaux : diversité des stratégies », « Le mécénat populaire : outil classique et nouvelles technologies » et « Clubs de mécènes locaux, fondation abritées, prix et concours : outils complémentaires ou solutions d'avenir? », ont permis de revenir sur les réussites de la Fondation.
Certaines actions menées avec la Fondation du Patrimoine permettent aux en enfants de s'approprier le patrimoine du cœur
Les mécènes nationaux : diversité des stratégies
La première table ronde s’est concentrée sur les accords de mécénat conclus par la Fondation du patrimoine avec des grandes entreprises ou leur fondation. Chaque partenariat est conçu en fonction des spécificités de l’entreprise : secteur d’activité, implantation géographique, histoire, etc... Créée par Marc Ladreit de Lacharrière, le président-directeur général de FIMALAC, la Fondation Culture et Diversité a pour objectif de promouvoir la culture auprès de publics défavorisés. Elle développe en partenariat avec la Fondation du Patrimoine, des actions « qui permettent à nos enfants de s’approprier le patrimoine du cœur », selon la formule d'Éléonore de Lacharrière, déléguée générale de la Fondation Culture et Diversité. Ainsi le concours 1,2,3 patrimoine permet à des élèves de CM1 d’écoles rurales ou de zones prioritaires d’éducation de travailler sur le projet de restauration d’un élément du patrimoine communal. « Les jeunes eux-mêmes deviennent des acteurs de la restauration », résume Éléonore de Lacharrière. « Ensemble : c’est le mot qui résume tout notre engagement », explique quant à elle Anne Lhuillier, responsable du mécénat social à la Fondation Bettencourt-Schueller, qui œuvre dans trois domaines : les sciences de la vie, la culture et la solidarité. Pour Céline Liard, chargée de mission mécénat culturel auprès du directeur général du groupe AG2R La Mondiale, « l’engagement mécénal de la société s’inscrit dans l’identité du groupe qui a toujours fait preuve d’un engagement social très fort. » Le groupe AG2R La Mondiale a trois axes d’intervention : les métiers d’art, la création contemporaine, et la préservation du patrimoine. Un projet comme la restauration de la crypte Saint-Martin, à Tours, concrétise l’engagement très fort de l’entreprise auprès des territoires.
Le mécénat populaire : outil classique et nouvelles technologies
La deuxième table ronde s’est consacrée au mécénat populaire, un moyen d’action ancien puisqu’on date le premier appel au mécénat populaire de 1907 pour la restauration du Château de Versailles. C’est l’addition des dons personnels qui permet d’exercer une action mécénale. Jean-Pierre Ghuysen, délégué régional de la Fondation du patrimoine en Bretagne a donné l’exemple du Pont de Saint-Cado dans le Morbihan dont la restauration a nécessité 581 000 euros de travaux. Aux subventions des collectivités territoriales, s’est ajoutée une aide décisive de la Fondation du patrimoine pour 225 000 euros. Et 400 donateurs particuliers ont soutenu ce projet. « Une vraie réussite pour cette souscription lancée dans une commune de 3500 habitants ». Benjamin Mermet, directeur des projets et des ressources locales à la Fondation du patrimoine a rappelé « les bonnes pratiques d’une souscription réussie », qui repose sur l’investissement des différents acteurs. La Fondation du patrimoine, mène actuellement environ 2500 projets. Une souscription recueille une moyenne de 12 000 euros de dons, alors qu’un projet de restauration coûte environ 120 000 euros. L’apport des nouvelles technologies, don en un clic, bornes de dons sans contact, etc. est donc décisif. Anne de Bagneux-Savatier, a donné son précieux point de vue de donatrice. « Installés en Haute Normandie, nous nous sommes donnés pour mot d’ordre avec mon mari d’aider notre plus proche projet. Bateau, tableaux, églises, nous choisissons ces projets sur le site internet de la Fondation du Patrimoine. Le label de la Fondation nous permet de sécuriser notre don, d’être certains que le projet que nous soutenons va aboutir », a-t-elle expliqué.
Clubs de mécènes locaux, fondation abritées, prix et concours : outils complémentaires ou solutions d'avenir ?
La troisième table ronde a démarré avec la description du projet de restauration de Saint Anne d’Auray (Bretagne). La Fondation Louis Cadic, sous égide de la Fondation du patrimoine a mis en place un club de donateurs et un cercle d'entreprises a expliqué Bruno Belliot, Fondation Louis Cadic, sous l’égide de la Fondation du patrimoine. Le club, réservé aux particuliers, a ainsi pour objectif de « réunir 1000 donateurs avec un don de 1 000 euros, soit une collecte totale de un million d’euros ». Pour Nicolas Nuger, directeur de la communication de la Banque Nuger l’engagement mécénal des entreprises est le reflet de leur attachement au territoire dans lequel elles agissent. La participation de la banque à des clubs d’entreprises mécènes rencontre une vraie adhésion des équipes en interne. « Les collaborateurs vont visiter les sites que nous avons contribué à restaurer. Notre engagement a un vrai sens pour eux », a témoigné Nicolas Nuger. Les Prix du mécénat populaire, une initiative de la Fondation du patrimoine, récompensent chaque année des collectivités territoriales qui ont mobilisé de manière exemplaire la population et le tissu économique local en faveur d’un projet de sauvegarde du patrimoine de proximité. « Nous avons créé une mention spéciale mobilisation numérique. En effet, l’apport des nouvelles technologies est déterminant si nous voulons nous adresser à la nouvelle génération des donateurs », a analysé Yann de Bénazé, président-directeur général de Profine France SAS, mécène des Prix du Mécénat Populaire, pour qui ce « passage de relais vers les nouveaux mécènes est essentiel ».
Deux regards sur la Fondation du patrimoine
> Catherine Ferrant, directrice du mécénat du groupe Total, déléguée générale de la Fondation Total, a rappelé l’historique de l‘engagement du groupe aux côtés de la Fondation du Patrimoine. Comme médiateur, Édouard de Royère nous a fourni une aide très précieuse lors de fusion entre Elf et Total. Lorsque nous avons voulu l’en remercier. Il nous a demandé de soutenir la Fondation du Patrimoine », se souvient Catherine Ferrant. « Le programme doit être incarné et priorisé par le dirigeant », a-t-elle préconisé. Si elle a salué le mouvement de professionnalisation du monde du mécénat, lié notamment au développement des mesures d’impact, elle a rappelé que cet effort de rationalisation constituait « un moyen non une fin ».
> Anaïs Del Bono, responsable des partenariats, recherche et international de Sciences Po a présenté son ouvrage co-écrit avec Guillaume Maréchal. Ce guide téléchargeable en ligne, destinés aux acteurs du secteur du mécénat, présente les bonnes pratiques du secteur en matière de crowdfunding. Anaïs Del Bono a rappelé que cet outil qui signifie littéralement "financement par la foule" ou "financement participatif" « fait écho à un nouveau type de levée de fonds qui prend appui sur la puissance de la communauté, l'accessibilité conférée par internet et la transparence des transactions ». Il permet au donateur de devenir « donac'teur et la communication qui s'instaure entre le porteur de projet culturel et sa communauté devient alors un véritable dialogue grâce aux réseaux sociaux ». Elle a mis en avant les effets positifs de ce nouvel essor de la philanthropie qui est, selon elle, « particulièrement en phase avec cette quête de dialogue, de sens et d'économie collaborative que porte en son sein notre société ». C'est pourquoi Anaïs Del Bono a affirmé le caractère incontournable du crowdfunding « qui redonne du pouvoir à l'individu et est créateur de lien social ».