Au nombre de 49 sur l’ensemble de l’Hexagone, les Centres d’art contemporain sont des acteurs incontournables du soutien à la création contemporaine. Entretien avec Claire Le Restif, la directrice du Crédac, l'un des Centres d'art illustrant le mieux la vitalité de la création contemporaine.
Claire Le Restif, vous êtes directrice du Crédac. Quel est le cœur de métier de ce centre d'art?
C’est celui de tous les Centres d’art contemporain qui sont installés sur le territoire français, la production de projets spécifiques avec les artistes et un travail de médiation vis-à-vis du public avec, pour l’une et l’autre de ces missions, une large place donnée à l’expérimentation.
Quel impact a eu sur l’activité du Crédac son installation en 2011 à la Manufacture des œillets ?
Entre 1987 et 2011, le Crédac était installé dans un endroit atypique, très intéressant pour les artistes – un espace au sous-sol du Centre Jeanne-Hachette, le premier bâtiment imaginé par l’architecte Jean Renaudie qui a reconstruit le centre-ville d’Ivry-sur-Seine entre 1969 et 1975 – mais très difficile d’accès. Quand la ville a acheté la Manufacture des œillets, c’était uniquement au départ pour y installer le Centre dramatique national du Val-de-Marne, mais très vite le souhait d’en faire un pôle culturel élargi, comportant également un axe fort pour les arts visuels, s’est imposé, d’où l’idée d’y accueillir le Crédac. Aujourd’hui, nous disposons d’un outil de travail adapté et d’un lieu qui a beaucoup plus d’impact.
Quelle est la participation des collectivités locales et de l’Etat au budget du Crédac ?
Avec 175 000 euros de crédits d'investissement chaque année, la ville d’Ivry-sur-Seine est le premier soutien du Crédac avec l’Etat (150 000 euros). Viennent ensuite le Conseil régional d’Île-de-France (56 000 euros) et le Conseil général du Val-de-Marne (30 000 euros). A cela s’ajoutent des apports extérieurs – de l’ordre de 20 à 25 000 euros – à travers les restitutions sur nos productions (à chaque production, nous signons un contrat avec l’artiste qui donne lieu à une restitution de crédit lorsque la pièce est vendue), mais aussi concernant les moyens que nous mettons en commun lors de coproductions avec des lieux à l’étranger ainsi que des aides de certains pays quand nous accueillons des artistes étrangers. Mais ces apports ne sont jamais sûrs et certains.
Vous évoquez les coproductions avec des lieux à l’étranger, l’exposition que vous présentez en ce moment, « The Registry of Promise », n’en est-elle pas un exemple ?
Le projet est né il y a deux ans et consiste à réaliser quatre expositions qui seraient autant de chapitres d’un même livre dans quatre lieux différents. Nous voulions donner forme à cette idée que dans l’écosystème de l’art aujourd’hui, les Centres d’art contemporain, qui ne sont pas des gros musées, sont pourtant un maillon absolument indispensable pour les artistes. Il se trouve qu’au même moment je mettais en place une table ronde sur l’écosystème de l’art à la FIAC et que j’étais présidente du réseau DCA – association pour le réseau des centres d’art en France – et nous étions dans ce cadre en train de monter un projet avec l’Italie. J’ai donc tenté de tout combiner! La Fondation Giuliani à Rome a très vite été partie prenante. Nous nous sommes accordés artistiquement, institutionnellement et budgétairement pour mettre à la disposition du commissaire, Chris Sharp, et des artistes, des moyens permettant de réaliser un projet qui mêle conditions d'accueil d’œuvres et production.
Que propose « The Registry of Promise » ?
Après les expositions universelles qui étaient des formes de promesses, d’espoir en la modernité, nous avons voulu un siècle plus tard, de façon plus sensible et fragile, nous demander où en étaient ces promesses. Les deux premiers volets de l’exposition – The Promise of Melancholy and Ecology et The Promise of Multiple Temporalities – ont été accueillis par la Fondation Giuliani et le Parc Saint-Léger. Le Crédac présente depuis septembre le troisième volet – The Promise of Moving Things –, l'expression « moving things » étant entendue de deux manières : les choses qui bougent et les choses émouvantes. Dans ce chapitre, nous nous sommes orientés également vers une sorte d’animisme. Quelque chose d’étonnant s’est alors passé avec le lieu même de l’exposition, la Manufacture des œillets : une fois l’exposition mise en place, nous avons eu le sentiment que certaines des œuvres exposées auraient pu être dans cette usine après le départ des ouvriers et de la production. Le quatrième volet – The Promise of literature, Soothsaying and Speaking in Tongues – sera présenté au De Vleeshal de Middelburg aux Pays-Bas. Une autre ouverture à l'international.
The Registry of Promise - 3 : The Promise of Moving Things
Exposition au Crédac du 12 septembre au 21 décembre 2014
29 rue Raspail, 94200 Ivry-sur-Seine