Second volet de notre série sur les réalisations architecturales emblématiques d'équipements culturels. Aujourd'hui, le Signe, centre national du graphisme à Chaumont, et la bibliothèque Alexis de Tocqueville, à Caen (2/2).
Le Signe, centre national du graphisme, Chaumont : une abstraction prête à recevoir les images
Chaumont et l’affiche sont liés par un destin commun depuis que, en 1905, le député Gustave Detailly a fait don à la commune de 5000 affiches anciennes. Par la suite, le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, lancé dans les années 1990, a fait de la commune un rendez-vous majeur pour les graphistes du monde entier. L’inauguration, le 8 octobre 2016, d’un centre national du graphisme baptisé le Signe, destiné à mettre en valeur ce patrimoine vivant, s’inscrit dans la continuité de cette histoire culturelle. Conçu par l’agence Moatti-Rivière (musée Champollion des écritures du monde de Figeac, Grande Halle d’Arles, Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais, réaménagement du 1er étage de la tour Eiffel…), le Signe possède un double visage : d’un côté l’ancien siège local de la Banque de France, demeure néoclassique restaurée, et de l’autre une architecture contemporaine destinée à accueillir les expositions contemporaines.
« Le centre national du graphisme de Chaumont est une abstraction silencieuse prête à recevoir toutes les images », déclarent les architectes qui ont travaillé sur l’édifice. « Notre projet est composé de grands plans posés dans la ville. L’architecture emprunte sa typologie à celle de l’univers du graphisme, aux objets et aux supports investis depuis toujours et jusqu’à aujourd’hui par cet art : affiche - feuille - page - écran - panneau ». De grands plats, minces panneaux de pierre au cœur d’aluminium, composent donc les murs et les toitures du bâtiment. Ils sont liés les uns aux autres par de larges pans de verre qui laissent entrevoir, depuis la ville, l’intérieur du centre : le Signe assume sa centralité, attire les visiteurs et les renvoie à la ville. Il s’inscrit dans une recomposition volontariste du quartier de la Gare de Chaumont dont il conforte, aux côtés de la médiathèque et du cinéma multiplexe de Chaumont, la vocation culturelle.
Mais ce bel écrin est avant tout représentatif de l’objet culturel qu’il contient. Les façades en pierre du Signe sont dotées de petits inserts auxquels il est possible d’accrocher, au choix, affiches, pancartes, posters ou encore logos – le design graphique sous toutes ces formes. Typographes, affichistes, designers graphique, illustrateurs sont ainsi invités, lorsque les circonstances s’y prêtent, à intervenir sur le bâtiment même. Trois panneaux, plus hauts que les autres, offrent même leur surface à des installations monumentales. Par son architecture même, le Signe devient un support de la création qu’il présente - et transmet avec brio l’essence du lieu qu’il incarne.
La Bibliothèque Alexis de Tocqueville, Caen : un équipement au croisement de deux mondes
Renouveler l’espace public culturel en milieu urbain, tel est le pari ambitieux du grand architecte néerlandais Rem Koolhaas, concepteur de la Bibliothèque centrale de Seattle et du siège de la télévision centrale chinoise à Pékin . Pour concevoir la vaste bibliothèque de Tocqueville - 12 000 m2 de surface répartis en quatre niveaux - ce dernier s’est posé plusieurs questions : quels usages fait-on d’une bibliothèque aujourd’hui, à une époque où le savoir est si souvent à portée de clic ? Pourquoi s’y rendre, pourquoi y rester ? Et surtout : pourquoi y revenir ?
Stratégiquement située au bout de la presqu’île de Caen, la bibliothèque Alexis de Tocqueville fait le lien entre le centre historique et les nouveaux quartiers de Caen. Vu du ciel, le bâtiment a la forme d’une croix de Saint-André, une configuration qui permet à sa salle principale – une lumineuse pièce de 2 300 m2, dotée de baies vitrées bombées de 6 mètres de haut – d’occuper tout le premier étage d’un seul tenant. Les usagers y bénéficient d’une vue à 360 degrés donnant sur les quatre ailes de la bibliothèque, qui se font face sans qu’aucun mur interne ne vienne boucher la vue : les arts à l’est, les sciences humaines au sud, la littérature à l’ouest et les sciences et techniques au nord. Des espaces plus intimes de consultation, prenant la forme de mezzanines fermées, ont également été aménagés.
Inauguré le 13 janvier 2017, l’ouvrage a été salué par la ministre de la Culture, pour qui il constitue « l’une des plus belles bibliothèques de France ». Conçue comme un lieu de vie, de rencontres et d’apprentissage, la bibliothèque est au croisement entre deux mondes, l'ancien et le nouveau. Et réaffirme la pérennité du livre, sans crainte du numérique. D’où la cohabitation paisible de ces 120 000 documents, constitués de livres physiques et de livres numériques, placés côte à côte le long des rayons du premier étage de la nouvelle bibliothèque de Caen.