« Le seul sens d'un monde absurde, finalement c'est l'action » : tel est, selon Aurélie Filippetti, le message délivré par Albert Camus, qui aurait eu 100 ans le 7 novembre. La ministre de la Culture et de la Communication lui rendra hommage le 8 novembre sur sa tombe à Lourmarin (Vaucluse).
Quel héritage nous a laissé Albert Camus ?
Un héritage littéraire et populaire immense. C'est l'écrivain le plus lu par les jeunes Français et c'est un écrivain populaire qui vient du peuple. Il n'a jamais renoncé à une exigence littéraire mais il refusait l'hermétisme des idées et d'un langage qui ne serait pas accessible au peuple. C'est un beau message car Camus a toujours eu le souci de rester fidèle à ses origines, à son milieu très pauvre et il a travaillé à partir du langage pour délivrer un message au monde: ne jamais se résigner à l'ordre des choses telles qu'elles sont mais en même temps ne pas sombrer dans l'illusion d'un idéalisme vain. Camus part de la réalité telle qu'elle est, il voulait changer la vie mais non le monde. C'est un beau message à une époque où nous sommes revenus de grandes utopies qui se sont révélées catastrophiques pour le monde et où nous avons besoin d'un espoir, d'une énergie, d'une volonté de vivre pour transformer, améliorer la vie des gens.
Camus est-il plus que jamais d'actualité ?
Absolument. Le fait de dire qu'il faut affronter le réel, le transformer par petites touches, travailler sur ce qui est très local et très ancré dans le quotidien des gens, tout cela est pragmatique et positif et peut redonner aussi une envie de solidarité. Camus était aussi un écrivain de la solidarité, un humaniste avant tout. Je crois que ce qui est beau chez Camus pour les jeunes générations, c'est quelque chose qui peut être appliqué à soi-même et en même temps donner un élan collectif. Mais l'individu ne s'efface pas chez Camus derrière le collectif.
En quoi les politiques peuvent-ils s'en inspirer ?
Si vous prenez La peste, c'est une belle métaphore de toutes les menaces qui peuvent peser sur une société et de tous les risques de pourrissement de l'intérieur d'une société. Et face à cela, la solution camusienne c'est l'action, c'est agir et être ensemble pour agir. C'est un message qu'on peut appliquer à beaucoup de situations et de menaces politiques réelles d'aujourd'hui. Celui qui a le plus de pouvoir a le devoir de faire le plus, et la possibilité de faire le plus, mais, en même temps, il faut agir pas à pas et il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre. Même dans un monde absurde, on peut agir. Le seul sens d'un monde absurde finalement c'est l'action.
(avec AFP)