A l’occasion de l’exposition « Willy Ronis par Willy Ronis », le photographe Gérard Uféras commente pour nous deux chefs d’œuvre d’un maître de la photographie humaniste (2/2).

En plaçant l’homme au centre de son œuvre, Willy Ronis entend révéler l’existence et le sens de situations ordinaires. Le photographe démontre ainsi une ouverture d’esprit et une insatiable curiosité, que l'on voit telles quelles dans l'exposition « Willy Ronis par Willy Ronis ». Il n’en néglige pas pour autant de traduire la dureté de l’époque, précisant, dans un entretien, que malgré sa tendance « à embellir peut-être un petit peu les choses », il n’est « aucunement dupe ». Son empathie et son engagement social perdureront tout au long de son œuvre, transparaissant à travers ses nombreuses images du monde du travail et des luttes ouvrières. Gérard Uféras, en charge, avec Jean-Claude Gautrand, du commissariat de l’exposition, revient sur deux de ses pièces maîtresses.

« C’est une de mes photos préférées. Elle est extraordinaire, notamment par le nombre d’éléments qu’elle contient. On retrouve souvent dans le travail de Willy ces moments de vie quotidienne : ce n’est pas un événement hors du commun, juste une dame qui descend les escaliers de l’avenue Simon Bolivar avec son enfant dans les bras. Vient ensuite le fardier tiré par son cheval avec, derrière lui, sur le pas de la porte, un cordonnier qui discute avec son client. Un ouvrier est en train de réparer un feu tricolore, des passants poussent des landaus…Tout cela se passe dans une sorte d’harmonie comme on peut la sentir parfois dans un printemps naissant par exemple, où on est heureux de vivre, tout simplement, en déambulant dans une ville qu’on aime.
Cette photo comprend plusieurs plans différents qui se succèdent dans la verticalité. Ils évoquent pour Willy une partition musicale. Il a gardé toute sa vie une immense passion pour Bach et on peut constater dans bon nombre de ses images - dont celle-ci – qu’il aime à composer des photographies un peu comme on pourrait agencer des voix dans la partition d’une fugue de Bach. C’est une photo toute simple et une merveille d’équilibre, d’attention pour les gens, de bienveillance et d’intelligence graphique. »

La péniche aux enfants : « un éclat de simplicité et d’authenticité »

« La péniche aux enfants est une des premières photos que j’ai connues de Willy. Elle est très importante pour lui. Il l’a prise à la volée, en déambulant le long de la Seine. Il avait, comme à son habitude, photographié un peu de tout lorsque la péniche s’est présentée. Il a attendu le tout dernier moment pour la prendre et il n’a appuyé sur le déclencheur qu’une seule fois. Il a immédiatement senti que quelque-chose se passait et il est rentré tremblant chez lui, espérant de tout cœur que l’image soit conforme à ses attentes. C’est donc avec une grande émotion qu’il a développé le film et regardé le négatif.
C’est une photo absolument merveilleuse, elle est parfaite. Elle parle à la fois de Paris, du monde du travail qu’il affectionnait tant et de cette bulle privilégiée que peuvent avoir les enfants lorsqu’ils jouent entre eux. C’est un éclat de simplicité, d’authenticité, de joie enfantine. Pour moi c’est un des plus grands chef-d’œuvre de l’histoire de la photographie ».


L’exposition « Willy Ronis par Willy Ronis », conçue à l’initiative des exécuteurs testamentaires et détenteurs du droit moral de Willy Ronis, a été organisée conjointement par la Mairie du 20e arrondissement et la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, en partenariat avec l’Agence photographique de la RMN – GP. Prolongée jusqu'au 2 janvier 2019, elle a lieu au Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue Ménilmontant, à Paris. Son entrée est libre.