Treize ministres de la Culture européens ont cosigné avec Aurélie Filippetti une lettre pour demander que le secteur audiovisuel soit exclu des négociations sur l'accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Union Européenne. Une position que la Ministre a défendue vendredi 17 mai à Bruxelles, lors de la réunion des ministres de la Culture européens.

Une position constamment réaffirmée par l’Union européenne. La lettre adressée lundi 13 mai à la présidence irlandaise de l'Union et à la commission européenne est cosignée, à l’initiative de la France, par les ministres de la Culture allemand, autrichien, belge, bulgare, chypriote, espagnol, hongrois, italien, polonais, portugais, roumain, slovaque et slovène. 
Les quatorze ministre demandent que « soit pleinement maintenue la position constamment réaffirmée de l’Union, qui a toujours exclu, au sein de l’Organisation mondiale du commerce comme dans les négociations bilatérales, les services audiovisuels de tout engagement de libéralisation commerciale. […] C’est toute une politique de l’Union et de ses Etats membres qui serait compromise si l’exclusion que nous demandons n’était pas assurée. […] Plus largement, il en va même de notre capacité à choisir et faire vivre nos législations et réglementations face aux évolutions technologiques et économiques. »

Pot de fer contre  pot de terre... Le 17 mai, lors du Conseil des ministre de la Culture, Aurélie Filippetti a insisté sur le fait que « L'Europe n'a rien à gagner à ouvrir ces secteurs au libre-échange avec les Etats-Unis. L'Europe n'a rien à gagner à ouvrir les services audiovisuels à un accord de libre-échange [… ] Entre l'industrie audiovisuelle américaine, qui est largement soutenue par des investissements massifs aux Etats-Unis, et les industries européennes dans le domaine de l'audiovisuel ou du cinéma, ça va être la lutte du pot de fer contre le pot de terre ».
L'exception culturelle doit garder une définition assez large pour qu'elle puisse évoluer au fur et à mesure des évolutions technologiques. « Il est pour nous crucial [...] que l'on ne fige pas aujourd'hui une liste extrêmement limitative des secteurs qui pourraient être concernés par l'exception culturelle », a insisté la Ministre.  

La notion d’exception culturelle, promue par la France dès les années 80, repose sur l’idée que la culture n’est pas une marchandise comme une autre. Sa dimension économique doit évidemment être prise en compte. Cependant, le rôle qu’elle joue dans le développement personnel de chacun comme dans celui de la cité est trop important pour laisser les productions culturelles intégralement soumises à la loi du marché. L’intervention de la puissance publique apparaît nécessaire pour assurer la pérennité d’une offre culturelle riche, variée et accessible au plus grand nombre.
Le jour même où la lettre cosignée était adressée à la présidence irlandaise de l'Union et à la commission européenne, Aurélie Filippetti avait reçu le rapport de Pierre Lescure précisément chargé de faire des propositions pour adapter l'exception culturelle française à la révolution numérique. 
La démarche d’Aurélie Filippetti et de ses homologues européens a reçu le soutien de très nombreux cinéastes. La pétition qu’ils ont mis en ligne a d’ores et déjà recueilli cinq mille signatures, parmi lesquelles figurent les plus grands noms du 7e art  européen. Le 20 mai, au Palais des Festivals à Cannes, la Ministre organisera un colloque qui réunira autour du thème « Renforcer l’exception culturelle dans l’Europe de demain » des intervenants européens et américains venus de tous les horizons.
 
Une ligne rouge. En mars dernier, Bruxelles a donné son accord pour le lancement de négociations de libre-échange avec les Etats-Unis. Les échanges commerciaux entre l'UE et les Etats-Unis se sont élevés à près de 455 milliards d'euros en 2011. L'Europe a exporté pour plus de 260 milliards vers les Etats-Unis et a importé pour plus de 192 milliards.
Tandis que le Premier ministre britannique David Cameron estime que dans ces négociations  « Tout doit être sur la table, y compris les questions difficiles, sans exception », Nicole Bricq, ministre français du Commerce extérieur, a réaffirmé le 14 mai que, si l'exception culturelle n'était pas respectée, la France n'accorderait pas de mandat à la Commission européenne pour négocier l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis : « Pour la France en tous cas, l'exception culturelle, c'est clair, c'est une ligne rouge ». 
Pour que les négociations puissent s’engager, le Parlement européen et les Etats membres doivent approuver le mandat de discussions. Du côté des Etats-Unis, un délai lié à la consultation du Congrès doit encore être observé.
Les 27 Etats membres se prononceront à la mi-juin