Pour sa troisième édition, l’Été culturel revient en force avec ses propositions innovantes et ses initiatives participatives. Le deuxième volet de notre série, qui couvre la deuxième quinzaine de juillet, nous conduit en Normandie, en Hauts-de-France, en Corse, à Nantes et à Marseille.

C’est le grand retour de l’Été culturel. Conçue par le ministère de la Culture à l’occasion du premier confinement, en 2020, cette manifestation nationale, qui a déjà conquis plus de deux millions de visiteurs avec sa programmation solidaire et accessible, n’a cessé, depuis cette date, d’élargir son périmètre et de renouveler son ambition.

Pour preuve, cette troisième édition, qui multipliera les propositions culturelles les plus innovantes – et parfois les plus « décoiffantes » – en direction de tous, mettra cette année tout particulièrement l’accent sur les initiatives culturelles participatives. Avec un objectif : faire en sorte que tous les publics, qu’ils soient métropolitains ou ultramarins, urbains ou ruraux, trouvent la place qui est la leur dans l’univers culturel.

Pendant ces deux mois d’été, nous allons revenir sur une sélection de ces propositions et initiatives particulièrement emblématiques. Le deuxième volet de notre série nous conduit à vélo sur les chemins normands de la musique, au musée en Hauts-de-France pour y manier le métier à tisser gallo-romain, au cœur de la Corse où les villages reprennent de la vitalité culturelle, à Nantes pour boire un verre entre amis autour d'un Toulouse-Lautrec, et enfin à Marseille, au MUCEM, avec les enfants pour se tordre de rire et faire fuser nos questions sur les pharaons.

Normandie : à l'orgue et à vélo, les vertus de la mobilité douce

Ensemble Correspondance (Eté culturel)

« La crise sanitaire nous a rendu inventifs ! On a fabriqué un outil pour rendre mobile le petit orgue baroque, nous explique Céline Portes, déléguée générale de l’Ensemble Correspondances. Les autres musiciens ont mis leur instrument en bandoulière. Et dès que le lieu le permet, la consigne est donnée de déambuler pour vivre l’expérience sonore différemment. A Saint-Lô, on a fait le tour du haras avec le public et des cavaliers, on a atterri dans le manège où tout le monde a continué à circuler. Avec des expériences décalées de ce genre, on attire un public beaucoup plus jeune, qui n’aime guère s’asseoir sur une chaise. Un enfant va écouter 45 minutes d’un concert mobile, suivre un petit atelier de découverte, et repartir à vélo avec ses parents… ! »

Imaginons une douzaine de musiciens cyclistes, sur les routes normandes, accompagnés des habitants qui leur disent au revoir, attendus en chemin par ceux qui les accueillent pour leur prochaine étape, s’arrêtant là où on leur réserve une visite patrimoniale agrémentée d’un verre de cidre… « Notre projet épouse tellement le territoire que les Communauté de Communes y engagent à fond leurs services culture, tourisme, sport, mobilités douces… Nous arrivons dans des villages où il n’y a parfois ni hôtel ni restauration. Pas grave, bien au contraire : les habitants déploient des trésors d’ingéniosité pour nous recevoir dans les meilleures conditions. Eux-mêmes sont enchantés de redécouvrir leur patrimoine de proximité. Il n’est pas rare que pour l’occasion tel prieuré ou tel manoir privés ouvrent leurs portes.

« L’année dernière, poursuit Céline Portes, sur la voie verte de Chamblac à Bernay, des familles, avec des enfants de cinq ou six ans, nous suivaient uniquement pour le plaisir de la balade, dont ils avaient eu connaissance par l’association locale. Quand nous sommes arrivés, ils nous ont accompagnés à l’abbatiale de Bernay. Et puis ils ont écouté la répétition. Et au bout du compte, les parents sont revenus le soir assister au concert ! » Où l’on voit que l’Eté culturel ne bénéficie pas seulement aux personnes éloignées de la culture : les artistes qui ne connaissent bien souvent que les gares, les aéroports, les chambres d’hôtel et les salles de concert sont, eux aussi, bienheureux de reconsidérer leur relation au public. « L’idée, conclut Céline Portes, c’est de nous laisser guider par les habitants dans la découverte de leur territoire. De prendre le temps de traverser le paysage à vélo, et de faire connaissance. »

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Hauts-de-France : s’initier au tissage, un art inventé il y a 10 000 ans

Tissage gallo-romain

« Notre région est riche en industries textiles, nous rappelle Amélie Legrand, historienne de l’art, présidente de l’association Archéocréa. Plusieurs musées (Fourmies, Roubaix…) montrent des métiers à tisser mécanisés qui sont magnifiques. Or, moteurs mis à part, ils sont conçus sur les mêmes principes que les métiers du Néolithique ! Dès que l’homme est parvenu à cultiver certaines plantes à textile (le lin, le chanvre, l’ortie de Chine…), et qu’il est parvenu à en extraire la fibre, il a mis au point la technique du tissage. Quant à l’époque gallo-romaine, on y voit paraître ces peignes à tisser qu’on trouve à Pompéi, innovations qui permettent un peu plus d’efficacité, mais qui, au même titre que l’industrialisation, ne font que reprendre cette technique extraordinaire. »

En marge de l’exposition Mode et beauté gallo-romaine, organisée par Nathalie Harran au musée Jeanne d’Aboville, à la Fère (Aisne), Amélie Legrand approfondira ce thème passionnant lors de deux ateliers, prévus le 23 juillet et le 6 août (le matin les enfants, l’après-midi les familles), auxquels les résidents des quartiers prioritaires voisins auront accès gratuitement. « Après une découverte des vêtements gallo-romains à l’exposition, nous partirons d’une matière première, la laine, pour la préparer, avec les peignes à carder, les fuseaux et les fusaïoles. Nous évoquerons aussi le lin, autre tissu à porter, mais aussi le chanvre et l’ortie qui sont des tissus d’ameublement. Ensuite les plantes tinctoriales de l’époque, qui donnent un panel de couleurs déjà très riche. Enfin, après une petite démonstration, chacun aura son métier et pourra s’exercer. En fin de séance, on lancera aussi un petit tissage sur carton, un moyen très simple de tendre une série de fils et de confectionner une trame à l’aide d’une petite navette : un ouvrage à terminer à la maison ! »

Nul doute que les questions vont fuser, et pas seulement au sujet de la technique ! Possède-t-on encore aujourd’hui des habits tissés pendant la période gallo-romaine ? Quelles traces des ateliers les archéologues retrouvent-ils et comment les interprètent-ils ? Trouve-t-on des images ou des bas-reliefs de tisserands gallo-romains ? Y avaient-ils de grandes concentrations d’ateliers dans certaines villes gallo-romaines ? Autant de mystères passionnants à tourner et retourner avec Amélie Legrand, comme les tissus de cette belle exposition.

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Corse : un territoire beau et rude que la musique rappelle à la vie culturelle

Jeune flûtiste avec tour gênoise en surplomb, en Corse

Violon solo de l’Orchestre National de France, Bertrand Cervera joue aux quatre coins de l’Europe, enseigne au Conservatoire de Paris, et, depuis presque vingt ans, revient, été comme hiver, auprès de son village natal, en Corse, pour animer son association « Sorru in Musica ». « Le public qu’on a envie de toucher n’a pas toujours envie d’être touché par nous. C’est là toute la difficulté. Et pourtant, c’est à nous d’essayer de faire bouger les choses. Il y a des dizaines de villages autour de Vico : on ne peut pas les laisser à l’abandon. Et pas uniquement pour y revivifier la musique corse. Il faut y jouer aussi Schubert et Brahms… » D’où l’idée de créer un festival.
« Le festival s’appuie sur deux points forts, poursuit Bertrand Cervera. D’abord une transhumance des musiciens qui vont jouer dans un village différent chaque soir. Ensuite, « l’académie ». Tout le monde prend ses quartiers à l’hôtel U Paradisu, à Vico, centre névralgique où une cinquantaine d’enfants, une dizaine d’adultes, tous les instruments, toutes les formations, suivent des cours tous les jours, puis viennent avec nous et se produisent en première partie de nos concerts. D’emblée, le public, qui voit tous ces enfants jouer, entourés de professionnels et d’amateurs, entre facilement dans l’ambiance : c’est une fête de la musique.

« Les enfants et leurs familles viennent pour moitié de Corse, pour moitié du continent, quelques-uns de l’étranger. Il y a tous les niveaux et tous les âges : l’idée est de donner envie à ceux qui pratiquent un instrument en amateur de venir s’aguerrir un peu. Je revois toujours avec plaisir, par exemple, cette dame qui a fait du violon dans son enfance et a voulu s’y remettre. Elle ne manquerait pour rien au monde cette immersion fantastique de dix jours ! »

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Nantes : convivialité, détente et plaisir de s’instruire

verres de vin et amuse-gueule devant un flyer "ceci n'est pas un apéro"

Toutes trois historiennes de l’art et professionnelles de l’action culturelle, de la médiation et de l’enseignement, elles ont créé leur association, « Les Têtes renversantes », « pour choisir les thématiques de nos conférences, brasser un public plus diversifié et faire découvrir d’autres lieux », nous explique l’une d’entre elles, Élodie Evezard. Au début, l’idée était de donner rendez-vous, au même moment, à ceux qui sont férus d’histoire de l’art et ceux qui ne disent pas non à un apéritif (et des zakouski savoureux). La formule n’a pas déplu et encouragé les trois amies à la décliner : « Ceci n’est pas un apéro / un goûter / un concours d’œnologie / un café gourmand… ».

Au-delà d’un public d’habitués vite fidélisés, elles ont tout de suite voulu adresser leur formule aux publics éloignés. « On travaille avec des maisons de quartier. Il s’agit de faire sortir la culture de ses lieux habituels, et aussi de nous déplacer, ce qui ne pose aucun problème : matériel léger, formats courts et conviviaux. Nous élaborons aussi des propositions transdisciplinaires. Depuis quelques années, le collectif d’art urbain Plus de couleur nous accompagne pour des conférences à deux voix. En septembre, nous irons plus loin : une historienne, une danseuse flamenco, un musicien. Et pour la conférence suivante, un comédien nous rejoindra autour d’un verre sur Roméo et Juliette. »

Le 27 juillet prochain, on se retrouvera aux Filles du Marronnier, un restaurant éthique et responsable installé à Nantes depuis deux ans, pour un ceci-n’est-pas-un-apéro… « Le sujet sera celui des bistros, précisément, ceux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, qui ont tant inspiré les artistes de l’époque. Toute une thématique de la vie sociale pas toujours heureuse, du reste, avec ce mélange de solitude, de tristesse et d’ivresse qu’on peut trouver, par exemple, dans Gueule de bois, de Toulouse-Lautrec, ou la Buveuse d’absinthe de Picasso. On reçoit là 25 personnes, afin de permettre ensuite des échanges. Je passe de tables en tables pour participer aux conversations. Chacun évoque ses expériences esthétiques, mais pas seulement. Et la discussion se poursuit jusqu’à ce que le lieu qui nous accueille nous prie de partir, parce qu’il ferme ! »

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Marseille : au MUCEM, la marionnette, le pharaon et l’égyptologue

La marionnette muppet Raoul Lala devant le mucem et son expo pharaons superstars

« Raoul Lala, ce n’est pas tout à fait un rat, puisqu’en réalité c’est un reporter d’investigation artistique ! Quand il est venu à moi sous son air de muppet, il y a quelques années déjà, nous explique son père, Cyril Bourgois, c’était un simple youtubeur. Grâce à lui, j’ai réalisé plusieurs interviews de personnalités des arts de la marionnette. Ensuite, nous avons acquis ensemble un peu d’expérience et de notoriété, et nous nous sommes mis à faire des lives en streaming, c’est-à-dire de petits plateaux-télés diffusés en direct sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que le festival Ribambelle puis le MUCEM nous ont repérés. »

Pour l’Eté culturel, ce dernier fait appel à Lala pour ses conférences jeune public (à partir de 8 ans), autour de l’exposition « Pharaons superstars ». « On parlera d’abord des métiers du musée, à commencer par celui de mon invité, l’égyptologue Frédéric Mougenot, qui est co-commissaire de l’exposition, ajoute Lala le reporter. Puis, sur fond de vidéos et de diapos, on entrera dans le vif du sujet : Frédéric évoquera certains pharaons pas piqués des vers (normal, pour des momies !) Et des copines marionnettes, momifiées pour la circonstance, viendront nous interrompre pour chanter avec nous un karaoké nefertitique, bien balancé. Après, cerise sur le gâteau : découverte de l’égyptomania, sous toutes ses formes, au XXe siècle. »

L’Eté culturel, au MUCEM, ne s’arrête pas là. Séances de cinéma à la belle étoile, ateliers et activités ludiques, dont La minute fabrique (faites-le vous-même : l'émoji hiéroglyphique), La minute jeu (le casino de l'Egypte ancienne), Pharaon super-héros ! (faites votre masque), Tatooglyphe (créer votre tatouage éphémère). On pourra suivre aussi une visite flash de l'exposition. Cette Semaine pharaonique se conclura dimanche 31 juillet avec un grand bal karaoké et un défilé déguisé pour tous les Ramsès et toutes les Cléopâtre.

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