Invitée d’honneur de la Foire de Francfort, la plus importante manifestation au monde concernant le livre, la France va présenter, du 11 au 15 octobre, une programmation ambitieuse, centrée sur la vitalité – et la diversité – de la production éditoriale francophone. Paul de Sinety, le commissaire général de "Francfort en français", inaugure notre série sur la manifestation en précisant ses enjeux (1/5).
La présence de la France à la Foire du livre de Francfort sera le point d’orgue de « Francfort en français », mais de nombreux événements sont programmés depuis plusieurs mois un peu partout en Allemagne…
« Francfort en français » marque en effet un tournant pour la promotion de la culture française en Allemagne, et notamment de sa littérature, ce qui n’était pas arrivé depuis 1989 – lorsque la France était pour la première fois pays invité d’honneur à la Foire du livre de Francfort. C'était quelques semaines avant la chute du Mur… C’est pourquoi il nous a paru important d’étendre la présence française à la fois sur toute l’année 2017 et sur l’ensemble du territoire de la République fédérale. Depuis janvier 2017, plus de 450 événements pluridisciplinaires labellisés se sont ainsi déroulés. Nous allons également organiser, pendant la Foire de Francfort, un festival auquel participeront près de 180 écrivains de langue française. Cet événement aura lieu – c’est son originalité – non seulement dans le pavillon français, mais aussi dans un grand nombre de lieux culturels de la ville.
Quels sont les objectifs de « Francfort en français » ?
Le premier objectif de cette manifestation ambitieuse – qui bénéficie du soutien de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics culturels français, mais aussi d’un club de mécènes présidé par BNP Paribas – est de participer au renouvellement du dialogue entre la France et l’Allemagne dans une perspective européenne. C’est un axe politique fort, à travers lequel, bien sûr, nous pourrons faire connaître les nouvelles générations d’auteurs de langue française outre-Rhin, mais aussi travailler avec les professionnels du livre et des industries créatives pour défendre d’une même voix des modèles économiques susceptibles d’être débattus dans le cadre des directives européennes. De plus, la Foire de Francfort est un rendez-vous incontournable pour les professionnels du livre du monde entier. Grâce à la mise en place d’actions de sensibilisation vis-à-vis de leurs partenaires locaux, les bureaux du livre du réseau culturel français à l’étranger ont contribué à créer un véritable appel d’air pour la création littéraire et intellectuelle de langue française contemporaine.
Montrer à quel point la créativité littéraire de langue française est ouverte au monde et partagée sur les cinq continents
La manifestation va également permettre de mettre en avant plusieurs caractéristiques fortes de notre production éditoriale, la diversité et l’innovation, notamment.
A travers cette manifestation, nous souhaitons faire découvrir la très grande diversité de la langue française au public allemand et, plus largement, à l’ensemble des pays présents à Francfort. C’est une dimension encore insuffisamment reconnue à l’international. Ce sera l’occasion de passer des messages et de porter des valeurs, notamment à quel point la créativité littéraire de langue française est ouverte au monde et partagée sur les cinq continents. Enfin – c’est le troisième objectif – « Francfort en français » cible les publics jeunes en accordant une priorité aux secteurs éditoriaux du livre de jeunesse et à la bande dessinée. Nous présenterons aussi sur le pavillon – c’est l’une de nos offres d’innovation culturelle – des projets transmedia qui interrogent les pratiques culturelles contemporaines et font écouter, désirer et entendre d’une autre manière la littérature de langue française.
Temps fort de la manifestation, la relance d’une politique particulièrement volontariste de traductions du français vers l’allemand. Pourquoi cette proposition ambitieuse est-elle au cœur de « Francfort en français » ?
Si on compare les années 2013-2014 et 2015-2016, on constate une hausse de 4,4% de la traduction du français vers l’allemand, ce pourcentage s’accroissant fortement pour la littérature (avec +40% sur la période 2015-2016) et les sciences humaines et sociales. Ces résultats sont dus à l’action conjuguée de l’Institut français, du Centre national du livre, du Bureau International de l’Édition Française, de l’ambassade de France à Berlin et des rencontres professionnelles organisées en amont du rendez-vous de Francfort. Mais surtout, ils disent le désir des partenaires allemands de découvrir de nouveaux textes et de nouvelles voix de langue française sur des sujets qui les concernent autant qu’ils les questionnent – les questions d’identité, de migration, d’accueil de l’autre dans une Europe qui, pour vivre, a besoin de s’ouvrir davantage encore à toutes les cultures du monde.
Le pavillon d’honneur, conçu par l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne sous la direction de Ruedi Baur, est lui aussi un symbole d’ouverture et de dialogue.
Notre pavillon, constitué d’une grande bibliothèque de plus de 40 000 volumes conçue en partenariat avec l’association Biblionef, est en lui-même un symbole d’ouverture, de dialogue et d’échanges. La signalétique déclinée en trois langues – le français, l’allemand et l’anglais – dépassera la simple information et portera, à travers un dialogue entre les langues, le message et les valeurs de cette invitation : l’hospitalité, le partage des savoirs, l’innovation, la jeunesse (en partenariat avec l’OFAJ et le Rectorat de Paris), l’Europe. Le pavillon présentera également, ainsi que l’ont voulu ses concepteurs de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne et Ruedi Baur, le directeur artistique de « Francfort en français », des écrans et des produits liés à l’innovation. Ainsi, il n’y aura pas de césure entre le livre physique et les nouveaux produits de l’innovation culturelle. Un restaurant français est également mis en place avec le concours de l’École Ferrandi et de vingt de ses élèves et en partenariat avec Atout France.
Les auteurs participent à l’événement de façon parfois très originale. En ce moment par exemple, Olivier Rolin est le capitaine d’une péniche qui parcourt le Rhin et fait escale un peu partout dans les villes de l’Est…
« Passerelles d’Europe » est un très beau projet que nous soutenons aux côtés de nombreux partenaires, dont la Région Grand Est, la ville de Nancy, et le Centre National du Livre. Tout au long d’un itinéraire qui la conduit de Namur à Francfort, la péniche accueille à son bord des écrivains français, allemands et européens et invite un public chaque fois différent à venir les rencontrer. Chaque étape fait dialoguer des écrivains d’Europe - une occasion de souligner l’importance des échanges, de la circulation des idées, de la traduction qui, pour reprendre les mots d’Umberto Eco, est la langue de l’Europe.
A travers l’avenir du livre entre les deux pays, l’événement questionne l’avenir de l’Union européenne.
Le Président de la République a immédiatement perçu l’importance à la fois politique, culturel et économique du rendez-vous de Francfort. Les ministres des affaires étrangères et de la culture souhaitent que « Francfort en français » joue un rôle de catalyseur dans le développement des politiques culturelles européennes, dont l’impulsion est étroitement liée au couple franco-allemand
Françoise Nyssen : "la culture est la solution pour l'Europe"
Le 20 septembre, Françoise Nyssen a reçu les auteurs qui seront présents du 11 au 15 octobre à la Foire du livre de Francfort où la France est invitée d'honneur. "C’est un formidable défi pour nous, de porter haut et fort, avec nos partenaires allemands, cette ambition commune qui nous guide dans la construction d’une Europe des cultures, au sein de laquelle le livre occupera la place de premier plan qui lui est due", a souligné la ministre de la Culture, avant de revenir sur les grands défis liés à la création et à la diversité culturelle à l’ère numérique. "La culture est la solution pour l'Europe", a-t-elle assuré. A cette fin, une initiative organisée le 11 octobre par Françoise Nyssen en lien avec Monika Grütters, son homologue allemande, permettra aux différents ministres européens de la Culture d'aborder les questions liées aux droits d'auteur, à la répartition équitable de la valeur entre créateurs et plateformes numériques, et le principe de territorialité, clé de voûte du financement de la production audiovisuelle en Europe. Second volet de l'intervention de Françoise Nyssen : son action en faveur du livre et de la langue française. Cette action repose sur une "triple exigence" : renforcer l'accessibilité du livre à tous les publics ("c'est l'objet de notre politique pour ouvrir mieux et plus les bibliothèques et c'est l'objet de notre soutien aux librairies"), intensifier une politique d'ouverture, notamment à travers la traduction ("nous allons continuer de l’accompagner, en soutenant la formation des traducteurs, la cession de droits, en assurant des relais auprès du public étranger") et développer la diversité ("la francophonie est l'un des axes forts de la politique que nous souhaitons mener").