Institutions culturelles emblématiques, les Centres chorégraphiques nationaux ne cessent, depuis 30 ans, de réinventer le paysage de la danse en France. Trois personnalités de la danse contemporaine évoquent, de l’intérieur, ces évolutions.
« Un lieu traversé par différentes esthétiques »
Christian Rizzo, directeur du CCN de Montpellier depuis janvier 2015
« Pendant de nombreuses années, j’ai été un artiste dit indépendant. Ce qui signifie, entre autres, un déploiement considérable d’énergie pour faire « jaillir » des projets disséminés ici et là. Puis, j’ai senti que le moment était venu de passer du statut de chorégraphe à celui de directeur d’établissement afin d’en « donner » la direction, plus encore que d’en prendre la direction. Et de réfléchir à ce que pouvait être un lieu comme un CCN, trente ans après sa création.
Je ne conçois pas un CCN qui serait « enfermé » dans une pratique chorégraphique figée sur elle-même, mais au contraire comme un lieu « traversé » par différentes esthétiques et qui interroge leur contemporanéité. Je vois le CCN de Montpellier comme un lieu « pro écritures chorégraphiques croisées », comme la somme des projets qui y sont présentés, et non comme un lieu figé dans une pratique ou une esthétique chorégraphiques. À la fois riche de sa propre histoire et d’un héritage qu’il faut faire fructifier, le CCN doit avoir aussi des perspectives à mettre en œuvre ».
« Un espace de travail incomparable pour le hip-hop »
Kader Attou, directeur du CCN de La Rochelle depuis 2008
« J’ai commencé à danser dans la rue. A la tête du CCN de la Rochelle depuis 2008, j’ai maintenant une scène pour le faire. On ne crée évidemment pas de la même façon si on est sur scène que si on est dans la rue. L’artiste a besoin de s’isoler pour créer. Il a fallu du temps pour que le hip-hop soit reconnu comme une danse à part entière ; je suis très fier d’avoir intégré le réseau des CCN et de représenter, au même titre que Mourad Merzouki à Créteil, cette culture chorégraphique. C’est une belle reconnaissance pour la danse hip-hop.
La rencontre, l’échange et le partage sont le socle de mon projet pour La Rochelle, tout en ayant à l’esprit l’objectif de faire aimer la danse au plus grand nombre. Le CCN est avant tout un lieu de création, de développement chorégraphique ainsi que d’accompagnement de l’émergence chorégraphique. Résolument implanté dans son territoire, le CCN de La Rochelle apporte par ailleurs son soutien à l’option danse du lycée de La Rochelle et travaille avec La Coursive, Scène nationale de La Rochelle. C'est un merveilleux outil au service de la mise en œuvre d’un projet artistique ; il offre un espace de travail incomparable ».
« Un outil unique au monde »
Petter Jacobsson, directeur du CCN - Ballet de Lorraine depuis 2011
« Pour moi qui viens de Suède, je vois les Centres chorégraphiques nationaux comme un formidable outil, unique au monde. De plus - autre atout important quand on observe la situation de la danse en France depuis l'étranger - les CCN sont un un instrument tout à fait exemplaire en matière de décentralisation. En Suède, on les regarde d’ailleurs avec envie ! Alors pour moi, forcément, cela a été un honneur lorsque j’ai été retenu pour diriger une de ces structures.
Comme quatre autres CCN, l’une des particularités du Ballet de Lorraine est d’avoir une troupe de danseurs permanents. J’ai donc hérité à la fois d’une structure et d’une troupe, dans laquelle j’ai intégré, depuis ma prise de fonction en 2011, onze nouveaux danseurs. On assiste à un renouvellement assez important de danseurs. Aujourd’hui, ils préfèrent fréquemment travailler avec plusieurs chorégraphes au cours de leur carrière. C’est un phénomène assez nouveau car auparavant, les danseurs restaient liés à un même chorégraphe ».