Maintenue dans le contexte de l'épidémie en cours, la nouvelle édition des Extatiques a lieu à ciel ouvert du 26 juin au 4 octobre 2020. Orchestrée par Fabrice Bousteau, elle a lieu cette année non seulement dans le périmètre de Paris La Défense, mais aussi autour d'un nouvel emblème culturel, La Seine Musicale. Son dispositif de scénographie en plein air permet de découvrir les œuvres installées tout en respectant les consignes sanitaires actuelles.

Les Extatiques à la Seine Musicale, avec six artistes

Julie C. Fortier - Le jour où les fleurs ont gelé, Les Extatiques 2020 © Martin Argyroglo

Julie C. Fortier a créé l'oeuvre Le jour où les fleurs ont gelé, un bouquet de sept crosses de fougères métalliques qui se déroulent pour révéler de précieuses capsules parfumées en verre et porcelaine poreuse qui laisse filtrer doucement les parfums. Fabrice Hyber, poursuivant son œuvre rhisomique, installe la sculpture-fontaine HommeFemme, un couple de petits personnages verts dont les orifices corporels laissent écouler des filets d'eau, suintage des flux et humeurs des corps. Il présente également cette installation à Paris La Défense.

Jeong Hwa Choi - Breathing Flower, Les Extatiques 2020 © Martin Argyroglo

Sur le toit-jardin de La Seine Musicale, les immenses pétales de la bien connue fleur de lotus gonflable Breathing Flower de Chi Jewong Hwa sont visibles de loin. Sur le parvis, la sculpture sonore de Matteo Nasini, Screwed Harmonies, choisit le vent comme seul chef d'orchestre, tandis que Méandre, œuvre hybride à la fois monstre marin et armure d'Elsa Sahal, entourée de fleurs aquatiques et de coraux modelés en terre glaise et émaillés, est pensée comme un paysage où l'on peut s'asseoir. Sans oublier le nouveau point de vue de Felice Varini, à resituer sur place. Petite indication avec le titre de l'oeuvre : Arcs d'ellipses jaunes, rouges et bleus.

Les Extatiques à Paris La Défense, avec onze artistes

À Paris La Défense, Iván Argote installe la sculpture monumentale Strenghtlessness, en revenant sur l'histoire des relations anciennes entre l'Egypte et la France, citant l'horloge offerte par notre pays qui n'a jamais fonctionné. Intervenant de façon humoristique et un brin naïve sur ce monument, il en annule les symboles de pouvoir et d'identité, pointant l'absurdité et les faux-semblants de l'activisme politique, de la domination occidentale et des centres de pouvoir. Gilles Barbier installe L'oeuvre Boîte, un élément graphique, cartoonesque, immédiatement reconnaissable et associé au Pacifique, un ouvre-boîte en requin sur la pelouse, à la fois ludique et sérieux, séduisant et radical. Toujours dans le registre animal, le projet Pigeonner de Julien Berthier greffe ces animaux de bronze sur des sculptures publiques de même patine, leur offrant en trompe-l'oeil un surplus temporaire de réalisme. N'oublions pas que le terme "pigeonner" relève d'une connotation plutôt négative...

Gilles Barbier - L’œuvre boîte, Les Extatiques 2020 © Martin Argyroglo

Anne Claverie présente l'installation Arbrabra, un arbre mutant fruit de l'alliance hybride du pneu et du métal. Il s'enracine avec la force et la vigueur d'un arbre naturel dépourvu de feuilles et transfigure les matériaux industriels qui le composent. Sa peau reptilienne, vivante et inquiétante, intrigue, entre attirance et répulsion. L'oeuvre Environnement de transchromie circulaire de Carlos Cruz-Diez, artiste décédé en 2017, conçue pour être installée in situ et hors les murs, tient compte de la réalité extérieure et la transforme par la soustraction de la couleur grâce aux lamelles transparentes qui s'y mêlent.

Anne Claverie - Arbrabra, Les Extatiques 2020 © Martin Argyroglo

Pour sa part, Iván Navarro crée une structure rappelant les puits en brique traditionnels qui ponctuent les campagnes suivant la légende de Mélusine, selon la légende mi-femme mi-serpent dans la transgression de l'interdit et le décalage entre vérité et apparence. Chaque terme en néon interpelle par son ambivalence. Mater, "la mère" en latin, protège mais domine, le terme anglais Water désigne l'eau surface qui à la fois réfléchit et engloutit. Dans Mélusine 2020, le puits semble créer un passage lumineux souterrain infini, métaphore à la fois de l'évasion et de la disparition.Est également donnée à voir la sculpture The Tao Laughter n° 4 de Uyue Mijun, qui a adopté le rire comme thème central de son œuvre. Paul Rousteau expose une série de 30 nouvelles photographies le long de l'esplanade, intitulée La Défense, les fragments de l'invisible, un univers chamarré entre abstraction et figuration, peinture et art digital. À proximité, Jacques Villeglé fait courir le long d'un escalier un grand graffiti blanc en alphabet sociopolitique reprenant une citation d'André Salmon "Ecrire ! C'est plus que voir, écrire c'est concevoir." Installé au centre de l'esplanade, le pavillon Zig Zag d'Héctor Zamora, architecte de l'éphémère, est construit avec des briques ajourées en terre cuite. Permettant à la brise estivale de s'y introduire, il provoque une expérience inédite qui rappelle l'architecture moderne des tropiques. Sa fraîcheur ludique nous invite à nous détendre et à nous perdre dans ses murs.

L'exposition dans l'exposition : Rien à voir !

Au cœur du parcours artistique, une exposition est proposée par le commissaire Fabrice Bousteau avec la présentation de 15 photographies/reproductions d'oeuvres historiques et contemporaines qui invitent à entrer dans le monde magique des apparences trompeuses. 15 panneaux publicitaires ont été détournés de leur fonction première : installés sur l'esplanade de la Défense, ils constituent une mise en abyme de l'exposition, ludique et joyeuse, faite de perspectives changeantes, dans l'art du trompe-l'oeil, des jeux de perspectives, des phénomènes optiques, etc.