Un dialogue entre deux structures. Le centre d’art Les Tanneries est un nouveau lieu de production et de diffusion d’art contemporain ouvert en septembre 2016 en région Centre-Val de Loire. Il s’est rapidement engagé avec le Frac Centre-Val de Loire à favoriser les conditions de visibilité de ce que le contemporain produit dans le champ de l’art ou dans celui de l’architecture. Comme l’exprime Eric Degoutte, directeur des Tanneries, le dialogue se développe « et trouve son point d’articulation dans la question du récit, dans une "mise en histoires" où s’envisagent un état des choses, un état du monde, une pensée des choses, une pensée du monde. »
Guy Rottier – Un hommage, un manifeste. Né à Sumatra en Indonésie puis naturalisé français, Guy Rottier (1922-2013) est diplômé ingénieur de La Haye (1946) puis architecte DPLG de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris (1952). Il travaille de 1947 à 1949 dans l’atelier de Le Corbusier. En 1958, il s’installe à Nice et conçoit avec Charles Berbéris des cabanons de vacances industrialisés en bois, qui reçoivent un avis administratif négatif. Il prend alors le maquis pour lutter contre les trois "ennemis" de l’architecture : les matériaux traditionnels, l’administration, les traditions, et s’engage dans la voie d’une "architecture buissonnière". Émigré volontaire à Damas, puis à Rabat, où il consacre une grande partie de sa carrière à l’enseignement avant de revenir finir ses jours en France, il place l’architecture de vacances au cœur de ses réflexions. Avec son style insolite, fulgurant et sans compromis, il renouvelle radicalement le langage architectural et les modes d’habitats. Au début des années 1970, il développe des projets d’architecture puis d’urbanisme solaire dans lesquels il entend revenir aux fondamentaux : la lumière. Proche d’artistes comme Venet, Arman, Ben, il s’intéresse également au rebut, auquel il donne une nouvelle vie comme matériau de construction. Quelques-uns de ses projets : "Maison de vacances volante" (1963-1964) / "Maisons enterrées" (1965-1978) / "Maisons en carton" (1968) / "Architecture solaire" (1970).
Les deux autres architectes invités. Les Tanneries invitent également l’agence norvégienne Manthey Kula basée à Oslo avec son projet Architecture from solitude (2017) et l’architecte Thomas Raynaud qui aborde au sein de son agence Building Building fondée à Paris en 2007 la question du paysage et de la réhabilitation. Avec Une retenue d’eau (2017), il s’intéresse pour la Biennale à Pirou-Plage, petite station balnéaire sur le Cotentin, tristement célèbre pour être devenue un village fantôme dans un site dégradé. Il y envisage un geste minimal marquant le tracé d’une limite : un petit équipement public isolé sur le sable, retenue d’eau à deux bassins en béton. Les rectangles disparaissant au gré des marées qui les remplissent, rejouent de façon cyclique les efforts de l’architecture à domestiquer la nature avant d’être submergés. En nageant dans la piscine on perçoit l’image du paysage dont le village a disparu.
Artistes invités
Wesley Meuris, Scenes of engagements, Grande Halle. La métamorphose du site en centre d’art a conduit Wesley Meuris, invité en résidence de création, à réagencer la grande halle par un ensemble de modules praticables qui en reconditionnent la vision, la circulation et les usages. Son titre, Scenes of engagements, évoque des scénarios d’activation. L’exposition amplifie à ce titre un ensemble de questions qui nourrit le développement du centre d’art dans sa première année d’existence.
Suzanne Husky, Sleeper Cell, Verrière. Dans le cadre de la Biennale, Suzanne Husky réalise en bois une structure en forme d’igloo. Émergent directement du sol, elle évoque les premières habitations humaines. Elle ouvre aussi sur le registre animal de l’abri, du terrier, du cocon ou du nid, et sur les transports imaginaires de l’enfance. Les préoccupations de l’artiste sont également environnementales, inspirées par les pratiques d’individus repensant les conditions premières de leur habitat de façon alternative. L’anthropologie et la sociologie de l’habitat innervent sa pratique artistique.
Benoît Piéron, Installation in situ, Petite galerie, visible à partir de février 2018. Sensible au mouvement des branches des arbres visibles depuis la fenêtre de la Petite galerie des Tanneries, intéressé par la proximité des cours d’eau jouxtant le bâtiment, Benoît Piéron envisage un univers immersif où le visiteur serait allongé, le corps au repos, dans un état de veille. L’artiste ajoute dans son installation des matériaux ductiles : le savon, l’humidité, l’encens, les motifs répétitifs d’un papier peint qui emplissent les murs et les débordent. Troublantes par leur caractère baroque, les installations de Benoît Piéron, avec leur caractère mutant et nomade, sont une incitation généreuse à réintroduire une sensualité et un imaginaire au cœur de l’univers domestique.
Les Tanneries centre d’art contemporain, 234 rue des Ponts – 45200 Amilly. Tél. : 02 38 85 28 50. Ouverture du mercredi au dimanche de 14h30 à 18h. Entrée libre.
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