« Depuis plusieurs années, dans le cadre du festival des Rencontres internationales de la photographie d’Arles, j’anime des ateliers de formation autour de l’image, une activité que je mène en parallèle de mon travail personnel et qui est aujourd’hui partie intégrante de ma démarche professionnelle. Ma participation à Création en cours est donc une occasion rêvée d’allier les deux », s’enthousiasme Edwin Fauthoux-Kresser, diplômé depuis 2013 de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, accueilli par l’école publique de Lablachère en Ardèche dans le cadre du dispositif de résidences artistiques à l’école Création en cours.
Tout, en effet, semble idéalement se conjuguer. D’abord, la perspective de travailler avec des enfants, un public qu’il connaît : « ils sont assez incroyables, plein d’émotion et d’envie autour de l’image, très réceptifs, et en même temps, ils connaissent déjà beaucoup de choses, ils ont une relation au réel forte et peuvent apporter beaucoup par eux-mêmes ». Ensuite, celle de mener son projet dans des conditions qui le ravissent : « Lablachère est situé entre les gorges de l’Ardèche et les Cévennes, entre la campagne et la montagne, avec d’un côté des vignes, de l’autre des monts enneigés. C’est un très bel endroit qui m’a immédiatement plu quand je suis arrivé en voiture par la route du Gard. Comme c’est une petite commune, les enfants viennent de différents endroits. Cette diversité est propice aux échanges ».
Je voudrais que le livre de photographies que nous allons élaborer, leur ressemble autant qu’il leur échappe. Pour moi, cela a toujours été le marqueur de quelque chose de réussi
Le jeune photographe vient de passer trois jours sur place, mais c’est du 20 mars au 14 avril, lors d’un séjour en immersion à l’école, que son projet autour du livre de photographie prendra forme. Pas de thème défini à l’avance pour celui-ci, un choix qu’il revendique : « Je veux voir ce qui se développe, où vont les envies des élèves, quel environnement les intéresse, et à partir de là, on va construire une thématique et des enchaînements ». En revanche, un substantiel travail est prévu sur le « chemin de fer », terme bien connu des milieux de la presse et de l’édition, autrement dit sur l’agencement des pages et le choix des images. «J’ai commencé à leur montrer des livres de photographies classiques et contemporains. Je vais les inciter à se rendre compte des formes classiques d’enchaînement d’images dans un livre, puis à oser des décalages pour créer un rythme particulier au livre. Je voudrais qu’ils apprennent des choses mais aussi qu’ils s’amusent. Tout a commencé comme cela pour moi avec l’idée et le plaisir du jeu qui, peu à peu, sont devenus un moteur artistique. »
Au programme, des aller-retours constants entre la prise de vue et le travail en atelier. « Nous allons nous promener autour de Lablachère en commençant par le pont mégalithique du village. Il faut passer du temps pour faire des images, et - surtout ! - ne pas craindre d’en perdre les jours où la lumière ne sera pas bonne. Je verrai avec eux ce qui se dessine à partir de cette matière première. Ils auront les appareils en mains de manière collective et individuelle, en alternance. Ils pourront amener les leurs, j’ai aussi acheté des appareils de bonne qualité de mon côté. Une chose importante : je ne voulais pas d’appareils-jouets ».
Ce projet autour du livre fait écho à la propre pratique du jeune photographe dont les images prennent souvent place dans un récit comme on peut en juger sur son site, www.edwinfauthouxkresser.com, qu’il s’agisse du Recueil amazonien (2014), de La Perte du Danube (2013), ou de l’Instabilité des phénomènes (2014), très beau travail conçu à partir des relevés d’un hydrologue, lequel a d’ailleurs lui-même pris la forme d’un livre.
A la fin de la résidence, chaque élève repartira avec son propre livre, un aspect du projet que tous plébiscitent. « Il s’agit d’une projet collectif qui aboutit à un objet individuel à prendre avec soi et qui sort de l’école », souligne Edwin Fauthoux-Kresser, qui revient très précisément sur l'ambition qu'il assigne à ce travail : « Je jugerai de la réussite de la résidence à la réception que les élèves auront de leur propre travail. Je voudrais qu’il leur ressemble autant qu’il leur échappe. Pour moi, cela a toujours été le marqueur de quelque chose de réussi. J’en jugerai aussi à la réception des parents, des enseignants, et plus largement du public qui regardera le livre et qui n’aura pas nécessairement de lien avec la classe. Je vais beaucoup insister auprès d’eux sur le fait qu’ils font ces images non seulement pour leur entourage immédiat mais aussi pour un potentiel spectateur ».
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