Ce 5 septembre 2025, en entrant dans la cathédrale de Bayeux, les visiteurs découvrent un édifice transformé. La pierre gothique se laisse traverser par une lumière vibrante, changeante, qui magnifie les volumes et invite au silence.
La voix de l'artiste Véronique Joumard, puis celles de Monseigneur Habert, évêque de Bayeux-Lisieux et de Charles Desservy, directeur régional adjoint des affaires culturelles de Normandie, se sont succédées pour retracer les grandes étapes de cette aventure : le choix de l’artiste, les longues années de conception et de pose, jusqu’au retrait des derniers échafaudages cet été.
L’alliance du patrimoine et de la création
L’inauguration des vitraux du transept de la Cathédrale marque ainsi l’aboutissement d’un chantier qui illustre pleinement l’esprit de la commande publique artistique : faire dialoguer le patrimoine et la création contemporaine, offrir à tous une œuvre vivante et durable dans un lieu partagé.
« Grâce à l’engagement de l’État, des artisans, des architectes et de l’artiste, la cathédrale s’inscrit pleinement dans le XXIᵉ siècle », a déclaré Charles Desservy, rappelant le rôle central du ministère de la Culture dans le soutien à la création dans l’espace public.
Une cathédrale millénaire ouverte sur le XXIᵉ siècle
Dominant la ville de Bayeux, la cathédrale Notre-Dame est l’un des plus remarquables édifices religieux de Normandie. Consacrée en 1077 en présence de Guillaume le Conquérant, elle témoigne du passage de l’art roman au gothique, mêlant force architecturale et élévation spirituelle.
Classée monument historique dès 1862, elle fait l’objet de campagnes régulières de restauration, qui visent à préserver son intégrité tout en la faisant dialoguer avec la création contemporaine. Les grandes baies hautes du transept, longtemps laissées nues après la disparition de leurs vitraux anciens, représentaient un vide à combler. La lumière blanche qui y entrait, devenue emblématique, appelait une réflexion sur la manière dont la lumière pouvait aujourd’hui nourrir l’expérience du lieu.
Dès 2011, l’État, propriétaire de l’édifice, engage une réflexion avec la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Normandie, le clergé, les Amis de la cathédrale et de nombreux experts scientifiques et patrimoniaux. L’objectif : inscrire une œuvre contemporaine dans ces baies restées muettes, non comme une reconstitution du passé, mais comme une création artistique pleinement ancrée dans le présent.
Un comité de pilotage est constitué, réunissant architectes, conservateurs, universitaires et personnalités qualifiées du musée du Louvre et du Centre international du vitrail. Après une procédure ouverte au niveau européen, le projet de Véronique Joumard est retenu pour son audace et sa justesse.
La genèse d’un projet exemplaire
L’approche artistique de Véronique Joumard
Née à Grenoble en 1964, diplômée de l’École supérieure d’art de sa ville natale, Véronique Joumard développe depuis les années 1980 une œuvre centrée sur la lumière, l’énergie et les phénomènes invisibles. Son travail, minimaliste dans sa forme mais profondément sensoriel, explore les relations entre lumière, architecture et perception.
Ses vitraux pour Bayeux ne représentent pas de scènes figuratives. Ils jouent sur la transparence, les reflets, la densité du verre et les vibrations colorées de la lumière naturelle. Chaque heure de la journée devient ainsi une expérience différente, une invitation à la contemplation. L’artiste explique que son intention n’est pas de raconter mais de « laisser la lumière parler ».
Dix ans de travaux et un chantier collectif
La réalisation de ces vitraux a mobilisé des savoir-faire rares et précieux :
- L’entreprise Lefevre a conduit la restauration des maçonneries hautes et la préparation des baies.
- L’atelier Yvon, spécialisé dans la sculpture ornementale, a restitué gargouilles et motifs disparus.
- L’atelier Vitrail France, dirigé par Emmanuel Putanier, a travaillé main dans la main avec l’artiste pour souffler, assembler et sertir les verres.
Les étapes se sont échelonnées sur plusieurs années :
- restauration des baies sud-est en 2020,
- installation des premiers vitraux en 2021, baies nord-est en 2022,
- restauration du côté nord en 2023,
- mise en place finale des vitraux nord-ouest en 2024 et 2025.
Chaque étape a demandé un ajustement méticuleux entre techniques ancestrales et innovations contemporaines.
Une lumière de paix et de fraternité
L’œuvre de Joumard ne se limite pas à une recherche plastique. Elle porte une dimension spirituelle forte, en résonance avec l’histoire de la cathédrale et de la Normandie marquée par la Seconde Guerre mondiale.
« Ici, la paix ne se conceptualise pas… elle se reçoit comme un don »
Pour Monseigneur Habert, la vocation de la cathédrale est de faire résonner cette lumière, à la fois cultuelle et universelle. Les vitraux viennent ainsi prolonger le message porté par la chapelle de la Paix et les cloches fondues pour le 70ᵉ anniversaire du Débarquement.
Avec cette réalisation, Véronique Joumard offre à la Normandie une œuvre majeure, inscrite dans l’histoire d’une cathédrale millénaire qui continue, au XXIᵉ siècle, d’ouvrir ses portes à la création. Ce projet, à la croisée de l’art, de la science et de la spiritualité, fait de Notre-Dame de Bayeux non seulement un témoin de l’histoire, mais aussi un lieu vivant, capable de parler aux générations présentes et futures.
Pour en savoir plus, consultez le dossier de presse :
Partager la page