Il est le dernier « témoin » amiénois de l'industrie du Moyen-Age. Le moulin Passe-Avant fait actuellement l'objet d'une restauration sous la maîtrise d’œuvre de Vincent Brunelle, architecte en chef des monuments historiques, la maîtrise d'ouvrage d'Amiens Métropole et le contrôle scientifique et technique de la Conservation régionale des Monuments historiques (CRMH) de la DRAC Picardie ainsi que du Service territorial de l’Architecture et du patrimoine (STAP) de la Somme.
Le Moulin Passe-Avant doit son nom à sa puissante roue qui lui donnait la priorité, lors des opérations hydrauliques, sur le Moulin Passe-Arrière, son voisin du canal des Clairons.L'existence de ces deux moulins est attestée depuis le Moyen Age. Ils avaient alors pour fonction de moudre le blé.
Le Moulin Passe-Avant est le seul à avoir conservé sa structure à pan de bois du XVIe siècle. Il comporte quatre niveaux : le premier, au ras de l'eau, abrite une roue à aubes de type Poncelet de 1840 et une partie de son mécanisme. Pour les établissements Brûlé, au XIXe siècle, il moulut des graines de moutarde.Au XXe siècle, l'entreprise Benoît l'utilisait encore pour fournir l'énergie nécessaire à ses activités de teinture et ce jusqu'à la fin des années 70, avant qu'il ne soit laissé à l'abandon.
Un sauvetage, une restauration
La décision de lancer un chantier de sauvetage a été prise par Amiens Métropole en 2009.La Fondation du Patrimoine est partenaire du projet par le biais d'une souscription lancée auprès de la population. Le financement de la restauration reçoit aussi le soutien de l'Etat (DRAC de Picardie). La restauration a été précédée en décembre 2010 par le rendu d'une étude préalable par l'architecte en chef des monuments historiques.L'opération commencée en janvier 2014 consiste en une restauration de la structure avec une mise hors d'eau et hors d'air et la mise en place de planchers. Le pignon sera réalisé en torchis traditionnel par l'entreprise Charpentier PM, et la couverture restaurée en tuiles plates par l'entreprise Bernard Battais.Un diagnostic des bois a été réalisé par le bureau d'étude TEC BOIS, qui reste associé au chantier, comme le bureau d'étude APAVE. La charpente en chêne, les menuiseries extérieures et les planchers intérieurs seront restaurés par l'entreprise LELU.Des sondages en recherche de teinte ancienne sont prévus pour déterminer la couleur des pans de bois et des menuiseries. La mise en œuvre du torchis sur lattis fait l'objet d'une réflexion approfondie : il conviendra en effet de traiter différemment les enduits de finition, selon que ceux-ci seront appliqués sur le remplissage en torchis ou sur le hourdis de brique.
Un décor de grande qualité
Propriété sous l'Ancien Régime du riche et prestigieux chapitre de la cathédrale d'Amiens, le moulin Passe-Avant se distingue par l'abondance et le raffinement de son décor, inattendu sur un édifice à caractère « industriel ». Moulure des sablières, blasons aux extrémités des poutres, armes du chapitre cathédral, pommes de pin des écoinçons, statue de la Vierge à l'Enfant sur le poteau cornier, tous ces éléments du décor originel trop dégradés pour être présentés tels quels, devront être, pour la plupart, déposés et reconstitués.
Dans le cadre de l’exercice du contrôle scientifique et technique de l'Etat, ces éléments font actuellement l'objet d'une réflexion spécifique visant à déterminer la méthodologie d'intervention et de présentation, avec la collaboration du conservateur des Monuments historiques, Anita Oger-Leurent, de Nathalie Hégo, technicienne des bâtiments de France et de Jean-Marie Oger, restaurateur de sculpture bois (sous-traitant de l'entreprise LELU titulaire du lot charpente), sous la conduite d'opération de Vincent Brunelle et d'Amiens Métropole. Cette équipe s'est enrichie de l'expertise d'Aurélien André, archiviste du diocèse d'Amiens.
Reconstituer pour rendre du sens : La Vierge aux rayons
L'attention du groupe de travail s'est particulièrement portée sur la Vierge à l'Enfant, localement appelée La Vierge aux rayons. Cette statue située à l'angle de la façade nord du moulin a subi l'outrage naturel des ans auquel s'est ajouté celui du vandalisme. De l’œuvre originelle, il ne subsiste plus, en guise de vestige, que la partie du côté gauche du corps de la Vierge. Le reste n'est plus qu'arrachement. Le secours d'une prise de vue de la fin du XIXème siècle, d'une photo latérale de 2012, a permis d'approcher la lecture des formes et, partant, du sens de l’œuvre.
La première étape a donc consisté à s'assurer du thème iconographique. Les rayons à l'arrière de la Vierge, la présence d'un croissant de lune sous ses pieds ont permis de conclure qu'il s'agissait d'une représentation découlant du type de la Vierge de l'Apocalypse telle que décrite par Saint-Jean : « une femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles» (Apoc. 12, 1-2).
La seconde étape a visé à rassembler des éléments de référence stylistique, soit la consultation d'ouvrages spécialisés sur la statuaire picarde du début du XVIe siècle, et à les confronter avec les images anciennes de la Vierge du moulin. C'est ainsi que la Vierge retrouvera un vêtement animé par des plis en V et que sa chevelure sera « ondée », comme le voulaient les conventions stylistiques (et sans doute la mode !). Mais certains détails, faute de certitude, ne pourront être restitués. Quel était le dessin de la couronne de la Vierge ? Comportait-il des fleurons, tels les étoiles du texte biblique ? Dans le doute, la couronne adoptera une forme simple. Et ne distingue-t-on pas sur le cliché du XIXe siècle un personnage faisant office de culot ? Il le semble ; peut-être était-ce saint Jean, tout à sa vision. Il a été décidé de créer un support menuisé et mouluré, d'un modèle simple, avéré à Amiens au début du XVIe siècle sur la foi de photographies de modèles authentiques encore en place.
Jean-Marie Oger a procédé par étapes, modelant à la terre crue les volumes sur le vestige de la statue, faisant évoluer en direct sa recréation au fil des échanges. Puis viendra le temps du moulage, ensuite celui du modèle en plâtre, début août, et enfin, d'après ce modèle, la sculpture en chêne en taille directe. Quant à la polychromie, dont des vestiges, incohérents, subsistent sur le fragment de statue, il a été convenu de ne pas tenter de la restituer. C'est le choix d'un « vieillissement » du bois, ou d'une patine, évocateurs de l'ancienneté de l’œuvre qui sera privilégié mais dont le parti définitif et le niveau de finition seront définis à l'issue de l'ensemble de la restauration de l'édifice.
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Informations pratiques :
- Souscription sur le site internet de la Fondation du Patrimoine :
- Informations sur le site internet d’Amiens
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