1.0101 - Le Building - Canebière
Canebière, Belsunce, 1er arrondissement
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 0101, p 4. 2005
Label Patrimoine du XXe siècle, 2000
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : Le Building Canebière
73-75 La Canebière, quartier Belsunce. 13001
Lambert 3 : latitude 3.04346 ; longitude 43.2974
Accès : métro n° 1 : Noailles
propriétaire : Syndicat de copropriétaires : Accord Compagnie Immobilier, 3 cours Joseph Thierry, 04 91 08 08 85
programme : Ensemble de 18 000m2, avec bureaux, commerces puis groupe d'habitations. Parc de stationnement automobile.
Maître d'ouvrage : S. A. de l'Étang de Berre et de la Méditerranée (Directeur technique : Galibert, arch.).
Ensemble de 2 immeubles Canebière et Thubaneau. Proximité des équipements de centralité.
dates, auteurs : Études à partir de 1947, Achèvement de travaux 1952.
F. Bart, P. Borel, R. Egger, J. Estienne, L. Pierre, F. Pouillon, J.-L. Sourdeau, architectes.
Entreprise : S. A. de l'Étang de Berre et de la Méditerranée, constructeurs.
site : Face à l'ancien Hôtel Noailles en bordure du quartier Belsunce. Terrains des anciennes Nouvelles Galeries incendiées en 1938. Altitude entre 10,45 et 9,50 m. Secteur Central (Habitation A) du Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Occupation d'une parcelle avec deux immeubles reliés entre eux. Volume déterminé par les règles de construction. Cour en fer à cheval.
Épannelage : R+10 sur la Canebière, gradins sur la rue Thubaneau.
bâti : Structure béton poteau/dalle, façades béton avec lames verticales. Au rez-de-chaussée galerie couverte affectée aux commerces. Bon état général.
sources : AD : 2071 W 5 (17.617), 165 W 21, 65, 65 J 3, 330, 337, 504 ; 101 J 324, AM : 832 W 5
F. Pouillon, Electa Moniteur, 1986, Imbernon, 2001
R. Egger, Éditions Européennes, 2001
Guide d'architecture, Marseille, 1945-1993 : M. H. Biget, J. Sbriglio, Parenthèses, 1993
Contexte :
Le 28 Octobre 1938, l'incendie des Nouvelles Galeries situé face à l'Hôtel de Noailles où se déroulait le congrès radical en présence du président de la République Edouard Herriot, met en évidence l'incurie des services urbains des hôpitaux aux pompiers. Au total, 73 victimes qui vaudront à la ville une nouvelle mise sous tutelle en 1939, laquelle ne sera levée qu'à la Libération. La reconstruction du bâtiment participera au renouveau marseillais, les ruines de 1944 estompant celles de 1938. Aussi le bâtiment sera relativement bien reçu.
On peut comprendre que plusieurs noms d'architectes figurent sur les cartouches des documents de 1947. J.- L. Sourdeau, cosignataire, est président de l'Ordre des architectes, et F. Bart est un confrère estimé.
Peut-être que Fernand Pouillon, âgé de 30 ans, diplômé en 1942, jeune architecte communiste sous la mairie de Christofol, et associé à René Egger, est-il considéré comme inexpérimenté, et ce malgré la bienveillance d'A. Perret.
Description :
En fait l'affaire s'avérera compliquée : partie sur un programme de bureaux, induisant le parc de stationnement, on retrouve en fin de compte un immeuble urbain haussmannisant qui étage des commerces avec entresols, des bureaux et des logements.
La parcelle étant traversante, on édifie à l'alignement ce qui donne un profil étagé sur la Canebière à quoi s'oppose un prospect en gradins sur la rue Thubaneau d'où, sur cette face Nord, un plan en avant-corps dont les ailes s'étagent régulièrement dans la manière d'Henri Sauvage. Se reculant ainsi, le bâtiment septentrional se rapproche de celui de la Canebière, aussi seront-ils reliés l'un à l'autre par un corps central où se trouvent les circulations verticales. Ce corps central dégage deux cours à l'est et à l'ouest. La particularité de ces cours est d'épouser la forme d'un fer à cheval, réduction du Britz Siedlung berlinois de B. Taut et M. Wagner en 1922. Compte tenu de l'épaisseur du bâti, la cour permet de traverser l'îlot et d'accéder aux cages d'escalier et d'ascenseurs.
Le tracé courbe de la galerie principale relie la rue Vincent Scotto à la Canebière. Sa hauteur, de plus de 7 mètres, lui donne un caractère urbain. Elle devait fonctionner avec des bureaux et des commerces, envahie par les employés à heure fixe, la dominante résidentielle en fera un espace un peu déserté. Les commerces fermeront, remplacés par d'autres moins bien famés pour finalement être occupés par un commissariat… La galerie, même dans cet état de déshérence, évoque bien l'idée d'un bâtiment monde, d'univers moderne évoquant les buildings américains. On pourrait presque y croiser le détective américain Lemmy Caution.
Dans cet univers modelé de courbures et de profils, l'architecture des façades, considérées ici comme des parois, se réfère au principe modulaire au sens "building" du terme : c'est-à-dire comme un substitut du mur-rideau développé aux États-Unis durant la guerre. Tout ici rejoint la grille de la façade à pan de verre, à ceci près que la résille est en béton. On ne sait qui de F. Pouillon ou de R. Egger - ce dernier étant très américanophile - développera ces lames verticales de béton placées tous les mètres. Cependant, l'idée d'une résille suspendue encadrant des surfaces vitrées est bien celle du "wallcurtain". Les deux architectes réutiliseront avec bonheur le dispositif : R. Egger pour les logements de fonction du lycée Marcel Pagnol et F. Pouillon sur ses opérations parisiennes, l'attique de Pantin, les derniers étages de Buffalo, le Point du Jour etc...
De la façade noble, celle donnant sur la Canebière, on peut dire que "la moindre des difficultés aura été d'installer des appartements derrière une façade tramée de bureaux, celle qui abritera les locaux des architectes, ici on retrouve la manière opportune des auteurs" (Jacques Sbriglio).
La façade suit l'alignement de la parcelle sur l'espace public, dans une courbe continue, elle rend compte de l'étagement des divers programmes. Le rez-de-chaussée entresolé des commerces est à la fois autonome par l'usage des pavés de verre et dépendant par les divers aplombs urbains. Les logements répètent leurs contrevents de béton dimensionnés au plus fin de 7 cm, effilés mais fragiles. Seuls les retraits du profil urbain viennent interrompre cette texture.
Mais la situation la plus singulière reste celle des bureaux aux premiers étages où la question du mur-rideau est manifeste. Sur deux étages, les lames de béton sont remplacées par une suite de nervures et de bandeaux métalliques rivetés célébrant une facture maritime et artisanale du matériau. Ainsi le mur-rideau est figuré sur la façade, désignant les activités libérales de l'atelier d'architectes.
Ces dispositifs se retrouvent sur plusieurs immeubles marseillais de la reconstruction comme pour la poste de Rome de Charles Lestrade où l'on retrouve un double étage figurant un mur-rideau.
Auteurs :
Jean-Louis Sourdeau (1889 - 1976),
diplômé en 1922, il s'installe à Marseille la même année.
Auteur de l'église Saint Louis en 1935, président de l'Ordre des Architectes après-guerre, il est cosignataire de la Cité radieuse en 1947, du Petit séminaire en 1959.
Fernand Pouillon (1912 - 1986),
1929-1936, École des Beaux Arts,
1942, diplôme, travaille pour E. Beaudouin à Marseille,
1944 -1953, association avec R. Egger,
1949-1953, reconstruction du Port,
1953 -1961, architecte en chef à Alger,
1961, condamnation à la suite de l'affaire du CNL,
1965-1984, travaille en Algérie.
Fichiers associés :
- Carte du 1er arrondissement de Marseille
- Notice monographique documentée
© Thierry Durousseau, 2004-2005
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