Jacques Van Migom
Jacques Van Migom (1907-1980) est un architecte Diplômé par l’Etat (DPE) actif de 1934 à 1977. Il est le fondateur et le principal animateur de l’agence d’architecture la plus importante d’Arles (Bouches-du-Rhône) pendant la seconde moitié du XXe siècle : l’agence Van Migom-Pélissier.
Jacques Van Migom est né à Paris le 26 novembre 1907 dans une famille originaire du Nord.
En 1924, il intègre la section Architecture de l’Ecole Nationale des Arts décoratifs de Paris où il suit l’enseignement de Paul Genuys (1881-1938). Il est diplômé en 1934, au terme d’un brillant cursus au cours duquel il s’illustre par l’obtention du prix Charles Genuys (1933) avant d’être proclamé major de sa promotion. Jacques Van Migom expose au Salon de la Société nationale des Beaux-arts en 1933. Les cours de l’Institut d’urbanisme de Paris, qu’il fréquente en 1932-1933, l’initient aux questions urbaines tandis que son implication précoce dans la vie professionnelle le forme à la réalité du travail d’agence et à la pratique du chantier.
Entre 1924 et 1937, il travaille comme collaborateur auprès de Lucien Voog (né en 1867) ainsi que dans diverses agences parisiennes spécialisées dans les Monuments historiques dont celle de son professeur Paul Genuys mais aussi celle de Marcel Poutaraud (né en 1881).
A partir de 1935, Jacques Van Migom prépare le concours d’architecte des Monuments historiques au sein du Cours d’enseignement supérieur de conservation des édifices anciens.
Lors de la session de 1937, il est reçu troisième sur soixante-dix-sept candidats, devenant le plus jeune architecte ordinaire des Monuments historiques. Le 15 février 1937, il est nommé dans le département des Bouches-du-Rhône où, tout en exerçant en tant que praticien libéral, il est chargé de l’entretien de tous les monuments classés. Il mène à bien cette mission sous les directions successives des architectes en chef des Monuments historiques Jules Formigé (1879-1960) et Paul Colas (né en 1908).
Jacques Van Migom choisit de d’installer son agence à Arles, d’abord au 3 avenue Victor Hugo puis, après la seconde guerre mondiale, au 8 rue de la Calade. Exerçant d’abord seul, Jacques Van Migom ne tarde pas à développer son équipe. En 1947, Jean Pélissier (1927-2003), alors jeune élève-architecte, intègre l’agence en tant que stagiaire avant de devenir le collaborateur (1954) puis l’associé (1957) de Jacques Van Migom. En 1963, le fils aîné de ce dernier – Michel Van Migom (1934-2007) – devient le troisième élément d’une agence désormais tricéphale. Bénéficiant de l’intense activité constructive des années de Reconstruction et de croissance, l’agence Van Migom-Pélissier passe de sept employés en janvier 1949 à près de vingt personnes au début des années 1970.
En 1937, Jacques Van Migom succède donc à Léon Véran (1869-1946) en tant qu’architecte ordinaire des Monuments historiques. A ce titre, il restaure et entretient les principaux monuments d’Arles (amphithéâtre, abbaye de Montmajour, remparts, Hôtel de ville, églises Saint-Julien, de la Major, des frères Prêcheurs, primatiale Sainte-Trophime). Entre 1942 et 1944, il préside au dégagement des cryptoportiques, forum souterrain où 2200 arlésiens trouvent refuge lors des bombardements qui précèdent la Libération. Pendant la guerre, il a la difficile mission de négocier avec les autorités occupantes, notamment dans le dossier du Vieux-Port de Marseille dont il fait l’inventaire, exigeant le maintien des édifices remarquables et des immeubles en bordure du quai. Plus tard, lors des travaux de Reconstruction, il y dirige l’incroyable déplacement de l’Hôtel de l’échevin de Cabre avec Paul Colas. Conformément aux prérogatives de sa fonction, Jacques Van Migom intervient sur l’ensemble du territoire départemental : Aix-en-Provence (église Saint-Jean-de-Malte, hôtel Boyer d’Eguilles, chapelle des Carmélites) ; Marseille (sacristies de Saint-Victor et de la Major, Hôtel de ville, château Borély), Les Baux-de-Provence (Hôtel de ville, église Saint- Vincent, chapelle des Pénitents) ; Saint-Rémy-de-Provence (site de Glanum, baptistère carolingien, hôtel de Sade), Tarascon (château du roi René, église Sainte-Marthe, Hôtel de ville).
Dès son installation à Arles en 1937, le titre d’architecte des Monuments historiques favorise l’installation de Jacques Van Migom en tant que praticien libéral. Il lui permet de s’imposer rapidement auprès d’une clientèle privée, pour laquelle il réalise principalement des maisons d’habitation, mais aussi auprès de maîtres d’ouvrage publics qui, à l’instar des villes de Nîmes, de Gordes et d’Arles, lui confient l’élaboration de leurs Plans d’aménagement ou encore la construction de bâtiments publics : école (Aureille, 1939) ou équipements sportifs (Aureille, Fontvieille, Arles, projets initiés entre 1937 et 1944).
Comme beaucoup de ses compatriotes, Jacques Van Migom est mobilisé à la fin du mois d’août 1939, puis rendu à la vie civile en 1940, suite à la signature de l’armistice du 22 juin. Toutefois, jusqu’à la Libération, il est réduit à une quasi-inactivité conséquente à l’Occupation, à l’exception notable de ses missions en tant qu’architecte des Monuments historiques et de quelques commandes ponctuelles comme celle, émanant du ministère de l’Intérieur, le chargeant d’établir les plans de ce que l’on appelait alors le « village des gitans » de Saliers (1942-1943).
La carrière de Jacques Van Migom ne commence réellement qu’après la seconde guerre mondiale pour se poursuivre jusqu’en 1977, date officielle de sa cessation d’activité. Il exerce donc à une période exceptionnelle de l’Histoire de l’architecture française, période marquée par une reprise économique forte induite par la Reconstruction (1945-1955) et les années de croissance (1955-1979) dont bénéficie le monde de la construction. D’autant plus que, concomitamment à ce contexte économique favorable, les besoins de la société en matière d’architecture augmentent significativement, notamment en matière de logements et d’équipements publics. Jacques Van Migom saisit cette opportunité pour constituer une oeuvre conséquente, tant en termes quantitatif (plus de 150 réalisations sont inventoriées à ce jour) qu’en termes qualitatif. En effet, Jacques Van Migom et ses associés, Jean Pélissier et Michel Van Migom, élaborent un langage architectural original basé sur une utilisation rationnelle de la pierre de taille locale associée à des éléments préfabriqués. Au cours des années 1960, ils mettent au point un procédé de construction, le modèle Prétaille, à partir duquel ils déclinent toute une série de modèles. Ils conjuguent ainsi rationalisation des procédés de conception et de construction et recherche de qualité architecturale. Jacques Van Migom marque donc de manière significative Arles ainsi que toute une série de villes et villages de Provence : Aix-en- Provence, Barbentane, Cabannes, Charleval, Chateaurenard, Fontvieille, Fos-sur-Mer, Lambesc, La Roque d’Anthéron, Martigues, Miramas, Noves, Orgon, Port-de-Bouc, Port- Saint-Louis-du-Rhône, Rognonas, Saint-Martin-de-Crau, Saint-Rémy-de-Provence, Salon-de-Provence, Tarascon, Venelles.
Jacques Van Migom s’illustre particulièrement dans le domaine du logement, d’abord en prenant une part active à la Reconstruction de la ville d’Arles sous la direction de Pierre Vago (1910-2002), architecte en chef dont il constitue le principal collaborateur sur place. Ainsi, entant qu’architecte d’opération, il préside à la reconstruction de divers îlots représentant un corpus d’environ six cents logements situés principalement dans les secteurs de Trinquetaille, Cavalerie et Lamartine-Stalingrad. Il participe à la reconstruction d’équipements qui figurent parmi les plus significatifs de la renaissance de la ville dont l’école Léon Blum (en collaboration avec Pierre Vago et Georges Imbert, 1951-1953) et l’église Saint-Pierre de Trinquetaille (arch. : Pierre Vago, 1952-1953) dont il signe seul ou en collaboration avec Pierre Vago et Eugène Squelard plusieurs avant-projets avant que Pierre Vago ne mène finalement à bien le projet seul.
A partir de 1950, l’essentiel de l’activité de l’agence de Jacques Van Migom repose sur des programmes de logements sociaux (collectifs ou individuels groupés). Lauréat du concours d’habitation à normes réduites lancé par le Conseil général des Bouches-du-Rhône en 1953 et obtenant le premier prix au concours Million initié par ministère de la Construction et du Logement en 1955, il édifie des groupes d’habitation dans les quartiers du Trebon (arch. coll. : Georges Imbert, 1953-1957, 140 logements), des Alyscamps (arch. coll. : Georges Imbert, 1955, 154 logements) et de Bigot (100 logements). Bientôt, la Société d’Economie Mixte du Pays d’Arles (SEMPA) confie à l’agence Van Migom-Pélissier des opérations à Salin-de-Giraud (deux tranches de 44 et 37 logements, 1957 puis 1964-1967) et à Griffeuille qui constitue, avec ses 830 logements, le premier et le seul grand ensemble construit à Arles (1962-1974, en collaboration avec Georges Imbert et Emile Sala). Par la suite, l’agence Van Migom-Pélissier construit également des ensembles à Trinquetaille (Camargue, 24 logements, 1961-1962 ; extension du groupe Camargue, 24 logements, 1966-1968) et à Barriol (Les Roseaux, 120 logements, 1973-1974).
L’agence Van Migom-Pélissier marque de son empreinte les abords nouvellement urbanisés des villes d’Aix-en-Provence (Val Saint-André, 430 logements ; les Pâquerettes, 1974-1975), de Chateaurenard (Vieille Carrière, 87 logements ; Roque coquille, 271 logements, 1973- 1975), de La Roque d’Anthéron (La Resquiette, 59 logements, 1964-1967 ; La Jacourelette, 32 logements, 1973-1975), de Miramas (La Carraire, Le Molière, La Cité des Jardins, Foyer des travailleurs migrants, près de 1000 logements au total) ou encore de Tarascon (Ferrages du Cours, 300 logements, 1964-1968 ; Barailler-Haut, 1974-1975 ; Les Célibataires, 46 logements, 1974-1975). Dans les mêmes villes, l’agence Van Migom-Pélissier réalise des lotissements de maisons individuelles : Le Clos Brûlé (1964) et Chemin noir (87 pavillons) à Arles ; La Grande Colle (84 pavillons, 1964-1966) à Port-de-Bouc ; Molière (96 pavillons, 1964-1967) à Miramas ; Val Saint-André (9 pavillons) à Aix-en-Provence ; Les Lavandines (1972) à Gardanne, etc. En 1977, l’agence totalise un parc de 938 logements individuels réalisés, pour la plupart, selon le procédé Prétaillé.
Au-delà du seul logement social, par l’utilisation de la pierre de taille, l’agence Van Migom-Pélissier renouvelle également la typologie de l’immeuble d’habitation de standing destiné à la vente en copropriété. L’équipe en édifie près de vingt-cinq entre 1957 et 1977 parmi lesquelles les résidences Van Gogh (9 logements, 1963-1965), Le Provence (24 logements, 1964), La Bonne Mère (actuelle résidence Isabelle, 1964-1966), Georges Bizet (12 logements, 1973-1976), Le Central, Les Iris (1973) à Arles ; Les Launes (32 logements, 1957-1959), L’Emperi (1971-1973) et Le Rose Thé (1974-1975) à Salon ; Château Gaillard (anciennement Les Bruyères, 12 logements, 1965-1966) et Fraternité (18 logements, 1965-1969) à Tarascon ; San Marco (51 logements, 1970-1973) et Venise à Martigues ; Saint-Clerg (22 logements, 1970-1972) à Saint-Rémy-de-Provence ; Fontlongue (1973) et Les Eyssauts (1974) à Miramas.
Les équipements publics - groupes scolaires, équipements sportifs, bâtiments administratifs - constituent un autre terrain d’expression privilégié. Dans le domaine de l’Education, l’agence Van Migom-Pélissier participe au mouvement général de renouvellement de l’architecture scolaire au cours des années 1960 et 1970, en témoignent les groupes scolaires des Ferrages (1963-1967, Tarascon), de Griffeuille (1968-1969, Arles, en collaboration avec Emile Sala), de Barriol (1973-1975, Arles) ou encore celui du quartier Fraternité (1973-1976, Tarascon).
Leurs oeuvres majeures en la matière demeurent le CES Van Gogh (1967-1970, Arles), celui d’Orgon (1973) et le lycée de l’Emperi (Salon, 1965-1967). Dans le domaine des équipements sportifs, le stade Fournier (1948-1974, Arles) constitue l’un des complexes les plus aboutis parmi ceux construits dans le département au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les villes de Chateaurenard, Fontvieille et Miramas font également appel à Jacques Van Migom, Jean Pélissier et Michel Van Migom pour leurs équipements. Enfin, les trois architectes marquent fortement l’espace public arlésien au moyen de bâtiments administratifs particulièrement importants : palais consulaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie (1972-1975, en collaboration avec Emile Sala) et Cité administrative (1974-1980, en collaboration avec Emile Sala). Ils réalisent également la perception de Tarascon (1958-1959), les maisons des impôts de Tarascon (1966-1967) et Chateaurenard, les gendarmeries de Chateaurenard, La Roque d’Anthéron et Fos, les bureaux de Poste d’Aix-Val Saint-André, du Paradou et d’Orgon.
Parallèlement, Jacques Van Migom, Jean Pélissier et Michel Van Migom réalisent de nombreux équipements de santé et d’utilité publique : clinique du golfe de Fos (1965-1969, Port-Saint-Louis-du-Rhône) ; Le Méditerranée (1969-1972, La Roque d’Anthéron) ; clinique Jeanne d’Arc (1971-1973, Arles) ; institut médico-pédagogique de Fontvieille (1967-1970), de la Roque d’Anthéron (1971-1974) et d’Arles (1973-1976). Sous l’impulsion de Michel Van Migom, l’agence se spécialise dans la construction de foyers-résidences pour personnes âgées avec une dizaine d’établissements de ce type construits dans le département pendant les années 1970.
Enfin, l’agence Van Migom-Pélissier réalise à Arles quelques édifices à vocation commerciale (Primotel, 1973-1976 ; diverses agences bancaires), artisanale ou industrielle (garage Peugeot, Société méditerranéenne d’emballage, 1973-1975 ; établissements Guintoli, 1974) ainsi que des bâtiments agricoles (coopérative fruitière L’Arlésienne, Les Vergers du Grand Rhône).
En quatre décennies d’exercice, Jacques Van Migom façonne donc une oeuvre conséquente et protéiforme qui le place parmi les principaux acteurs de la scène architecturale régionale. Sa démarche, tout en demeurant empreinte d’une certaine sensibilité à l’Histoire, aux styles du passé et au caractère local de l’architecture, se fonde sur une volonté de renouvellement et d’ancrage dans le présent.
Sources
Archives
- AN CAC 19771065 art 234, Dossier de demande d’agrément de Jacques Van Migom auprès du MRU (1944).
- AN CAC 19771065 art 188, Dossier de demande d’agrément de Jean Pélissier auprès du MRU (1957).
- AM Arles, Fonds 15 S, Fonds des architectes Van Migom-Pélissier.
- AM Arles M 28, Dossier de demande d’agrément de Jacques Van Migom auprès du ministère de l’Education nationale (20 janvier 1949).
- AM Arles M 74, Curriculum vitae de Jacques Van Migom (21 juillet 1943).
- AM Arles 15 S 1181, Dossier de références des architectes Jacques Van Migom, Jean Pélissier et Michel Van Migom (1973).
- Van Migom Michel, Dossier photographique des références de Michel Van Migom, AM Arles document non coté.
Sources imprimées
- Van Migom Jacques, Pélissier Jean, Van Migom 40 ans d’architecture en Provence 1937-1977. Jacques Van Migom – Jean Pélissier – Michel Van Migom, 1977.
- Van Migom Hélène, Un homme, un bâtisseur. Jacques Van Migom, s.d. circa 1980, AM ARLES document non coté.
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