C’est avec une peine immense que j’apprends la disparition de M. Alain DELON, à l’âge de 88 ans.
Comme pour beaucoup de Français, il est pour moi l’acteur par excellence, une véritable légende, notre plus immense star. Nous admirions sa beauté incandescente, son incroyable charisme, tout en aisance et en élégance, mais aussi sa liberté d’artiste, son audace, son esprit frondeur, et bien sûr l’absolue perfection de son jeu. Son visage, éternellement jeune, celui qui s’est imprimé sur la pellicule de tant de chefs-d’œuvre, sera toujours celui du cinéma français.
Né en 1935 à Sceaux, il avait vécu le divorce de ses parents comme une immense blessure. Enfant balloté, jeune homme en colère, il rêvait d’évasion. Ce fut d’abord l’armée, l’engagement dans la marine et la guerre d’Indochine sous les drapeaux. Mais de retour à Paris à tout juste vingt ans, c’est dans le cinéma qu’il trouve le plus magnifique des exutoires.
Comédie ou drame, films d’auteurs ou productions destinées au grand public, rôles de flics ou de truands, de justiciers ou de cœur tourmenté, Alain Delon peut tout jouer, tant son désir de cinéma est insatiable. Tantôt il est le Samouraï mutique de Melville, tantôt Ripley, l’escroc métaphysique dans Plein Soleil (1960) de René Clément, tantôt le magnifique Tancrède dans Le Guépard (1963) de Visconti, aux côtés de Burt Lancaster et de Claudia Cardinale. Mais il est aussi le complice gouailleur de Belmondo dans Borsalino (1970), comme il sera plus tard Zorro ou César, dans Astérix aux Jeux Olympiques (2008).
La liberté, et d’abord la liberté de création, ne se discutait pas pour Alain Delon, lui qui cherchait à repousser toutes les limites par son travail d’acteur, son immense professionnalisme et ce perfectionnisme qui le caractérisait. Jamais rassasié de cinéma, Alain Delon s’engageait tout entier dans les films auxquels il croyait. Producteur, il avait soutenu Joseph Losey pour qui il incarna l’un de ses plus grands rôles dans Monsieur Klein (1976). Il était également passé derrière la caméra, notamment avec Pour la peau d’un flic (1981), adaptation d’un roman noir de Jean-Patrick Manchette.
Présent sur nos écrans depuis plus de soixante ans, Alain Delon était entré dans nos vies pour ne plus jamais nous quitter. À l’heure de sa disparition, nous ressentons tous la même tristesse, mais aussi un sentiment de reconnaissance pour cet acteur immense, aimé et admiré par-delà les frontières, qui fut la plus belle incarnation du cinéma français.
À ses enfants, Alain-Fabien, Anouchka et Anthony, j’adresse mes plus chaleureuses pensées, et je me joins à l’émotion de tous les Français qui pleurent aujourd’hui la disparition d’Alain Delon.
Rachida DATI
Ministre de la Culture