« Derrière chaque œuvre, il y a une histoire familiale.
Derrière chaque spoliation, il y a un drame humain.
A chaque restitution, c’est un acte de justice qui est rendu. »
Rima Abdul Malak, le 29 juin 2023
Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, se félicite de l’adoption par le Parlement de son projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Cette loi-cadre est destinée à faciliter la restitution d’objets d’art, œuvres ou livres présents dans les collections publiques qui se révèleraient spoliés au cours de cette période.
Après une adoption par le Sénat le 23 mai, par l’Assemblée nationale le 29 juin, et la réunion d’une commission mixte paritaire le 6 juillet, le Parlement a adopté définitivement et à l’unanimité le texte le 13 juillet.
C'est la première loi, depuis la Libération, qui reconnaît la spoliation spécifique subie par les Juifs, en France et partout, du fait de l’Allemagne nazie et des diverses autorités qui lui ont été liées.
Il y a 80 ans, en Europe, le pouvoir nazi et les autorités de collaboration ont confisqué aux juifs leurs biens avant de s’en prendre à leur vie, ou de les contraindre à la clandestinité, à l’exil. Les œuvres et objets d’art, livres et instruments de musique n’ont pas échappé à ce destin. D’abord par la main de l’Allemagne nazie, puis avec la complicité active de l’Etat français, par le biais de son Commissariat général aux questions juives, les biens des professionnels et des particuliers ont été spoliés, les galeries d’art ont été « aryanisées ». Dans d’autres cas, les familles persécutées n’ont eu d’autre choix que de fuir en vendant sous la contrainte leurs biens pour financer leur survie. On estime qu’environ 100 000 œuvres, objets d’art ou instruments de musiques et plus de 5 millions de livres ont été spoliés en France.
La loi du 21 février 2022 présentée par Roselyne Bachelot, relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites, également adoptée à l’unanimité, avait permis de faire sortir du domaine public quatorze œuvres des collections nationales et une œuvre de la ville de Sannois.
Cependant, pour éviter de retarder de nouvelles restitutions, une loi-cadre était attendue afin de faciliter la sortie du domaine public des biens dont la spoliation est établie sans recourir à des lois d’espèce et sans solliciter de manière récurrente le Parlement. La loi crée ainsi, dans le code du patrimoine, une dérogation encadrée au principe d'inaliénabilité des collections publiques : la décision de restitution sera désormais prise par la Première ministre ou par une délibération des collectivités territoriales, après avis de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), commission d’experts indépendante chargée d’établir les faits de spoliation. Ainsi, lorsqu’après enquête la spoliation sera reconnue, la restitution de l’œuvre se fera de droit.
Pour la première fois l’ensemble des biens présents dans les collections publiques françaises qui ont pu faire l’objet d’une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, par, selon les termes de la loi, « l’Allemagne nazie, par les autorités des territoires que celle-ci a occupés, contrôlés ou influencés et par l’État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 », est concerné, quel que soit le lieu de la spoliation.
Cette loi traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre la politique publique de justice et de mémoire, impulsée en 1995 par le président Jacques Chirac lorsqu’il a reconnu la responsabilité de la France pour les crimes de l’État français et mise en œuvre par la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite mission Mattéoli (1997-2000), puis par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) créée en 1999.
Après la création en 2019 au ministère de la Culture de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, les travaux essentiels de l’Institut national d’histoire de l’art sur le marché de l’art sous l’Occupation, le recrutement de chercheurs spécialisés par les grands musées nationaux (le Louvre, le Musée d’Orsay), l’insertion d’un module dans la formation des conservateurs à l’Institut national du patrimoine, l’ouverture d’un Master de recherche en provenance à l’Ecole du Louvre à la rentrée, de nouveaux moyens ont été affectés en 2023 afin d’accompagner les collectivités territoriales dans leurs recherches. Dans deux cas sur trois aujourd’hui, c’est à l’initiative du ministère de la Culture que les œuvres spoliées sont identifiées et restituées aux descendants.
L’identification des biens culturels spoliés dans le contexte des persécutions antisémites entrés dans les collections publiques, et leur restitution à leurs légitimes propriétaires, est un impératif pour les institutions publiques. Ces œuvres arrachées à leurs détenteurs pour le seul motif que ceux-ci étaient juifs n’auraient jamais dû être acquises par les institutions publiques ; elles doivent désormais être mieux repérées parmi les acquisitions réalisées depuis 1933 et leur provenance doit être clarifiée pour qu’elles puissent retrouver leurs légitimes propriétaires, sans perdre davantage de temps.
L’héroïque Rose Valland qui, « attachée bénévole » au musée du Jeu de Paume, a inventorié clandestinement les œuvres spoliées qui y étaient entreposées pendant l’Occupation et permis leur récupération et leur restitution à l’issue de la guerre inspire aujourd’hui une nouvelle génération d’historiens qui s’engage avec détermination dans les recherches de provenance. Car il s’agit bien désormais d’expertiser les collections sur une toute autre échelle, et de déceler parmi les œuvres entrées dans les collections publiques depuis 1933, les origines douteuses.
La ministre de la Culture remercie l’ensemble des Députés et Sénateurs pour le travail de très grande qualité mené sur ce projet de loi et le consensus remarquable qui a accompagné les discussions, permettant l’adoption du texte à l’unanimité par chacune des deux chambres. Elle salue, avec gravité, l’étape majeure que représente l’adoption par le Parlement de cette loi de justice et d’action, qui permet à la Nation de regarder l’histoire en face et de combattre l’oubli.