Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse de vous accueillir ce soir, pour honorer l’immense talent de huit grands artisans et de célébrer le patrimoine immatériel français.
Ils ont consacré leur vie à parfaire des techniques, à faire vivre et revivre des savoir-faire, et ont atteint l’excellence dans leur domaine.
Tous ont appris un geste, parfois ancestral, transmis de génération en génération, dans le secret de l’atelier. Et ce geste est devenu leur. Ils l’ont réinventé, au fil des matières qu’ils ont travaillées, des rencontres qu’ils ont faites, des commandes qui leur ont été passées, des artistes avec lesquels ils ont travaillé.
Ce qui fait la singularité de leurs métiers, c’est cette alchimie qu’il leur faut trouver entre technique et création. Entre tradition et réinventions. Entre art et industrie.
Ce sont alors des chefs-d’œuvre qui naissent et des collections qui s’épanouissent. Leur finesse contribue au prestige des Maisons pour lesquelles ils exercent leurs talents. Des Maisons rassemblées dans un Comité non moins prestigieux, qui veille à porter au plus haut, dans le monde entier, les couleurs de l’art de vivre à la française : le Comité Colbert.
Je veux saluer l’excellence des Maisons qui sont membres. Et partager avec elles l’objectif de faire vivre et transmettre ces savoir-faire d’exception. C’est ainsi que depuis dix ans de nombreux salariés des entreprises membres du Comité peuvent prétendre au titre de Maître d’Art, dispositif créé par le ministère de la Culture et qui permet d’assurer la transmission à des jeunes apprentis des savoir-faire et techniques uniques.
Cette excellence française construit le regard que porte le reste du monde sur notre pays. C’est notre atout, qui vient de loin et nous porte loin.
Cet art de vivre ne serait rien sans vous, j’en ai la certitude.
Vous allez aujourd’hui entrer dans l’Ordre des Arts et des Lettres, par lequel la République honore les citoyens qui contribuent à l’épanouissement et au rayonnement de sa culture.
Chère Monique Bailly. Comment ne pas être en admiration devant le travail que vous accomplissez chaque jour, vous qui dirigez l’atelier tailleur de haute-couture pour la Maison Dior ? On vous sait intarissable sur le style et les évolutions du tailleur Bar, votre pièce favorite, que vous présentez ici. On vous célèbre pour votre rigueur, qui contribue à la réputation de la Maison Dior. Votre travail des matières, si singulière avec Raf Simons, comme votre capacité à donner vie aux croquis audacieux de John Galliano font de vous une très grande professionnelle.
Cher Nicolas Cloiseau, Chef chocolatier à la Maison du Chocolat, vous avez déjà été distingué en 2007 comme Meilleur Ouvrier de France Chocolatier. Cette Maison, vous l’avez intégrée il y a 20 ans, sans en connaître même la réputation. C’était Monsieur Pasquier, Chocolatier de Guingamp, dont les équipes étaient au complet, qui vous l’avait recommandée. Vous êtes aujourd’hui à l'origine de la signature artistique et de l'excellence du goût de la Maison du Chocolat. Cet éventail, présenté ce soir, est à l’image de votre créativité.
Cher Patrick Defacq, vous exercez vos talents de graveur-ciseleur sur acier chez Ercuis. Entre vos mains passe chaque pièce exceptionnelle d’Orfèvrerie de la Maison. Vous assurez avec beaucoup de soin la réalisation de motifs sur outillage. Et c’est avec le même soin que vous transmettez votre savoir-faire si singulier. Chacun de vos élèves pourrait aujourd’hui en témoigner.
Cher Hervé Deschamps, parmi les produits qui font la réputation de la France à l’étranger, le champagne est sans doute l’un des plus emblématiques. J’imagine donc la responsabilité qui pèse sur vos épaules, vous qui êtes septième Chef de Cave de l’histoire de la Maison Perrier-Jouët. Une septième position qui vous aurait valu le surnom de « James Bond des assemblages ».
Cher Clément Leroy, vous veillez aux fourneaux de l’un des plus prestigieux restaurants Français, Guy Savoy. Vous n’aviez que 33 ans lorsqu’il vous a choisi pour être son bras droit pour faire évoluer les cartes et former les apprentis. C’est votre maîtrise des techniques et votre expérience déjà longue, puisque vous êtes entré à 17 ans comme commis, qui l’ont conduit à vous choisir. Votre curiosité et votre sensibilité y sont aussi pour beaucoup. Mais c’est sans doute à votre gourmandise, péché devenu vertu, que vous devez votre carrière fulgurante.
Quant aux pierres que vous travaillez, Philippe Nicolas, elles ont des millions d’années. Et c’est bien ce qui fascine le glypticien de la Maison Cartier que vous êtes depuis 30 ans désormais. Sculpter les pierres dures et les pierres fines est un métier rare – aussi rare que les gemmes que l’on vous confie. Vous réalisez ainsi des pièces uniques et exceptionnelles qui, selon vos propres mots, « convoquent l’expérience, la patience, la passion et même l’abnégation ». Maître d’Art depuis 2008, vous aussi êtes un homme de transmission.
Il y a aussi de la fragilité, mais de la fragilité d’un autre ordre, dans la matière que vous travaillez, cher Fernand Pénichon, décorateur, imprimeur, peintre sur porcelaine chez Bernardaud. Capable de reproduire tout type de motif sur porcelaine, même à main levée, et de transformer toutes les nuances de couleurs en couleurs céramiques, vous exercez un métier exemplaire de l’art de vivre à la Française. Votre technique et votre talent vous ont valu de travailler avec les créateurs les plus exigeants, de Jeff Koons à David Lynch, en passant par Jean-Michel Alberola, …
Cher Patrice Rock, vous êtes maître bottier pour Berluti. Depuis 12 ans, 1500 pièces uniques sont passées entre vos mains. Chaque réalisation vous oblige, dites-vous, à réinventer votre art dans un dialogue constant avec chaque client, car aucun soulier ne se ressemble. C’est ce talent qui permet à Berluti d’être parmi les rares maisons du secteur à proposer des souliers sur mesure.
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,
Je veux vous dire la fierté qui est la mienne de vous décorer aujourd’hui. Vos parcours sont exceptionnels. Ils construisent au quotidien la grandeur et la vitalité de la culture française. Vos gestes viennent de loin. Ils nous portent très haut. C’est pour cela que la République vous honore aujourd’hui.
Je vous remercie.