Mesdames et messieurs, chers amis,
C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir aujourd’hui pour lancer la Semaine de la langue française et de la Francophonie qui fête ses 20 ans cette année.
C’est le signe du succès de cette manifestation désormais incontournable qui depuis deux décennies fait vivre le mois de mars au rythme de notre langue dans le cœur de tous ceux qui l’aiment.
Cet anniversaire, en rappelle un autre que j’ai eu l’honneur de célébrer le 13 octobre dernier au Sénat, celui de la loi du 4 août 1994 qui inscrivant notre langue dans un cadre juridique pérenne et confortant la République dans ses principes, a posé les conditions d’une citoyenneté mieux partagée autour du français.
La langue constitue le premier des liens sociaux, elle fonde le sentiment d’appartenance et permet de dessiner un horizon commun.. Véhicule de la pensée, vecteur par lequel on se représente le monde et on se présente à lui, elle constitue une clef essentielle d’accès au monde, à la connaissance et aux imaginaires.
Dans notre contexte actuel où la maîtrise d’une langue partagée permet de renforcer l’appartenance à une même communauté nationale, il est nécessaire de développer et d’encourager le lien qui unit nos concitoyens à leur langue. Pour que chacun puisse être à l’aise avec ces mots dont Borges nous dit qu’ils « postulent une mémoire partagée ». Pour permettre à chacun d’habiter notre langue et de dire comme Camus : « ma patrie, c’est la langue française » ou comme Le Clézio « la langue, c’est mon pays ».
Au lendemain des terribles événements de janvier, dans notre contexte de profond malaise social et démocratique et alors que nous devons plus que jamais renforcer la citoyenneté, faire vivre les promesses de la République, la langue française, vecteur de lien social, creuset de citoyenneté et enjeu majeur dans la lutte contre les inégalités, est au cœur des priorités du Gouvernement.
A la suite du Comité interministériel Égalité et Citoyenneté du 6 mars dernier, nous avons pris un certain nombre de mesures concrètes pour encourager la maîtrise de la langue qui est constitutive de notre culture commune et lutter contre la première des inégalités : celle de l’accès à la langue de la République.
Concernant plus spécifiquement l’accès à la culture des plus jeunes, j’ai fixé le 11 février dernier, avec la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, de nouvelles priorités relatives à la politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle qui mettent l’accent sur la langue. Nous avons privilégié quatre axes : les pratiques artistiques de l’oralité, les projets où la langue est objet de création, les projets ouvrant sur d’autres langues et ceux où la langue renouvelle la médiation des œuvres. Car si la maîtrise de la langue favorise l’accès à la culture, les pratiques culturelles et artistiques permettent en retour de renforcer la familiarité avec la langue et les compétences langagières de nos jeunes concitoyens.
La langue donne vie aux liens de solidarité : partagée par plus de 220 millions de locuteurs dans le monde, la langue française est la langue de la liberté, de la diversité culturelle et de la culture comme bien public accessible à tous.
C’est par la langue que passe, ainsi que l’écrivait Senghor « cet humanisme intégral qui se tisse autour de la terre, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races qui se réveillent à leur chaleur complémentaire » : la Francophonie.
Un humanisme francophone dont le Président de la République a rappelé, lors du dernier Sommet de la Francophonie, qu’il devait relever de nombreux défis, démocratiques, sociaux, éducatifs, économiques et environnementaux, pour réaliser la belle ambition de tous les francophones : « changer le monde en français ».
Cette année, c’est la capacité de notre langue française à accueillir des mots nouveaux ou étrangers qui est à l’honneur de la Semaine de la langue française et de la Francophonie.
Comme le disait Victor Hugo, « la langue française n’est pas fixée » comme la mer, elle oscille sans cesse, quittant un rivage de la pensée pour en envahir un autre.
Une langue ne se construit pas en dehors des liens que nouent leurs locuteurs. Les échanges économiques, culturels, scientifiques, touristiques ont une grande influence sur notre langue, qui s’est toujours enrichie d’apports divers issus du grec, de l’italien, de l’arabe, de l’espagnol, de l’allemand ou de l’anglais.
Comme l’esprit humain, une langue est toujours en mouvement : le développement des réseaux numériques et la place considérable prise par les technologies qui leur sont liées ont conduit à installer dans notre lexique un grand nombre de termes nouveaux.
Il faut tout faire pour maintenir la capacité du français à exprimer les réalités contemporaines et à rester compétitive dans tous les champs de la connaissance : c’est en ce sens que nous modernisé le dispositif d’enrichissement de la langue française.
Je tiens à remercier tous ceux qui œuvrent depuis 20 ans à faire de la Semaine de la langue française et de la Francophonie un très beau succès et je salue nos partenaires institutionnels et médias ainsi que les éditeurs qui ont accepté de doter les nombreux concours.
Cette année ne fait pas exception et s’annonce encore très riche avec :
- la mobilisation de l’ensemble du secteur de l’audiovisuel : je tiens à exprimer toute ma gratitude au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui a mobilisé la quasi-totalité des chaînes de radio et de télévision pour qu’elles consacrent, le 16 mars prochain, une partie de leur programmation à la promotion de la langue française. Je souhaite que cette initiative, qui contribue à mieux faire connaître et aimer notre langue, devienne récurrent qui permette au public de prendre conscience de tous les enjeux liés à la pratique du français.
- la mobilisation de 200 librairies en France et dans le monde qui ont décidé de mettre à l’honneur des ouvrages consacrés à la langue française et d’organiser des rencontres entre leurs auteurs et le public au cœur d’une Semaine qui mobilise 70 pays à travers le monde, dont les États-Unis, la Finlande mais aussi la Malaisie.
- la mobilisation de plusieurs musées et monuments historiques qui proposeront des animations liées au thème de la Semaine : le Musée de l’histoire de l’immigration, le Centre Pompidou à Paris, le Château de Versailles, le MUCEM à Marseille....
Cette semaine, j’ai aussi voulu ouvrir les portes du Ministère et de la rue de Valois à tous ceux qui font vivre la langue française et qui l’aiment, tous ceux qui permettent à nos concitoyens de mieux la maîtriser mais surtout de se l’approprier et d’en découvrir la puissance évocatrice, la force subversive ou la formidable inventivité.
Durant trois jours ce salon va devenir celui de la langue française et de toutes ses métamorphoses autour d’un Immortel, Dany Laferrière, que je remercie pour sa présence parmi nous et qui partagera sa bibliothèque idéale installé dans l’endroit qu’il préfère pour lire, à savoir sa baignoire. Je n’oublie pas bien sûr Nicolas Rey et Mathieu Saïkaly qui nous feront découvrir leurs collections de textes et disques préférés. Quant aux plus jeunes élèves, ils témoigneront de leur amour des mots à travers un match d’improvisation rendu possible grâce au soutien de la Compagnie Déclic Théâtre et la Fondation Culture et Diversité et la finale du concours d’orthographe « j’épelle », projet porté par plusieurs villes du Val-de-Marne.
Pour conclure, je voudrais évoquer les dix mots choisis comme fil conducteur de cette semaine. Parmi eux, il y en a un qui me semble illustrer particulièrement bien ce qui nous réunit aujourd’hui : sérendipité.
Éminemment poétique, ce mot, emprunté à un conte persan, renvoie à une découverte heureuse et inattendue qui n’est pas sans rappeler le hasard objectif des surréalistes, les expérimentations des oulipiens et toute expression artistique à travers le jaillissement de la création ou le surgissement de l’imaginaire.
Ce mot, à l’image de notre langue et de cette Semaine qui lui est consacrée, favorise les rencontres et développe en chacun « cette soif d’errer à la rencontre de tout», si chère à André Breton.
Aujourd’hui aussi la sérendipité est de mise avec les artistes qui nous font l’amitié d’être présents parmi nous : cette rencontre inattendue qui nous enchante, c’est celle d’un écrivain en pyjamas, pour reprendre le titre de son dernier ouvrage, et de deux Garçons manqués, poète et musicien pour le meilleur et pour le rire.
Je vous laisse à présent découvrir leur talent et leur amour des mots qu’ils ont tenu à partager avec nous aujourd’hui.
Je vous remercie.