Monsieur le Ministre, cher Michel,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Si nous sommes réunis ici ce soir, c’est que nous partageons, ensemble, une même conviction et une même responsabilité.
Notre conviction, c’est que le numérique est une chance pour la culture. Il facilite comme jamais l’accès aux œuvres, permet à d’autres de trouver leur public, rapproche davantage encore nos concitoyens des créateurs et de la création.
Il offre de nouveaux moyens de diffusion, comme de nouveaux moyens de production – qu’ils soient techniques ou financiers. Il faut s’en réjouir : c’est en particulier avec le numérique qu’émergent les œuvres d’aujourd’hui et que se bâtit la culture de demain.
Mais cette opportunité pour la création, nous le savons, a aussi son revers.
Ce revers, il est incarné par ceux qui profitent du numérique pour s’enrichir au détriment des créateurs, en exploitant leur travail, sans jamais les rémunérer.
Il est incarné par les sites internet de streaming, de téléchargement direct ou de référencement, souvent situés à l’étranger, qui s’enrichissent sur des contenus piratés.
Ceux-là oublient – et font parfois oublier – que la création a un prix : le prix du travail des artistes et de ceux qui travaillent avec eux. En s’enrichissant illégalement sur le dos des créateurs, ils menacent la création. Faire respecter les droits d’auteur et les droits voisins, c’est tout simplement nous assurer que la France et l’Europe restent ces terres de création qui font sa fierté.
C’est là qu’entre en jeu notre responsabilité. Elle est collective. Elle est du ressort de l’Etat. Elle est du ressort des ayant-droits. Elle est du ressort des acteurs privés.
Pour contrer ces revers, j’ai donc voulu des réponses fortes, rapides, efficaces, dès mon arrivée au Ministère de la Culture et de la Communication.
Il ne s’agit pas d’opposer artistes et internautes.
Il s’agit de mener une offensive culturelle sur l’offre.
D’enrichir l’offre légale et d’assécher l’offre illégale.
L’enrichissement de l’offre légale, nous l’avons lancé dès janvier, avec un outil de référencement de la vidéo à la demande, pour que les internautes trouvent rapidement et facilement des œuvres de qualité qu’ils n’iront pas chercher sur les plateformes illicites. Réalisée en partenariat avec les professionnels du secteur et portée par le CNC, la plateforme est désormais bien installée, avec 10 000 œuvres cinématographiques référencées. Elle peut encore être enrichie – je l’ai évoqué à Cannes en mai dernier - en particulier avec les séries.
Mais au-delà du référencement, qui concourt à une meilleure visibilité, la diversité de l’offre est encore un enjeu dans le secteur de l’audiovisuel et du cinéma. Nous travaillons activement à faire en sorte que les œuvres des auteurs dans toute leur diversité soient mieux distribuées. Le numérique nous permet précisément de mettre à disposition des œuvres qui trouvaient moins aisément leur canal de distribution dans les circuits classiques.
De même, les positions que défend la France dans le cadre des débats communautaires, autour de la réforme de la directive Droit d’auteur, sur la portabilité et l’interopérabilité sont des sujets techniques qui ont un impact direct sur l’offre légale en ligne. Ils concernent non seulement les secteurs cinéma et audiovisuel, mais aussi massivement le livre.
L’assèchement de l’offre illégale est le deuxième volet. Comment le conduire efficacement ? En asséchant les moyens des sites illicites. En leur coupant les vivres. C’est le cœur du plan de lutte contre le piratage commercial que j’ai présenté en conseil des ministres le 11 mars. A côté de la coordination nécessaire de l’action interministérielle, et de la responsabilisation des plateformes numériques, il fallait une action rapide et coordonnée pour priver de ressources ces sites spécialisés, avec toutes les parties prenantes de la lutte contre cette fraude.
La première étape consistait à s’attaquer aux revenus publicitaires. Nous sommes allés vite, grâce à l’excellent travail de Julien Neutres, que je salue, et à la mobilisation des professionnels de la publicité et les ayant-droits. Quinze jours après l’annonce du plan, une charte était prête et signée, le 23 mars dernier.
Les annonceurs, les agences médias, les régies publicitaires, et les acteurs de la commission digitale, se sont engagés à éviter que les messages publicitaires soient diffusés sur les sites illicites. Un comité de suivi a été mis en place pour mieux partager l’information, mieux identifier les sites pirates les exclure des relations commerciales et partager les bonnes pratiques. Ce comité a déjà commencé à travailler à un rythme soutenu.
Dans le monde numérique, la donne évolue vite – et c’est pour cette raison qu’il fallait rendre la démarche pérenne et dynamique.
L’accès au paiement en ligne était la deuxième étape, car les sites illicites tirent aussi leurs ressources d’un paiement direct par l’internaute. Aux côtés de Thierry Wahl, Julien Neutres a repris ses travaux. Je veux les remercier à mon tour pour la très grande qualité de leur mission.
C’est cette étape qui aboutit aujourd’hui, avec la mise en place d’un comité de suivi, qui associe cette fois les représentants des moyens de paiement et les représentants des ayant-droits, sous notre impulsion.
Les acteurs du paiement en ligne, Michel Sapin pourra nous le confirmer, sont déjà très fermement engagés dans la lutte contre le piratage commercial. Vos conditions générales de vente ou d’utilisation vous permettent déjà de retirer ou de demander le retrait des moyens de paiement en ligne pour les sites qui ne respecteraient pas la loi. Des outils existent.
Ce comité de suivi, pour ce qui concerne spécifiquement la création, permettra d’aller plus loin, en facilitant l’échange des informations et des bonnes pratiques. Les ayant-droits pourront ainsi signaler aux professionnels des moyens de paiement les sites qui contreviennent massivement aux droits d’auteurs et aux droits voisins, et réciproquement, chacun selon ses compétences et ses instruments. Autrement dit, des listes seront faites par chacun des professionnels du secteur sensibilisés, et le retrait effectif sera suivi de près.
Permettez-moi de saluer votre esprit de responsabilité :
Celui de l’AFMM [Association Française du Multimédia Mobile], de la FBF [Fédération Bancaire Française], du GESTE [Groupement des Editeurs de Services en Ligne], du GIE cartes bancaires, de Mastercard, de Paypal, de Visa Europe qui représentent aujourd’hui les acteurs du paiement en ligne.
Celui de l’ADAGP [Société des Auteurs dans les Arts graphiques et Plastiques], de l’ALPA [Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle], du SNE [Syndicat National de l’Edition], du SELL [Syndicat des Editeurs des Logiciels de Loisirs], du SNJV [Syndicat National des Jeux Vidéos], de la SACEM, de la SCPP [Société Civile des Producteurs Phonographiques], de la SPPF [Société des Producteurs de Phonogrammes], qui représentent les ayant-droits.
Cet engagement conjoint est la garantie d’une plus grande efficience de la lutte contre le piratage commercial. Le mode de gouvernance du comité de suivi allie souplesse et durée, et donc adaptabilité de notre riposte.
Nous prendrons bien entendu à notre tour notre responsabilité, comme nous le faisons depuis maintenant trois ans, en poursuivant la lutte contre les fraudes, ou en portant, comme je le fais sans relâche, le combat en faveur du droit d’auteur, notamment auprès des institutions européennes et de nos partenaires.
Mes chers amis, vous le voyez, nous avançons et nous obtenons des résultats. Il s’agit désormais de progresser sur le chemin du signalement et du retrait des œuvres exploitées illégalement, par l’intermédiaire d’outils technologiques efficaces et performants.
Il en existe et je travaille aujourd’hui avec le CNC pour que les producteurs s’en saisissent plus massivement.
Je veux donc, une fois encore, vous remercier. Votre engagement est aujourd’hui un signe fort.
Le signe fort que le gouvernement et l’ensemble des acteurs que vous représentez sont engagés en faveur de la création et des artistes. C’est là, vous le savez, la priorité que j’ai donnée à mon Ministère, car c’est sa vocation.
Ce signe fort, nous l’envoyons ensemble aux artistes, qui ont pu se sentir seuls et impuissants par le passé, face à ces mutations technologiques dont ils voient l’opportunité mais qu’ils craignent aussi parfois. Cet engagement conjoint est un signe de confiance.
Ce signe fort, nous l’envoyons aussi à ceux qui s’enrichissent grâce au travail des artistes, sans jamais les rémunérer, et contribuent ainsi à assécher le financement de la création. Nous leur disons qu’ils seront, à leur tour, asséchés.
Car il en va de la culture et de la création, ici en France, et ailleurs, en Europe.
Je vous remercie.