Monsieur le Préfet, cher Jean Charbonniaud,
Monsieur le Maire de Deauville, Cher Philippe Augier,
Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Cinémas Français,
Cher Richard Patry,
Madame la Présidente du CNC, Chère Frédérique Bredin,
Mesdames et messieurs les sénateurs et députés,
Mesdames et messieurs, Chers amis,
Je suis particulièrement heureuse d’être parmi vous ce soir, pour la première fois. C’est aussi une de mes toutes premières interventions sur le cinéma et je tenais à m’adresser à vous. Parce que c’est par vous, les exploitants de salles, que commence la relation qui unit chacun d’entre nous au cinéma. C’est avec vous, que je voulais me féliciter des succès du cinéma français auprès du public. Avec vous, encore, que je tenais à saluer les discussions en cours qui montrent la capacité de toute la filière à se mobiliser pour se réformer et rester l’une des plus belles réussites françaises. Avec vous, enfin, que je souhaitais rendre hommage à l’un des plus grands auteurs du cinéma français, Jacques Audiard, qui incarne le cinéma comme on l’aime et tel que le monde nous l’envie, audacieux et populaire, dont l’excellence et le succès contribuent au rayonnement de la France dans le monde.
Tous ici ce soir, nous partageons une même conviction : l’expérience de la salle est irremplaçable. Sans elle, le cinéma ne serait pas ce qu’il est.
C’est dans les salles que se mesure le succès d’un film. C’est là que naît le désir de cinéma : dans l'obscurité de la salle et la lumière du grand écran, où l’œuvre et son public se rencontrent. Où la découverte individuelle s'enrichit de l'expérience collective et de l'émotion partagée.
La salle, c’est un loisir, une sortie, chers au cœur de nos concitoyens : les chiffres de la fréquentation en salle le prouvent cette année encore. Avec plus de 200 millions d’entrées, la France bat tous les records en Europe. 200 millions d’entrées, c’est plus d’une fois et demie la fréquentation en Allemagne !
La salle, c’est aussi, le premier – et parfois le seul – moyen d’accès à des œuvres culturelles. Nos salles de cinéma ont un rôle déterminant à jouer pour permettre l’accès à la culture au plus grand nombre de nos concitoyens, et tout particulièrement les jeunes. Ce sont de véritables équipements de proximité : avec plus de 5500 écrans, le réseau des salles de cinéma irrigue l’ensemble du territoire et contribue à renforcer le lien social mais aussi l’attractivité dans nos régions. Je veux saluer la contribution des exploitants à l’éducation artistique et culturelle, à travers les nombreuses opérations menées partout en France dans le cadre des dispositifs Ecoles au cinéma.
Cette popularité du cinéma auprès de nos concitoyens, cette passion bien française, on les doit bien sûr aux oeuvres et aux auteurs : c'est d'ailleurs l'un des enjeux du Congrès que de découvrir et discuter la programmation de l'année prochaine. Pour cette année, je me réjouis encore de l'excellence de l'offre française, de sa diversité et de sa capacité à aller à la rencontre d’un public nombreux : c’est ce qui permet à notre cinéma de réunir en 2014 48% de parts de marché, niveau sans comparaison en Europe.
Mais si la salle reste ce lieu tant aimé des Français, c'est grâce aux exploitants qui ont su, avec l'appui du CNC, moderniser les salles pour offrir une expérience unique, pour les rendre plus accessibles et ouvertes au renouvellement des publics et à leur diversité.
Ainsi, toutes les salles françaises sont désormais numérisées. Je veux rendre ici hommage aux parlementaires qui ont porté la loi sur l’équipement numérique : grâce à cette loi, grâce à l’engagement des pouvoirs publics autour du plan de numérisation des salles conduit par le CNC, la France n’a pas connu ce que d’autres pays traversent aujourd’hui - la fermeture de salles indépendantes qui n’ont pu se numériser.
Rappelant son attachement pour le cinéma, l’Etat a pris ses responsabilités pour accompagner fortement la filière, avec le plan de numérisation des salles et en confortant l’année dernière le taux réduit de TVA sur les tickets de cinéma. L’annonce du projet de loi de finances aujourd’hui confirme cet attachement : dans un contexte budgétaire que vous savez extrêmement tendu, il n'y aura ni écrêtement des taxes, ni prélèvement sur les réserves du CNC ; l’intégrité du fonds de soutien et de son mode de financement original est donc préservée.
Pour rendre vos salles plus accessibles et plus ouvertes, vous avez lancé l'opération « 4€ pour les moins de quatorze ans » dont nous pouvons nous réjouir du succès. Selon une étude du CNC, au cours des quatre premiers mois de l’année 2014, 2,6 millions de spectateurs de 6-14 ans se sont rendus dans les salles de cinéma, soit une augmentation de 17,6 % en un an. 80,5 % des spectateurs indiquent que cette opération leur donne envie d’aller plus souvent au cinéma. C’est un signal très fort en faveur de la jeunesse, et un signal qu’il faut maintenir : c’est à ce public, le public de demain, qui vit dans un univers où les écrans se multiplient, qu’il faut très tôt donner le goût de la salle obscure.
Ouvrir les salles de cinéma, les rendre plus accessibles, c’est, enfin, se saisir de la question de l’accessibilité pour permettre aux personnes en situation de handicap de vivre l’expérience de la salle et d’avoir accès aux œuvres dans les meilleures conditions possibles. Je compte sur vous tous pour mettre en œuvre cette ambition démocratique et citoyenne. Chacun reconnaît que nous aurons besoin d’un peu de temps, et le calendrier d’entrée en vigueur du dispositif législatif est aménagé à cette fin ; mais j’ai demandé au CNC de travailler à la mise en place en 2015 d’une aide, qui permettra, sous conditions, d’accompagner cette modernisation des salles les plus fragiles.
Moderniser la salle de cinéma et la rendre plus accessible à tous les publics, c’est lui permettre de continuer à jouer ce rôle fondamental de rencontre entre une œuvre et son public, alors que la numérisation bouleverse les conditions de diffusion des films.
Avec Nicolas Seydoux, vous avez évoqué cet après-midi la question du piratage et de son impact sur l’économie du cinéma. Le Premier ministre a rappelé récemment l’importance que ce gouvernement accorde à la lutte contre le piratage, qu’il s’agisse de la réponse graduée, qui doit rester la priorité de la Hadopi, ou de la lutte contre le piratage commercial. Mireille Imbert-Quaretta a fait des propositions importantes il y a déjà plusieurs mois, après une concertation approfondie. L’une de mes premières actions a été de reprendre l’examen de ces propositions, et j’aurai l’occasion prochainement de détailler un plan d’action sur ce sujet prioritaire. La juste rémunération des auteurs et des ayants-droits, le respect de l’intégrité des œuvres, sont au cœur de notre combat en faveur de l’exception culturelle.
Dans le même temps, les professionnels se mobilisent pour continuer d’enrichir l’offre légale. Je voudrais à ce titre saluer les discussions en cours, sous l’égide du CNC, pour moderniser la chronologie des médias. Tout en proposant un mécanisme plus simple pour la sortie vidéo, ces discussions reconnaissent logiquement la singularité de la fenêtre de la salle pour qu’une œuvre naisse et tisse un lien avec le public. C’est l’un des piliers de notre système. Il appartient aux professionnels d’aboutir à un accord, et je souhaite que les discussions en cours permettent, d’ici la fin de l’année, des avancées concrètes, avec des mesures simples et lisibles pour le public.
Notre modèle a toujours su s’adapter aux évolutions de toutes sortes et aux usages du public. Je ne doute pas qu’il le fera encore aujourd’hui. Et je souhaite redire mon attachement à ce qui justifie l’exception culturelle : la diversité des films. Offrir le choix le plus large au public le plus large. C’est cela la force du modèle français : permettre que vivent ensemble des films populaires, dans lesquels les Français se retrouvent et partagent des émotions, des frissons et des rires, et des films plus exigeants, qui affirment notre ambition créative et la singularité de notre voix.
C’est cela la force du modèle français, c’est aussi la force du cinéma de Jacques Audiard, à qui nous rendons hommage ce soir : un cinéma qui réussit le magnifique défi de conjuguer succès populaire et succès critique, en France et à l’étranger. Un cinéma pour tous et pour lequel rien ne semble impossible, qui se permet toutes les audaces et rafle toutes les récompenses. Qui met en scène avec autant de réussite des acteurs reconnus, Vincent Cassel, Romain Duris ou Marion Cotillard, et d’autres qu’il révèle et deviennent incontournables grâce à lui, Tahar Rahim. Qui met en lumière, dans des films où la musique et l’image jouent les premiers rôles, tous les métiers du cinéma, l’écriture, la lumière, la musique, le montage, … contribuant au rayonnement de nos savoir-faire à travers le monde. Popularité et exigence artistique, c’est la belle leçon de cinéma que nous offre celui dont on attend chacun des films avec une impatience toujours aussi grande. C’est la recette du succès du cinéma français. Merci Monsieur Audiard !