Mammuthus primigenius
Ce mammouth est probablement un Mammuthus primigenius, le mammouth
laineux, dont l’une des caractéristiques est d’être doté de longues défenses utilisées
pour dégager le fourrage de sa gangue de neige. Pouvant atteindre 2,80 à
3,40 mètres au garrot, il est recouvert de poils et d’une épaisse couche de graisse.
Il évolue généralement dans un paysage de steppe herbeuse. L’espèce a vécu en
Eurasie et en Amérique du Nord.
Le mammouth de Changis-sur-Marne aurait vécu entre 200 000 et 50 000 ans avant
notre ère ; c’est donc un contemporain de l’Homme de Néandertal. Bien acclimaté
aux régions froides, le mammouth disparaît d’Europe occidentale il y a 10 000 ans,
à la suite du réchauffement climatique, le dernier spécimen s’éteignant au large du
détroit de Béring il y a 3 700 ans.
L’homme et le mammouth
La fouille actuelle permettra de préciser l’âge du proboscidien (mammifère à
trompe) et, peut-être, les circonstances de son décès – noyade ou envasement sur
quelque berge de la Marne, chasse – et s’il a fait l’objet d’un charognage par des
prédateurs ? La découverte d’un éclat de silex, en relation directe avec le
pachyderme, montre l’intervention de l’homme sur la carcasse. Une étude
tracéologique du silex déterminera son usage ; une étude archéozoologique
détectera les éventuelles traces de découpe sur les os de l’animal.
La découverte de Changis-sur-Marne est exceptionnelle, car l’association de
l’homme et du proboscidien n’est avérée que sur deux sites du Paléolithique moyen
en Europe de l’Ouest : Lehringen et Gröbern en Allemagne. À ceux-ci s’ajoute le
site de Ranville, dans le Calvados, où un éléphant antique (Elephas antiquus) a été
charogné il y a environ 220 000 ans. Enfin, les fouilles de Tourville-la-Rivière, en
Seine-Maritime, ont révélé, en 2010, des aurochs, des chevaux, des ours, des lions
et des panthères charriés il y a 200 000 ans par la Seine. Face à cette manne, des
pré-Néandertaliens, fins connaisseurs de leur territoire, avaient opéré des
prélèvements de matières animales (viande, tendons, peaux…).
Dans un proche avenir, archéologues et paléontologues devront comprendre si le
mammouth de Changis a été abattu par des Néandertaliens, ou si ces derniers ont
charogné l’animal après un décès naturel. Cette découverte contribuera au débat
qui anime la communauté scientifique autour de la capacité prédatrice de l’homme
de Néandertal. L’ultime enjeu porte sur la datation précise de l’événement, par des
méthodes radiométriques et chronostratigraphiques.
La fouille de Changis-sur-Marne
L’animal a été découvert dans une carrière de Changis-sur-Marne, à l’occasion de
la fouille préventive d’un site artisanal gallo-romain, lui même remarquable. Les
premiers ossements sont apparus dans le front de taille de la carrière. Face à
l’intérêt de la découverte, la direction régionale des affaires culturelles (Drac)
d’Île-de-France a mis en place une opération de sauvetage, menée conjointement
par la Drac et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap),
avec la collaboration du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris, du
laboratoire de Géographie physique du CNRS de Meudon et du groupe CEMEX
qui exploite cette carrière. Il s’agit de la première fouille scientifique de ce genre
en France. Elle s’achève début novembre.