Le jardin, l’hortus des Romains, est ce lieu si particulier où la nature est
disciplinée et le paysage façonné par la main de l’homme. Sa valorisation
mais aussi sa place dans la créativité, dans l’innovation, dans le
développement d’une responsabilité écologique mieux partagée nous
rassemblent aujourd’hui, ici à La Villette.
A la faveur de l’urbanisation et des transformations des modes de vie dans
les métropoles européennes, en effet, le regard de la société sur le jardin
et le paysage a profondément changé au cours des dernières années.
L’enjeu environnemental, les nouveaux modes de consommation mais
aussi le succès rencontré par des initiatives culturelles comme le Festival
international des jardins de Chaumont sur Loire en expliquent la portée ou
la Journée des plantes du Domaine de Courson en témoignent. Je suis en
effet persuadé de l’importance des jardins, comme lieux de patrimoine
mais aussi comme terrains d’expérimentation et d’éducation. Du parc de
Schoenbrunn aux jardins de Boboli, de la villa Mateus près de Lisbonne
aux jardins à l’anglaise de Petsworth dans le Sussex, les « lieux de
mémoire » du paysage européen ne manquent pas et façonnent à leur
manière une cartographie imaginaire du paysage européen.
Depuis sa création, le Parc de La Villette a fait de l’écologie urbaine et du
paysage l’un des axes prioritaires de sa politique de rénovation et
d’aménagement. Les Jardins passagers, vous le savez, sont nés en 2000,
dans la continuité de l’ambitieuse et exigeante exposition de Gilles
Clément consacrée au Jardin planétaire. Depuis lors, il s’agit de
sensibiliser tous les publics aux enjeux de l’environnement, en abritant une
flore variée issue des 5 continents, à travers 17 jardinières où l’on
retrouvait jusqu’alors bosquet, friche, mare et jardin méditerranéen. En
2010, ce sont plus de 15 000 visiteurs qui les ont fréquentés, dont 6000
jardiniers en herbe venus s’initier. Lieu de transmission, jardin en
mouvement, ils n’ont cessé d’entretenir un dialogue avec la ville à travers
des cycles de jardinage, des parcours artistiques, des ateliers de formation
adaptés à tous les publics.
Avec le concours de l’agence de paysage Champ libre, cet espace très
apprécié des Parisiens et des visiteurs bénéficie aujourd’hui d’une
extension de 1000 m2 en pleine terre, permettant de renforcer – avec la
présence d’un mur en pierres sèches, d’une lagune, d’une haie champêtre,
d’un jardin sec, sans oublier le verger conservatoire - la découverte
écologique du jardin en même temps que l’apprentissage de la biodiversité.
Pour le jeune public parisien, pour les enfants des écoles, cet outil est
essentiel et permet un apprentissage à la fois ludique et onirique. Des
« Sentiers aromatiques » au « recettes de sorciers », des « chansons
fleuries » au « Jardinier explorateur » : autant d’invitations au voyage et
d’outils pédagogiques pour susciter l’’intérêt des publics en matière
d’« intelligence des paysages », ce lien essentiel entre ce que nous avons
reçu en partage et ce que nous léguerons à l’avenir.
Je connais l’attention portée par un grand établissement comme La Villette
à son environnement proche, aux quartiers de Paris, aux communes qui
jouxtent le parc et je ne doute pas que cette extension des Jardins
passagers favorise la rencontre entre les générations et cette exigence de
la transmission sans laquelle il ne saurait y avoir de politiques culturelles
durables.
Je me réjouis notamment de l’attention qui a été portée aux personnes en
situation de handicap, conformément aux orientations générales que j’ai
annoncées à l’occasion de la Commission nationale Culture-Handicap en
septembre dernier. La culture et la création sont des lieux d’échanges et de
rencontres ; il n’y a aucune raison pour que les publics qui les fréquentent
soient uniformes, soient identiques. Pour moi, la culture est agrégation,
mélange, diversité : elle ne peut être un lieu d’exclusion, elle ne peut créer
de l’intimidation, elle ne doit en aucun cas paraître
inaccessible.
Je voudrais à cet égard remercier la Direction de l’exploitation et de
l’aménagement de la Villette, qui a assuré la maîtrise d’ouvrage, mais aussi
les mécènes qui ont contribué à l’extension de ce lieu d’apprentissage et
de démocratisation culturelle : la Fondation EDF, la Fondation Veolia
Environnement. D’autres partenaires – je pense à Ushuaïa TV ou bien à
l’école du Breuil contribuent à faire connaître ces jardins d’un nouveau
type, riche de plusieurs écosystèmes, traduction de ces friches et de ces
« tiers paysages » - pour reprendre l’expression de Gilles Clément - qui
façonnent la présence de la nature en milieu urbain.
La France, par la qualité et la diversité de ses paysages, apparaît souvent
aux yeux de ces visiteurs comme un jardin en soi et ses jardins forment
une marquetterie rare, témoin d’un art botanique et paysager dont le
Songe de Poliphile publié en 1467 a été l’un des jalons pour l’invention du
jardin à la Renaissance. Ces jardins sont aussi un lieu de création, un lieu
ouvert aux autres arts – la sculpture, la musique, la danse – un lieu
d’innovation et d’audace. L’art contemporain a investi ce lieu avec bonheur,
à la suite de la réflexion de l’arte povera. Je pense bien entendu au
sculpteur Giuseppe Penone, auteur d’une synthèse inédite et vibrante
entre la nature et les fragments du corps humains, qui donne toute sa
force et sa poésie visuelle à son oeuvre.
La prochain édition des Rendez-vous aux Jardins aura lieu dans quelques
jours et sera consacrée au « Jardin nourricier ». Ce thème rejoint les
préoccupations des citoyens autour de la qualité alimentaire et de
nouveaux modes de consommation. Et je ne doute pas que les Jardins
passagers de La Villette continueront à s’inscrire, comme ils le font chaque
année, dans les grandes manifestations qui scandent le calendrier.
Je tenais par ma présence aujourd’hui à vous signifier l’attention et l’intérêt
personnel que je porte à ces lieux de culture singuliers, mais aussi
souligner combien un établissement pluridisciplinaire comme celui de La
Villette ne peut être pensé sans les liens étroits et constants qu’il entretient
avec la ville, avec la société, avec ses attentes et ses aspirations
profondes. A mes yeux, les parcs et jardins sont plus qu’un lieu de
promenade, plus qu’un espace d’agrément. Ils sont partie prenante d’un
patrimoine et d’une mémoire commune qu’il importe de transmettre. Plus
qu’un conservatoire de savoir-faire hérités du passé, ils sont aussi des
laboratoires ouverts à la création, à l’expérimentation, à la recherche.
Plus largement, l’action de préservation et de valorisation des parcs et
jardins s’inscrit dans une politique plus large en faveur du paysage et de
l’environnement – notamment dans le cadre de la formation des futurs
architectes et paysagistes - qui est au coeur des missions de mon
ministère. Je sais que l’Etablissement public de la Villette poursuit cette
mission avec efficacité et résolution, dans un esprit d’innovation qui font de
ces Jardins passagers des lieux où de très nombreux visiteurs peuvent
cueillir, le temps d’une visite, un instant de bonheur, parfois même, un
moment d’éternité ou une parcelle de rêve urbain.
Je vous remercie.