Avec Félicien Marceau, c’est une grande personnalité du théâtre qui nous quitte, un écrivain brillant et complet, qui a fait souffler la liberté et l’insolence sur tous les genres littéraires : pièces de théâtre, romans, essais, nouvelles, fable, mémoires, scénarios de films (« Les 7 péchés capitaux », « Le corps de mon ennemi »).
Il fait son entrée en littérature dès 1942, avec deux premiers romans Cadavre exquis et Le Péché de complication. Après une carrière d’homme de radio, il aura réussi à faire triompher l’idéal de légèreté sur ce qu’il appelait « la littérature des idées noires ». En 1967, son roman Creezy lui vaudra le Prix Goncourt. Avec panache, il a su redonner ses lettres de noblesse à l‘humour et cultiver la veine douce amère d’une satire implicite, volontairement retenue, qui fait merveille dans des pièces comme « La bonne soupe » avec Jeanne Moreau ou « L’oeuf » avec Michel Duchaussoy. En 2002 encore, Michel Sardou était « L’homme en question » créé par Bernard Blier, l’un de ces personnages pas très recommandables, falots et attendrissants dont Félicien Marceau avait le secret.
Félicien Marceau savait se poser délicatement en équilibre entre tradition et modernité, drame et dérision, légèreté apparente et corrosivité extrême. Surtout, il savait communiquer son amour de la langue, un amour contagieux qui explique son immense succès auprès du public comme des jurys littéraires et des académies.
L’homme avait sa part d’ombre, qu’il évoqua dans Les années courtes, celle des positions collaborationnistes de sa jeunesse. Cet orfèvre de la langue, membre de l’Académie française, plein de malice, qui pouvait être capable aussi bien du sarcasme le plus virulent que d’une lucidité implacable, nous laisse une oeuvre riche et irrévérencieuse que nous ne nous lasserons pas de parcourir.