En ouverture de la remise du prix, un concert intitulé "Les chants de la terre" a été proposé à l’occasion du 5ᵉ anniversaire du festival "Un Temps pour Elles", programmé à partir du 6 juin dans les plus beaux lieux de patrimoine du Val-d’Oise. Lors de cette soirée, le public a pu découvrir ou redécouvrir des œuvres de compositrices telles que Rita Strohl, Maria Bach, Ethel Smyth, Lili Boulanger, Liza Lehmann et Amy Beach (1867–1944). Un hommage à la croisée de la mémoire musicale et de l’engagement artistique.
Créé en 2024 à l’initiative conjointe de la DRAC et de la DRDFE d’Île-de-France, le "Prix Culture et Égalité en Île-de-France" distingue chaque année une professionnelle francilienne de la culture dont le parcours exemplaire contribue activement à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.
Après la metteuse en scène Pauline Bayle, Directrice du Théâtre Public de Montreuil, mise à l’honneur en 2024, c’est une autre voix de femme que les institutions choisissent de valoriser, illustrant une volonté claire de repenser les représentations et d’inspirer les générations futures.
En 2025, le prix récompense Héloïse Luzzati, Violoncelliste, chercheuse et fondatrice de La Cité des Compositrices, une initiative pionnière consacrée à la redécouverte des compositrices et de leurs œuvres dans l’histoire de la musique. Son parcours allie exigence musicale et engagement constant pour la réhabilitation du matrimoine, contribuant à redonner toute leur place aux créatrices dans notre mémoire collective. Cette reconnaissance inscrit désormais sa démarche artistique au cœur des politiques culturelles.
Une musicienne à la croisée des chemins entre art et mémoire
Formée au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dans les classes de Roland Pidoux et Xavier Phillips, Héloïse Luzzati s’est imposée comme une interprète aussi rigoureuse qu’engagée. Si sa carrière de chambriste l’a menée à se produire aux côtés d’artistes de renom, sa carrière d’interprète est marquée par une recherche constante de sens et de transmission. Très tôt, elle se distingue par la profondeur de son jeu, sa maîtrise du répertoire classique et romantique, mais aussi par une attention rare portée au sens des œuvres qu’elle interprète.
C’est dans l’oubli des compositrices qu’elle a trouvé une cause à défendre. Au fil de son parcours, un paradoxe s’impose à elle : en plus de deux décennies de pratique, pas une seule œuvre de compositrice n’a croisé son pupitre. Cette absence se révèle rapidement comme une lacune collective. Une absence révélatrice d’un silence structurel, longtemps invisibilisé dans le paysage culturel musical. Héloïse Luzzati comprend que ce silence ne tient pas à un manque de qualité, mais à un enchaînement de décisions historiques, éditoriales, pédagogiques, qui ont rendu ces musiques presque inaccessibles. Peu à peu, une conviction émerge : il ne s’agit pas d’un manque d’œuvres, mais d’un effacement automatique presque naturel.
La Cité des Compositrices : un projet structurant et visionnaire
Pour y répondre, Héloïse Luzzati fonde en 2020 La Cité des Compositrices, une structure hybride mêlant recherche, programmation, édition et médiation. Sous son impulsion, l’association devient un véritable écosystème au service de la mémoire musicale des femmes. Concerts, festivals, disques, vidéos, publications : chaque action vise à sortir ces œuvres de l’ombre, à leur redonner voix et légitimité.
La violoncelliste crée notamment le festival "Un Temps pour Elles", implanté dans des lieux patrimoniaux du Val-d’Oise, ainsi que "La Boîte à Pépites", une chaîne vidéo devenue label discographique, salué dès sa première parution dédiée à Charlotte Sohy. En 2024, le projet s’enrichit encore avec "La Boîte à Pépites Publishing", maison d’édition de partitions consacrée aux compositrices.
En cinq ans, près de 5 000 partitions ont été identifiées. Un millier d’entre elles ont déjà été jouées en concert. Parmi ces trésors retrouvés : des œuvres de Rita Strohl, Jeanne Leleu ou Mélanie Bonis, parfois inédites, toujours puissantes.
Un engagement artistique salué pour sa portée mémorielle et culturelle
Le parcours d’Héloïse Luzzati ne se résume pas à une quête d’archives. C’est une démarche artistique complète, qui conjugue excellence, pédagogie et justice mémorielle. Elle collabore avec des institutions prestigieuses : la Philharmonie de Paris, le Musée d’Orsay, la BnF, l’Abbaye de Royaumont, ou encore le Palazzetto Bru Zane à Venise.
Elle rédige les livrets de ses enregistrements, cosigne des biographies, participe à des programmes de recherche. En parallèle, elle poursuit sa carrière d’interprète, se produisant avec des partenaires de premier plan tels que Xavier Phillips, Elsa Dreisig, ou Célia Oneto Bensaid.
Sa contribution à la diffusion du matrimoine musical a déjà été saluée par de nombreuses distinctions : nommée parmi les "100 Femmes de Culture" en 2022, elle est faite Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2023. Ses enregistrements ont reçu les plus hautes récompenses de la presse spécialisée : "Choc Classica", "Diapason d’Or de l’année", "BBC Music Magazine Awards", "Télérama 4T", sélection "Le Monde"…
Ce travail de fourmi, exigeant et discret, devient peu à peu une œuvre en soi. Héloïse Luzzati construit un projet global, où la scène, la pédagogie et la recherche s’entrelacent. Elle multiplie les projets discographiques, les concerts thématiques, les conférences illustrées. Elle collabore avec des musicologues, des centres d’archives, des éditeurs. Son engagement gagne une reconnaissance croissante, tant dans les sphères musicales que culturelles.
À travers ce prix, c’est tout un pan de l’histoire musicale que l’on réhabilite. Un héritage enfoui, riche et singulier, que Héloïse Luzzati révèle avec patience, rigueur et passion. Son engagement n’est pas une revanche, c’est une réparation - et, plus encore, une promesse : celle d’un avenir musical plus juste, plus complet, plus harmonieux.
La remise du "Prix Culture et Égalité en Île-de-France 2025" marque un tournant symbolique. Elle vient saluer une vision artistique fondée sur la réparation et l’excellence, et inscrire cet engagement dans le champ légitime des politiques culturelles.
La musicienne succède à la metteuse en scène Pauline Bayle, distinguée en 2024. Cette continuité illustre une volonté claire des institutions : mettre en lumière celles et ceux qui, par leur art, reconfigurent en profondeur notre mémoire collective.
Festival "Un temps pour Elles" du 6 juin au 6 juillet
14 concerts, 150 artistes, 7 lieux patrimoniaux : une cinquième édition d’exception
À l’occasion de sa cinquième édition, en juin 2025, le festival prend une dimension exceptionnelle. 14 concerts sont prévus, répartis sur 5 week-ends dans des lieux emblématiques du patrimoine francilien : château de Vigny, domaine de Villarceaux, abbaye de Maubuisson, château de la Roche-Guyon… En tout, 150 artistes seront réunis, parmi lesquels David Kadouch, Marielou Jacquard, Julie Depardieu et de nombreux élèves des conservatoires locaux dans un grand projet participatif.
Mais "Un Temps pour Elles" ne se limite pas à sa programmation publique. Il constitue le laboratoire artistique de la Cité des Compositrices, la structure désormais porteuse du festival. Celle-ci mène un vaste travail de recherche de partitions oubliées, dans les bibliothèques et archives du monde entier. Chaque année, environ un tiers des œuvres programmées sont inédites : certaines n’ont jamais été enregistrées, d’autres n’avaient pas été jouées depuis plusieurs siècles. Pour les faire revivre, un collectif d’interprètes de renom les déchiffre, les interprète, et les intègre à la programmation du festival.
Cette dynamique s’est récemment concrétisée par la création de "La Boîte à Pépites Publishing", maison d’édition musicale qui rend désormais disponibles ces œuvres retrouvées, contribuant ainsi à enrichir durablement le répertoire accessible aux musiciens et aux enseignants.
Imaginé durant le confinement de 2020 par Héloïse Luzzati et Lou Brault, le festival "Un Temps pour Elles" est né d’une intuition forte, celle de proposer un espace artistique exclusivement dédié aux compositrices, sans rien céder à l’exigence de programmation. Installé depuis 2021 dans le Val-d’Oise, il constitue aujourd’hui un rendez-vous incontournable de la scène musicale française.
Par son ambition artistique, son ancrage territorial et son engagement sociétal, "Un Temps pour Elles" s’impose comme bien plus qu’un festival : un mouvement culturel de fond, porté par la conviction qu’il est temps, enfin, de faire place aux voix trop longtemps tues.
- "Colombine" (Abbaye de Maubuisson
- "La vision de la reine" (Abbaye de Maubuisson) et (Château de Vigny (Parc))
- "Aux rivages de la Belle époque" (Abbaye de Maubuisson)
- "Archipel des murmures" (Abbaye de Maubuisson)
- "Misia, reine de Paris" (Église de Luzarches)
- "Destinées" (Église de Jouy-Le-Moutier)
- "Aurores boréales" (Château de La Roche-Guyon)
- "Horizons romantiques" (Château de Vigny (Parc))
- "Préhistomania" (Scène Adamoise (L’Isle-Adam))
- "Soirs d’hiver" (Domaine de Villarceaux)
- "Nuits d’été" (Domaine de Villarceaux)
- "Chants de Printemps" (Domaine de Villarceaux)
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