La restauration de la cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais de Soissons dans l’Aisne financée dans le cadre du Plan de relance se poursuit. A cette occasion une immersion au cœur du chantier est proposée à travers une série de vidéos. Elles permettent notamment de découvrir les savoir-faires mis en œuvre par les entreprises spécialisées.
Contexte historique et architectural
La cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais de Soissons est située dans le département de l’Aisne, en région Hauts-de-France. Propriété de l’État, elle est classée dans son intégralité au titre des Monuments Historiques par la liste de 1862. Elle appartient à ce noyau de grandes cathédrales gothiques (d’Ile-de-France et de Picardie) qui sont à l’origine de la diffusion de ce grand mouvement architectural, qui a ensuite essaimé dans l’Europe entière. Elle reste cependant moins connue que nombre de ses consœurs, en raison de la perte du décor des trois portails de sa façade occidentale et de l’inachèvement de la tour nord, qui lui ont donné un aspect austère qui ne reflète pas le parti initial.
L’édifice a également beaucoup souffert lors du premier conflit mondial : il a été bombardé en 1915 puis en 1917. A l’issue du conflit, les couvertures hautes avaient pour l’essentiel disparu ou étaient ruinées. Les charpentes, fortement ébranlées, étaient encore en place et restaurables, à l’exception des trois travées ouest de la nef qui avaient disparu, ainsi que les maçonneries qui les portaient. Lors de la restauration des charpentes des ouvrages en ciment armé ont été introduits dans les travées disparues, selon l’esprit de ce qui s’est fait ailleurs (telles les charpentes de la cathédrale de Reims). Les charpentes en chêne restantes ont, quant à elles, été restaurées.
La restauration de l’ensemble des couvertures entamée dans les années 1920 fut faite en ardoises. Cette restauration s’inscrivait dans un mouvement de remplacement progressif de la tuile (mise en place à la fin du 16e siècle en remplacement du plomb), par de l’ardoise. Ce matériau de couverture, utilisé par ailleurs pour les bâtiments annexes (et peut-être pour le versant nord de la nef dès cette période d’après l’étude documentaire) et pour la grande sacristie lors de son édification durant le dernier tiers du 18e siècle, fut mis en œuvre de manière systématique à partir de 1832, hormis durant la période d’activité de l’architecte Corroyer, qui recouvrit le bras de transept sud et la chapelle en tuiles vernissées (des tuiles de type avaient été retrouvées dans le comble et elles couvraient le bas-côté sud).
Le choix de l’ardoise pour les couvertures hautes a été remis en cause lors de la restauration de la couverture du bras de transept nord en 2009-2010, laquelle fut réalisée en tuiles vernissées.
La question du choix du matériau de couverture a été soulevée par l’Inspection Générale dans le cadre de l’instruction de l’étud- diagnostic, établie par Olivier Weets-ACMH, portant sur la poursuite de la restauration des couvertures hautes (nef et chœur) de la cathédrale, rendue en novembre 2017 : pose de tuiles vernissées, dans le prolongement des travaux de 2009, ou conservation du matériau actuelle, l’ardoise ?
La Commission Nationale du Patrimoine et de l'Architecture devant laquelle le dossier a été présenté le 28 mars 2019, a retenu la seconde solution, l’état actuel étant celui de la restauration d'après-guerre de Brunet-ACMH, qui a été mise en œuvre dans les années 1920-1930, période de référence choisie pour la cathédrale. Le programme de travaux retenu par la DRAC respecte et reprend le choix de la CNPA : les couvertures de la nef et du chœur seront réalisées en ardoises.
Objet de l’opération
La présente opération s’inscrit dans la continuité de l’étude de diagnostic préalable à la restauration des charpentes et couvertures hautes, dirigée par Olivier WEETS, Architecte en chef des Monuments historiques, en novembre 2017. Initialement, le périmètre de l’opération comprenait uniquement les charpentes et les couvertures en ardoises des toitures hautes de la nef et du chœur.
En raison de la mise en place de lourds échafaudages à partir des couvertures des chapelles et bas-côtés, se posait la question d’optimiser ces installations pour intervenir également sur les fenêtres hautes, dont l’état sanitaire préoccupant des vitraux du choeur avait déjà imposé la dépose, en 2019, de l’ensemble des panneaux des cinq fenêtres historiées. Pour la nef, de nombreuses baies à vitraux losangés présentaient des défauts d’étanchéité.
Grâce au Plan de Relance gouvernemental, le périmètre de l’opération a pu être élargi pour intégrer les vitraux des baies hautes de la nef et du choeur ainsi que la mise en sécurité incendie des grands combles.
L’opération est composée de deux tranches :
- première tranche (tranche ferme de l’opération) : toitures et baies hautes du choeur et recoupement incendie des grands combles : 4,5 M €
Début des travaux : octobre 2021 - Fin des travaux : mars 2023
- deuxième tranche (tranche optionnelle de l’opération) : toitures et baies hautes de la nef et mise en place d’un système de sécurité incendie : 5 M €
Début des travaux : septembre 2022 - Fin des travaux : juin 2024
Description des travaux de restauration
Plan de « sécurité cathédrales »
Il a été décidé d’adopter un système de sécurité incendie adapté destiné à la conservation du patrimoine architectural et historique et à la protection des personnes qui fréquentent ces lieux dans le cadre des différentes activités réalisées dans la cathédrale de Soissons. Les volumes des combles, recoupés par des cloisons coupe-feu, seront équipés d’un système de détection incendie. Des colonnes sèches seront installées.
Restauration des maçonneries et des sculptures
Le dallage de la coursive formant chéneau sur les parties sommitales est en très mauvais état. Les murs bahuts présentent également de nombreuses casses et lacunes, provoquant des défaillances structurelles et un risque de chute alarmant. Les maçonneries hautes en pierre de taille seront donc remises en état et le chéneau sera habillé en plomb, afin d’assurer une meilleure pérennité des ouvrages. Les décors sculptés seront restaurés en conservation ou restitués en recherche, comme les gargouilles par exemple. Quelques curieux personnages ont été relevés pendant les études, ils se trouvent sur les contreforts du chœur ou sur la corniche sculptée tout le long de la façade.
Restauration des charpentes et des couvertures
Malgré les campagnes régulières d’entretien menées par les services de l’Etat, les couvertures hautes du chœur et de la nef arrivent aujourd’hui à leur limite d’usage. En effet, lors des travaux de l’après-guerre, des ardoises de dimensions et épaisseur inadaptées ont été mises en œuvre, expliquant ainsi les nombreuses altérations observées dans le cadre de l’étude. Comme cela est courant, les défauts d’étanchéité sont aussi particulièrement nombreux au droit des ouvrages accessoires métalliques (en zinc et en plomb) qui sont également à bout d’usage. La totalité des couvertures et ses ouvrages annexes seront refaits à l’identique : l’emploi de l’ardoise est maintenu. Les charpentes présentent globalement un faible état de dégradation, avec des désordres ponctuels résultant essentiellement des défauts d’étanchéité de la couverture. Une restauration en conservation de la charpente sera réalisée à l’occasion des travaux.
Restauration des vitraux histoires des fenêtres hautes
Les vitraux des fenêtres hautes du chœur (baies 100 à 104) datent en partie du 13e s. En 2019, et sur recommandation de l’architecte en chef en raison de l’oxydation avancée des armatures de fixation, les panneaux ont été déposés et stockés au sein du Centre de Conservation et d’Etudes de Soissons. Afin de préserver l’ambiance lumineuse du chœur et dans l’attente des travaux de restauration, des panneaux de protection provisoire « factices » ont été installés.
L’étude de diagnostic préalable à la restauration des baies hautes du chœur réalisé en septembre 2017 et approuvée par la Conservation régionale des Monuments Historiques, a révélé des verres présentant de nombreuses casses mécaniques, des altérations de la surface provoquée par la pollution atmosphérique, des décollements de grisailles (peintures cuites), des traces d’oxydation en provenance des barlotières de fixation, etc.
Grâce à la mise en place d’échafaudages intérieurs à l’automne 2016, un examen minutieux des vitraux a pu être réalisé. Dans ce cadre, l’architecte en chef des monuments historiques s’est associé les compétences de restaurateurs spécialisés et s’est appuyé sur l’expertise scientifique du Laboratoire de Recherche des Monuments historiques. Ces différentes études ont permis d’une part, de déterminer avec précision la critique d’authenticité de chaque panneau et d’autre part, de proposer un parti de restauration adapté aux pathologies rencontrées.
Cette critique d’authenticité sera complétée par une étude ciblée d’une centre Chastel, laboratoire de recherche spécialisé dans le vitrail.
Tous les vitraux seront déposés et transportés en atelier afin d’y être restaurés :
- Pour les vitraux historiés (100 à 104), il s’agit d’une campagne très délicate de nettoyage, de consolidation des grisailles, de vérification et remplacement en recherche des résilles en plomb. Ils seront équipés de verrières de doublage thermoformées afin d’assurer une conservation préventive des panneaux anciens.
- Pour les vitraux Le Chevalier (105 à 108), datant des années 80, il s’agit d’une légère campagne de révision.
- Pour les verrières losangées, il s’agit de la poursuite des travaux déjà réalisés en 2019 côté Sud du Chœur (baies 110-112-114), comprenant un nettoyage et la réfection complète des résilles en plomb.
- La totalité des armatures de fixation sera refaite à neuf en fer pur et en laiton.
A l’occasion de l’élaboration des études de projet, quelques lobes anciens en provenance des oculi du chœur qui avaient été déposés pendant la Première guerre mondiale et stockés dans les locaux du Laboratoire de Recherches des Monuments historiques à Champs-sur-Marne ont été retrouvés.
Ils seront restaurés et réintégrés dans l’édifice. En revanche, les médaillons centraux illustrant les personnages n’ont pas été retrouvés. Ils feront l’objet de nouvelles créations, dans un style harmonieux avec l’ensemble des vitraux anciens.
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