Lorsque M. Amirouche LAÏDI et le Club AVERROES m'ont fait le plaisir de
me remettre leur rapport annuel le 3 février dernier, j'ai eu l'occasion de
dire l'importance que j'attache à la prise en compte de la question de la
diversité et de la représentation de la société française par les entreprises
du secteur de l'information et de la communication.
Ce sujet est absolument décisif pour l’avenir de la société française. La
France est aujourd’hui un «pays monde » : c’est une chance, c’est un
atout, c’est une richesse qui permet de mieux affronter les défis d’un
monde globalisé mais aussi mieux relié, mieux connecté. S’emparer
pleinement de ce sujet, c’est nous donner les moyens de « faire société
ensemble », c’est nous permettre de réconcilier l’idée républicaine et la
réalité diverse, complexe, multiculturelle de la France du XXIe siècle.
Je suis particulièrement engagé sur ce sujet car la promotion de la
diversité dans le domaine culturel et dans les médias est un levier
extraordinaire pour mobiliser l’opinion et changer les mentalités.
L'offre culturelle en France est riche, diversifiée, foisonnante. Elle emprunte
sans cesse aux cultures du mondes, elle est un miroir de ces cultures qui
ont façonné le « creuset français » : celles du Maghreb, celles de l’Europe
méditerranéenne, celles l’Outre-mer, celles de l’Afrique noire.
En disant cela, je ne veux pas nier les difficultés rencontrées par le modèle
républicain et les interrogations actuelles sur le multiculturalisme en
Allemagne ou au Royaume –Uni : la question n’est pas celle-là, la question
est bien celle de la représentation que la société se donne d'elle même à
travers ses médias. C’est là que l’attente est la plus forte.
En disant cela, je ne veux pas passer sous silence la difficulté de cette
dimension pour les entreprises du secteur de la presse écrite et cela pour
au moins trois raisons :
Toute mesure en faveur de la diversité doit d'abord et avant tout prendre
garde de ne pas heurter l'indépendance des journalistes et des rédactions ;
Ensuite, et nous le savons, la presse écrite connaît une situation
économique difficile depuis plusieurs années, à laquelle nous essayons
d'apporter des réponses appropriées, à la suite des États généraux de la
presse écrite ;
Enfin, c’est surtout les médias de l’image et donc la télévision qui ont attiré
le plus les observations en matière de diversité.
Une fois ces éléments rappelés, quels moyens s'offrent à nous pour
favoriser la prise en compte de la diversité dans les entreprises de
presse ?
« Si, par hasard ou par volonté, un "non conforme" arrive à s’en sortir
scolairement, c’est au niveau professionnel qu’il rencontrera un nouveau
blocage, en raison de son nom, de son adresse, de sa couleur, de son
origine sociale ».
Je prends plaisir à vous citer, cher Claude Bébéar, car vous avez eu
l'occasion de dresser ce constat à plusieurs reprises. Je souhaite profiter
de l’occasion pour saluer l'engagement qui est le vôtre depuis plusieurs
années, depuis que vous avez lancé, en octobre 2004, aux côtés de Yazid
Sabeg, la Charte de la Diversité. Elle compte aujourd’hui plus de 3100
signataires, dont 70% de PME-TPE. C’est 20% de la population active
française qui est donc concernée.
La promotion de la diversité, en effet, doit nous mobiliser sur plusieurs
fronts. Cela va de la formation des étudiants et journalistes, au recrutement
des collaborateurs, à la gestion des parcours, avant que ne se pose la
question, certainement plus délicate, mais cruciale, de la production et de
la diffusion des contenus.
Dans tous ces domaines, des actions sont d’ores et déjà engagées. Je
pense par exemple aux actions des Ecoles de journalisme, avec la mise en
place de mécanismes en deux temps : en amont pour aider les jeunes
issus de la diversité à passer le cap des concours ; en aval par des
systèmes de bourse afin de financer totalement ou partiellement des
formations parfois coûteuses. Il faut encourager ces bonnes pratiques et
c’était l’un des objectifs de la Conférence nationale des métiers du
journalisme que j’ai ouverte en septembre dernier aux côtés de [la Ministre
de l’Enseignement supérieur de la Recherche] Valérie Pécresse.
Pour ma part, comme je l'ai annoncé il y a quelques semaines, le Ministère
organisera une journée sur le thème « Culture, médias et diversité » en lien
avec toutes les institutions (HALDE, CSA, chaînes de télévision et de
radio, opérateurs culturels) et associations engagées sur ce terrain. Je
souhaite que cette journée se tienne avant la fin du mois de juin. Il s’agit de
rassembler les énergies, d'éviter la dispersion, de rendre l’action publique
plus efficace, en d’autres termes de donner de la perspective à cette
« Charte de la diversité » que plusieurs groupes de presse importants
signent aujourd’hui.
Je souhaite aussi aider les médias issus de la diversité à élargir leur public.
C’est pourquoi j’ai ouvert un chantier sur le thème « Medias et banlieues »,
et je souhaite qu’il débouche sur des initiatives concrètes en faveur des
médias de proximité issus des quartiers – blogs, fanzines, webzines - qui
sont d’authentiques laboratoires de la citoyenneté. Il faut les soutenir, les
professionnaliser, leur donner une authentique assise professionnelle :
c’est le sens du nouveau dispositif sur lequel je travaille actuellement pour
une mise en place expérimentale en 2011.
Mais, en ce domaine comme dans d'autres, tout ne peut venir des pouvoirs
publics : pour faire évoluer en profondeur les mentalités, il faut une
mobilisation de tous les acteurs. De nombreux instruments sont aujourd'hui
à la disposition des entreprises afin de leur permettre de mesurer la
diversité dans leur activité quotidienne et, plus généralement, de prévenir
tout phénomène de discrimination.
Yazid SABEG, a soutenu la semaine dernière la publication du guide
développé par Equity Label et l’Association française des managers de la
diversité, destiné aux entreprises.
D'autres instruments existent. Je pense à la norme « AFNOR diversité »,
aux chartes du rapport SPITZ, aux Contrats d’Objectifs et de Moyens
(COM) des opérateurs publics, mais également bien sûr à la « Charte de la
diversité en entreprises » pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui.
L’objectif doit être clair : il s’agit d’inciter le plus grand nombre de médias
en faveur d’une représentation équitable de la diversité sociale et culturelle
de notre pays. Le constat est là, il est partagé par de nombreuses études :
il s’agit désormais d’agir et d’avancer ! J’entends faire en sorte que le
Ministère de la Culture et de la Communication soit exemplaire, soit force
d’entraînement dans cette action et cette mobilisation. C’est à ce titre que
j’ai annoncé l’engagement de mon ministère dans une démarche de
certification reconnue par la norme AFNOR.
Plus que des outils, ce sont des principes et c’est une vision pour la société
française du XXIe siècle que je défends, une société riche de son
pluralisme, de sa diversité, une société ouverte sur les cultures du monde
curieuse de leurs richesses. C’est cela le « creuset français » : reconnaître
à la multitude des cultures, des mémoires et des histoires la capacité de
constituer un corps social rassemblé et non fragmenté. L’accès aux lieux
de culture peut y contribuer puissamment, au service de cet «humanisme
de la diversité » qu’Alain Renaut appelle de ses voeux.
Mais il ne peut y avoir de diversité sans politique de la diversité. Je
souhaite donc que nous travaillions ensemble à faire de cette exigence
porteuse d’avenir une réalité mieux comprise et mieux partagée dans le
présent. Vous allez signer la Charte de la diversité, je tiens à vous en
féliciter. Vous êtes aujourd’hui inscrits dans une démarche pionnière,
exemplaire ; je suis certain que vous rencontrerez l’adhésion de vos
publics, que vous les élargirez et que vous en serez donc les premiers
bénéficiaires.
Je vous remercie.