Après le Bénin et le Sénégal, Madagascar est le troisième pays africain à se voir restituer des pièces de son patrimoine national. Trois crânes sakalava malgaches, dont celui présumé du roi Toera, conservés jusqu’à présent dans les collections nationales françaises et affectés au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ont été rendus lors d’une cérémonie qui s’est tenue mardi 26 août. Cette restitution fait suite à une demande formulée par Madagascar en 2022.
Cette restitution est la première application complète de la loi-cadre adoptée par la France le 26 décembre 2023 pour faciliter les restitutions de restes humains à des fins funéraires relevant du domaine public en dérogeant au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises. Un projet de loi a été présenté fin juillet par la ministre de la Culture Rachida Dati pour la restitution des biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés. Il sera débattu au Sénat dès le mois de septembre. « Il viendra ainsi parachever le travail d’adaptation de notre droit patrimonial afin de pouvoir déroger au caractère inaliénable des œuvres et des biens relevant des collections nationales », explique Rachida Dati.
Un geste pour apaiser les mémoires
Transportés dans des malles recouvertes de tissus traditionnels, ces trois crânes datent des débuts de l'époque coloniale. L’un d’entre eux serait celui du roi Toera, tué par l'armée française en 1897. Ils étaient conservés jusqu’à présent au MNHN, à Paris, aux côtés de centaines d'autres restes humains malgaches. « Ce ne sont pas des objets de collection mais un lien invisible qui unit le passé et le présent. Leur absence a été une blessure ouverte pour la communauté sakalava ; la concrétisation de cette promesse de restitution, ce geste noble, viennent la refermer », poursuit Volamiranty Donna Mara, la ministre de la Communication et de la Culture de Madagascar.
Résultat d’un acte politique fort, cette restitution est aussi le fruit du travail d’un comité scientifique composé d’experts malgaches et français qui ont travaillé dans un délai très court, pendant trois mois et demi, sur la provenance et le parcours de ces crânes depuis leur sortie de leur pays d’origine, dans un contexte historique de violence coloniale. « Il était essentiel de faire d’une preuve d’une rigueur scientifique exigeante afin de reconstituer aussi précisément que possible les trajectoires historiques des trois individus », se souvient Christine Lefèvre, directrice des collections naturalistes au Muséum national d'histoire naturelle et qui a co-présidé le comité. Deux des trois crânes ont été identifiés sans difficulté : ils sont ceux de malgaches morts en 1898 lors d’une confrontation avec les troupes françaises. Le troisième a été reconnu de manière catégorique par la communauté sakalava comme étant celui du roi Toera.
Ces travaux ont abouti, en janvier, à un rapport argumenté nécessaire à la procédure de restitution, autorisée par un décret publié le 3 avril dernier. Ces crânes vont retrouver Madagascar le 31 août où ils seront inhumés.
27 œuvres restituées au Bénin et au Sénégal
Selon un rapport de 2018, près de 90 000 objets d'Afrique sub-saharienne sont conservés dans les musées publics français, dont 79 000 au musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Avant d'éventuelles restitutions, un long travail est mené pour déterminer lesquels ont été acquis de manière illégitime. En novembre 2017, le président de la République Emmanuel Macron affirmait son ambition de réunir, d’ici cinq ans, toutes les conditions « pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Un travail de refondation du partenariat culturel et d’apaisement des mémoires entre la France et l’Afrique qui a abouti à la loi du 24 décembre 2020, adoptée à l’unanimité par le Parlement, relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Ainsi, 27 œuvres ont été restituées à ces deux pays, dont 26 au Bénin qui a récupéré son « Trésor de Béhanzin ». Ces pièces, prises de guerre du général Dodds dans le palais de Béhanzin à la fin du XIXe siècle, étaient conservées au musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Le Sénégal, lui, bénéficie d’un prêt de longue durée du sabre dit d’El Hadj Omar Tall et de son fourreau, placés sous la garde du musée de l'Armée. Il est présenté au Musée des civilisations noires de Dakar.
Enfin, en juillet dernier, une loi spécifique a été adoptée à l’unanimité pour la restitution à la Côte d’Ivoire du tambour Djidji Ayokwe, présent dans les collections du Quai Branly. Cet instrument sacré doit faire son retour dans le pays africain d’ici un an.
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