La numérisation
La numérisation de fonds ou de collections est une étape importante dans leur valorisation.
Elle passe par l’élaboration d’un projet fixant un programme, des objectifs prenant en compte plusieurs données :
- L’évaluation patrimoniale du ou des ensembles à numériser, réalisée en amont ;
- Les moyens dont on dispose ;
- Les objectifs que l’on recherche.
L’évaluation patrimoniale doit s’appuyer sur un état sanitaire du fonds et la connaissance de son environnement juridique, autant de facteurs déterminants pour élaborer votre plan de numérisation et ses priorités.
Donner, par la numérisation, une image complète de votre fonds n’implique pas de numériser l’ensemble des items qui le composent. En revanche, il est important de veiller à ce que la numérisation ne dénature pas les objets. La numérisation n’a pas vocation à interpréter mais à citer l’objet. La numérisation doit offrir une image la plus proche possible de l’objet en prenant en compte l’intégralité du support, la polarité de l’image (positive ou négative), sa gamme chromatique, ses valeurs, ses tonalités et ses contrastes.
Questions abordées :
- Pourquoi numériser ?
- Que numériser ?
- Comment numériser ?
- Que faire des supports originaux après leur numérisation ?
- Ai-je le droit de tout numériser ?
- Que faire avant de numériser ?
- Externaliser ou internaliser la numérisation ?
- Comment nommer les fichiers numériques ?
- Comment organiser le stockage des fichiers numériques ?
- Comment sauvegarder les fichiers numériques ?
Pourquoi numériser ?
Plusieurs objectifs peuvent être invoqués qui vont conditionner les choix techniques à mettre en œuvre:
- Conserver les photographies;
- Faciliter la recherche scientifique;
- Proposer une visibilité et une accessibilité des fonds;
- Diffuser commercialement les fonds.
Le premier moteur de la numérisation est évidemment la protection des originaux une fois l’opération achevée. Consulter les fichiers numériques limite la manipulation des originaux. Un plan de numérisation des collections est donc indissociable de la politique de conservation des fonds. Pour les institutions, la mise en œuvre d’un plan de numérisation est souvent le moment d’une prise de conscience, du patrimoine qu’elles conservent et veulent valoriser, faire connaître et rendre accessible. Dès lors les objectifs de numérisation sont à définir.
Numériser pour limiter les manipulations et ainsi mieux préserver est un moteur mais la légitimité économique de la numérisation est plutôt liée à l’accessibilité et à la diffusion des photographies. Numériser a un coût et nécessite des moyens humains qui obligent parfois à faire des choix, à prioriser les besoins. Définir les objectifs et les priorités en fonction de différents critères (unité patrimoniale, fragilité des supports originaux, obligation de présentation des œuvres, etc.) est une étape primordiale.
Proposer l’accessibilité des fonds et/ou les diffuser commercialement peut justifier l’investissement nécessaire à leur numérisation.
Que numériser ?
Un principe de numérisation doit être défini en amont en fonction des fonds à traiter et de la finalité recherchée de la numérisation (conservation, projet éditorial, mise en ligne, etc.)
Pour des raisons financières et pour répondre à des besoins précis, la numérisation d’un fonds peut être effectuée en plusieurs étapes. Face à des fonds volumineux ou mal renseignés, on peut décider de ne numériser qu’un échantillon représentatif. Cet échantillon pourra être déterminé par le regard des différents intervenants sur le fonds. Il dépendra également du fonds et de sa diversité.
Au musée Nicéphore Niépce de Chalon sur Saône, trois plans de numérisation ont été mis en place, suivant le type de fonds conservé :
- Tout le fonds est numérisé, en haute définition, suivant le protocole défini par l’institution. Cette méthode est utilisée si la valeur patrimoniale du fonds le justifie, si le fonds est composé de peu d’items et dans le cadre d’un projet de valorisation bien défini. C’est le moyen de garantir la meilleure conservation des originaux et leur diffusion. Cependant, ce traitement est long et coûteux.
- Seul un échantillon représentatif est numérisé en haute définition. La valeur du fonds est établie mais le caractère répétitif et peu documenté du fonds, ainsi que la quantité élevée d’items, rendent une numérisation intégrale en haute définition inutile. Cette méthode permet une première approche du fonds, le reste de la numérisation étant réalisée en fonction des consultations successives ultérieures. Cependant, la consultation reste manuelle pour les fonds non numérisés et la valorisation est limitée à ce qui est numérisé.
- Tout le fonds est numérisé, en basse définition, au moment de l’indexation par exemple. L’institution crée un catalogue numérique, qui facilite la consultation intégrale d’un fonds et facilite l’identification des priorités de numérisation en haute définition à réaliser. On privilégiera cette méthode lorsque le fonds est composé de très nombreux items et qu’aucun projet de valorisation immédiate n’est prévu. Cette méthode facilite la consultation, les recherches, les recoupements. La numérisation peut être réalisée en interne, sans formation particulière et permet une indexation simultanée. Elle rend cependant impossible toute forme de valorisation.
Comment numériser ?
Le fichier numérique obtenu ne peut se substituer à l’objet original.
Tout projet de numérisation de photographies nécessite la participation de spécialistes en conservation et manipulation. Ils pourront indiquer les mesures de conservation à intégrer dans la chaîne de traitement, préciser la façon de manipuler les documents fragiles et participer au choix de l'équipement pour l’adapter à la nature fragile des originaux.
Un objet peut donner lieu à plusieurs numérisations: des informations importantes peuvent figurer sur les objets originaux, dans les marges des négatifs, au dos des épreuves.
La nature de chaque item, ses caractéristiques, son état de conservation sont à prendre en compte lors de la numérisation. Par exemple, dans le cas d’un négatif, on privilégiera la numérisation sans interprétation et non recadrée de l'objet. Dans le cas d'une épreuve, on privilégiera la numérisation de l'épreuve à bord franc (en ne recoupant pas les marges). Il est légitime, selon les photographies, de se demander s’il faut prendre en compte l’image seule ou l’objet? Certaines épreuves anciennes sont montées sur des cartons à la façon de gravures. Il peut être intéressant de numériser l'ensemble de l'objet si on veut mieux le soustraire aux manipulations.
Que faire des supports originaux après leur numérisation ?
L’idée de supprimer les supports originaux après leur numérisation s’est manifestée à de multiples reprises au moment des premiers chantiers de numérisation, dans les années 1990. La déclaration de Florence (29-31 octobre 2009) a été diffusée pour alerter et plaider pour la conservation des fonds argentiques après leur numérisation.
À défaut de cadre réglementaire sur les fonds photographiques, cette question ressurgit régulièrement. Rappelons que les réévaluations patrimoniales de fonds, de collections, d’objets, sont constantes, en lien avec l’évolution des connaissances. Elles peuvent se faire sur plusieurs générations. Rappelons aussi, comme nous l’avons indiqué plus haut (question n° 52), qu’un fichier numérique n’est qu’une image de l’objet argentique et qu’il ne peut se substituer à lui. De plus, la pérennité des fichiers numériques et des supports de sauvegarde n’est pas acquise, elle passe par des migrations successives et aléatoires. Les techniques de numérisation enfin évoluent, permettant une amélioration des rendus. Il importe donc de conserver les originaux après leur numérisation.
Ai-je le droit de tout numériser ?
Si toute photographie est a priori numérisable dans le respect du droit d’auteur, toute photographie n’est pas de fait diffusable sans confirmation par une étude préalable de son statut juridique.
Toute diffusion d’une reproduction de photographie doit se faire dans le respect de l’ensemble des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Les dispositions prévues dans les contrats de don, de dépôt ou d’acquisition doivent aussi être suivies. Si les dispositions d’utilisation et de diffusion de ces fonds paraissent imprécises, il importe de solliciter l’avis des ayants droit et éventuellement de rédiger un avenant qui cadre l’utilisation des images notamment dans le respect du droit moral.
Que faire avant de numériser ?
Les modalités techniques de la numérisation seront adaptées à la spécificité du support et de sa technique. Plusieurs opérations précèdent l’envoi des œuvres originales pour la numérisation.
Quelques étapes essentielles à prendre en compte :
- Procéder à une évaluation de l’état physique des photographies et le cas échéant prévoir une phase de reconditionnement, de nettoyage et éventuellement prévoir des restaurations avant d’entamer la numérisation;
- Estimer le volume des collections à numériser et dégager leurs spécificités afin d’évaluer les contraintes techniques imposées par la manipulation des items (supports, formats, montages, reliures ou tout mode de présentation particulier, etc.) Cette étude préalable est importante, elle permettra notamment de préciser les délais nécessaires et les moyens à mettre en œuvre dans le cadre d’une sous-traitance de cette opération. Elle qualifiera au mieux la nature du travail demandé au prestataire sollicité. Sa précision permettra d’optimiser la demande passée au prestataire, elle conditionne les garanties que l’on va émettre dans la manipulation des pièces confiées et influera sur la durée de numérisation et sur la qualité technique et visuelle des fichiers numériques que l’on obtiendra;
- Si la numérisation n’est pas effectuée in situ, prévoir un conditionnement permettant le transport des œuvres dans le respect des normes de conservation préventive et demander au prestataire de préciser les garanties qu’il offre pour la conservation des objets confiés.
- Établir un inventaire détaillé des items à numériser (privilégier un format facilement exportable type excel ou xml);
- Réfléchir aux usages des fichiers afin de bien dimensionner les demandes aux prestataires;
- Mettre en place un plan de nommage (métadonnées associées aux fichiers fournis) afin de pouvoir ensuite verser les fichiers nouvellement créés dans le système d’information de votre établissement. Sur les métadonnées vous pouvez consulter:
- Prévoir le protocole de numérisation souhaitée pour les objets.
Dans le cas où cette numérisation devrait être sous traitée, ces premières évaluations et ces premiers constats permettront d’élaborer plus précisément le cahier des charges de l’appel d’offres. Il est très important de veiller à la rédaction précise de ce cahier des charges afin de permettre au prestataire de répondre au mieux à la demande et aux besoins formulés, afin d’éviter aussi tout litige et contentieux.
Exemples de cahier des charges pour la numérisation d'images fixes.
Externaliser ou internaliser la numérisation ?
La question peut se poser. Soit votre établissement possède le matériel et les logiciels adaptés, des locaux dédiés aux prises de vue ou à la numérisation et des personnels formés, alors la réponse à cette question est sans objet soit ce n’est pas le cas et la question reste ouverte.
La nature des fonds, les volumes à traiter, la préciosité ou la fragilité des œuvres peuvent vous amener à réaliser en interne la reproduction numérique soit par prise de vue, soit par numérisation directe par scanner.
Le budget nécessaire à ces opérations doit être évalué et anticipé.
Dans ce cas il vous faudra prévoir d’acquérir le matériel nécessaire et adapté à vos besoins, de dédier des personnels à cette tâche, de le former le cas échéant.
Dans le cas où vous sous traitez la numérisation à un prestataire, vous pouvez lui de demander de se déplacer dans les locaux, ce qui permettra de mieux contrôler le travail, de l’accompagner et d’éviter des manipulations et variations thermohygrométriques qui pourraient être préjudiciables à la bonne conservation des items.
Pour vous aider, vous pouvez consulter:
- Initier et piloter une campagne de numérisation
- Informations sur les prestataires de numérisation
- Informations sur les aspects techniques
Comment nommer les fichiers numériques ?
Il existe plusieurs possibilités. Attention de respecter, lors de cette opération, les préconisations du plan national de numérisation du ministère de la culture où seuls sont autorisés comme immatriculant, les lettres non accentuées, les chiffres de 0 à 9 et les traits-d’union.
On préférera indiquer les éléments techniques liés à la reproduction de l’original dans les métadonnées attachées au fichier qui sont aussi appelées champs IPTC (auteur, date, type de matériel, copyright, etc.) Ces informations sont directement intégrées au fichier numérique et sont indissociables de l'image. Elles garantissent l’identification de l’image diffusée et de son producteur.
Le choix du mode de nommage doit être pensé en fonction des usages pressentis pour les fichiers. Une fois le mode de nommage acté, il est très difficile de revenir en arrière et il est, plus ou moins, définitif. Dans le cas où la numérisation est sous-traitée, vous devrez fournir au prestataire avant la campagne de numérisation, le principe de nommage que vous aurez choisi.
Exemple du musée Nicéphore Niépce dans le vade-mecum complet en téléchargement sur cette page.
Comment organiser le stockage des fichiers numériques ?
Il s'agira dans un premier temps de définir et préciser votre plan de classement. Le rangement et l'organisation des fichiers ne doivent pas reproduire le classement physique des fonds. On privilégiera un classement alphanumérique des fichiers pour faciliter l’accès, a contrario de tout système de logique d’une seule personne. Il peut être tentant de classer les fichiers suivant une logique thématique ou par technique de l’original, mais rien ne garantit que cette méthode convienne à tous ou soit satisfaisante dans le temps. Un classement plus neutre permettra un meilleur suivi de l’organisation des fichiers.
Comment sauvegarder les fichiers numériques ?
Il est indispensable de posséder en permanence au moins une copie des fichiers produits, le mieux étant que cette copie numérique soit conservée dans un lieu distinct des fichiers originaux (en cas de catastrophe naturelle).
Il n’y a pas de système parfait. Les coûts engendrés par la sauvegarde des fichiers varient d’une solution à une autre. On s’adaptera en fonction des moyens à disposition. On évitera au maximum le stockage des fichiers (natifs ou de sauvegarde) sur CD ou DVD. L’expérience montre que ces supports sont peu pérennes (dégradation physique) et ne sont plus lisibles par les technologies actuelles. La solution la plus simple pour procéder à une sauvegarde est d'utiliser un disque dur externe. Mais s’il est bien adapté au stockage temporaire, le disque dur externe est déconseillé pour une conservation des données à long terme. L’acquisition d’un serveur dédié avec sauvegardes sur bandes magnétiques type DLT est une meilleure solution, même si elle nécessite une organisation et un investissement plus importants. Si la structure dépend d’une collectivité, la Direction des systèmes d’information de la collectivité (DSI) peut assurer l’hébergement de la production numérique native du service et gérer les sauvegardes (réplication sur un autre serveur, sauvegardes sur bandes DLT, etc.) Il importera de maintenir les données numérisées en vie en veillant à leur transfert régulier et en luttant contre l’obsolescence tant des supports de sauvegarde que des modalités de lecture.
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