Hôtel de Grave, Montpellier
La Drac occupe l'emplacement de l'ancienne résidence des évêques de Maguelone, qui a donné son nom à la rue de la Salle-l’Évêque. La demeure des prélats a été détruite durant les guerres de Religion (1562-1568). Il n'en reste qu'une porte du XVe siècle dissimulée sous des enduits et un pan de mur avec un grand arc diaphragme du XIIIe siècle visible dans la cage de l’escalier de l’hôtel de Grave. En 1633, Pierre de Fenouillet, évêque de Montpellier, inféoda le terrain délaissé à la Compagnie de Jésus pour y établir les annexes du collège des Humanités.
La même année, le conseiller à la cour des Comptes, Aides et Finances, Jean de Sartre, remembre plusieurs parcelles voisines donnant sur la rue Vieille-Aiguillerie pour y construire sa maison. Certains éléments architecturaux comme le portail d'ordre rustique de goût maniériste, avec son fronton interrompu, porté par deux consoles d'acanthe, désignent Simon Levesville comme l'architecte de la demeure. Le mélange des styles gothique et moderne est ici remarquable : toutes les pièces du rez-de-chaussée sont voûtées d'ogives, imitations du style gothique.
En 1692, Louis de Vignes acquiert la maison puis, en 1696, le grand terrain des Jésuites mitoyen où se trouvait jadis la demeure épiscopale. Entre 1696 et 1715 l'ensemble de l'hôtel est donc réorienté de ce côté et remodelé, à la française, avec corps bas d'entrée selon la suite idéale corps d’entrée, cour, corps de logis, jardin, mais ici le jardin doit être reporté latéralement. L'axe de la nouvelle entrée se situe dans le prolongement de la composition d'origine du vieil hôtel des Sartre mais inversé. L'ancien escalier est remplacé par un grand vestibule d'entrée. Le choix d'intégrer le vieux bâtiment et le nouveau en une seule composition est dû à l'architecte Charles Augustin Daviler dont l'intervention est attestée par deux dessins signés de sa main en 1696 et 1697.
Le grand vestibule d'entrée est à l'italienne, couvert d’un dôme en arc de cloître surmonté d’une lanterne zénithale. Les pièces de séjour, salons, chambres, etc., sont de plain-pied avec la terrasse, côté jardin, communiquant avec celle-ci par des portes-fenêtres. Le vestibule donne accès à un escalier à quatre noyaux et balustres de pierre, cas unique d'archaïsme dans l'œuvre de Daviler. On peut restituer la façade principale d'alors : composition axée à trois travées soulignées de refends, un fronton triangulaire pour l'entrée (modifié au XIXe siècle) et un autre fronton curviligne au-dessus de la fenêtre d'étage.
Le corps bas d'entrée est remarquable par son échelle et par ses volumes. Il forme une double demi-lune, sur cour et sur rue. Les pilastres qui cantonnent ce corps portent une corniche également à mascarons. Le fronton surmontant l'entrée a perdu ses ornements sûrement héraldiques. La technique et l'esthétique de ces ouvrages extérieurs présentent plusieurs anomalies qui dénotent une intervention étrangère à Daviler, celle du maçon local, comme l'appareil alterné des murs, archaïsme rejeté par l'architecte parisien, ou bien les mascarons de têtes grimaçantes caractéristiques du maniérisme toujours vivant à Montpellier. L'état actuel de l'hôtel correspond globalement à cette campagne. En 1714, Louis de Vignes vend la demeure à Henri François de Grave, marquis de Solas, dont le nom reste lié à l'hôtel.
Au XIXe siècle la famille d'Espous réalise plusieurs campagnes de grands remaniements donnant à l'hôtel son aspect actuel. Vers 1869, côté cour d'honneur, les fenêtres sont converties en portes-fenêtres munies de demi-balcons, mutilant le fronton de la porte. Puis, vers 1880, on rehausse l'ensemble d'un grand comble à la Mansart couvert d'ardoises, surhaussant également le vestibule de Daviler : on démolit le plafond en arc de cloître et on crée la loggia périphérique au niveau de l'étage noble ; on coiffe le tout d'un plafond en arc de cloître avec verrière zénithale ; enfin on occulte la petite cour des Sartre ainsi que la grande baie qui éclairait le vestibule (fermé avec le miroir actuel). Pour éclairer l'escalier, on coiffe sa cage d'une verrière. Les façades sur la rue Vieille-Aiguillerie et celle des salons du rez-de-chaussée sont refaites à cette époque. Tous ces travaux sont l’œuvre de l’architecte Léopold Carlier. Le jardin , restauré en 1983-1984, devient un petit parc romantique planté de grands micocouliers autour d'un petit bassin rond, agrémenté d'une fausse ruine, vestiges d'une colonnade courbe à chapiteaux ioniques et morceau d'entablement portant quelques lettres d'une inscription vraisemblablement religieuse, en marbre rose et blanc.
Entre 1883 et 1895, Joseph Auguste d'Espous fait bâtir pour sa fille Marie-Claire, vicomtesse de Villarmois, le nouvel hôtel au fond du jardin, à la place de l'orangerie et des écuries. Celui-ci englobe sur l'arrière un immeuble de rapport construit en 1857 par Auguste Poujol, s'ouvrant sur la rue Bocaud au nord-est.
Le décor intérieur des deux hôtels est caractéristique du dernier quart du XIXe siècle dans le goût éclectique avec quelques salons historicistes, notamment le salon de musique avec gypseries, dessus de portes, trumeaux de glace, lustres et appliques de bronze doré. De nombreuses cheminées de marbre, menuiseries, vitraux, sols agrémentent presque toutes les pièces en rez-de-jardin qui restent, malgré leur transformation en bureaux lors de l'achat par l’État (ministère chargé de la Culture) en 1971 relativement préservées.
À l'angle de la rue des Écoles-Centrales et de la rue Salle-l'Évêque, l’immeuble des communs de l’hôtel de Vignes, transformé en hôtel de voyageurs connu sous le nom fantaisiste "d'Hôtel de Noailles", abrite l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (Udap) de l'Hérault.
Par arrêté du 21 novembre 2012, sont inscrits au titre des monuments historiques l’hôtel de Grave, en totalité, y compris ses pavillons d'entrée, son parc, sa cour et l'hôtel de Villarmois ainsi que les façades, les toitures et l'escalier de l’hôtel de Noailles.