Catalogue, exposition et qualité architecturale : Prix Architecture Picardie #1

Médiathèque intercommunale du Val de Somme à Corbie (Somme) par Béal & Blanckaert (Lille), architectes

Comme un bon roman sait tisser entre elles plusieurs lignes narratives, l’architecture sait faire révéler en elle diverses dimensions, plusieurs qualités.

La médiathèque de Corbie tisse avec son environnement proche des liens subtils. Alors que l’enclos de l’ancienne abbaye se caractérise par des constructions sans intérêt, éparses et sans liens entre elles, la médiathèque installe tranquillement sa silhouette brune de manière ferme et élégante. Elle écarte et tient à l’écart les constructions banales pour mieux offrir ensuite, au promeneur qui longe sa façade sud ou au lecteur entré à l’intérieur, une vue lointaine sur les tours abbatiales et le centre-ville.

Au premier abord, injustifié comme un geste gratuit, le plan de la médiathèque en forme d’étoile ne révèle sa pertinence qu’à partir de l’analyse des volumes intérieurs. Evidemment panoptique à partir du meuble-comptoir-sculpture, l’organisation parvient à créer une impression d’harmonie et d’unité. Ainsi sont rassemblés des espaces intérieurs aux caractères très divers, qu’ils soient ouverts avec énergie et générosité sur des espaces extérieurs larges et profonds ou, au contraire, plus intimement lovés et prolongés par la cour réduite d’un jardin ombragé.

La sobriété du traitement des détails et des finitions, employant un vocabulaire volontairement limité, met en exergue le nivellement complexe du plafond, qui assemble entre eux les cinq volumes principaux, et suggère l’ambiance monacale, propice à la lecture et au livre, comme un écho à l’histoire du lieu. Ce plafond, comme un vaste territoire blanc qui couvre de ses amples mouvements l’ensemble de la médiathèque, s’oppose aux angles brutaux formés par la vêture d’acier «Corten» que l’on perçoit à l’extérieur. La tension entre ces deux peaux, qui escamotent la structure porteuse, se soulèvent pour accueillir à flots la lumière du jour par de larges baies, est sans doute la voie par laquelle, outrepassant son art constructif, un bâtiment devient, pour notre plaisir, architecture.

 

                

                

Espace de rencontres à Montataire, Charpin & Perron (Ivry-sur-Seine), architectes

Il est difficile pour une architecture de s’imposer et d’exister dans le voisinage d’une zone d’activité et de commerce, parasitée par la banalité, les enseignes et la publicité. L’aménagement paysager des abords du bâtiment tient cet environnement à distance et crée l’intimité nécessaire aux rencontres. Pourtant, le volume oblique et irrégulier ainsi que la vêture multicolore imposent d’emblée cet équipement au royaume de la halle parallélépipédique monochrome. Rémanence des carrosseries aux teintes variées sorties de l’usine automobile qui occupait autrefois le lieu, ce traitement a été jugé quelque peu simpliste mais tellement vivifiant!

Ces partis radicaux sont complétés, à l’intérieur, par des volumes généreux eux aussi déstabilisés par les lignes obliques des baies, qui donnent à ce bâtiment une unité d’ensemble dynamique, identitaire, qui fonde le caractère de cet espace.