Merci monsieur le président, cher Bruno Studer.

Merci à madame la rapporteure générale, chère Aurore Bergé,

Merci aussi à mesdames les rapporteures, chère Sophie Mette, chère Béatrice Piron,

Merci à monsieur le co-rapporteur, cher Jean-Jacques Gaultier, et aux différents rapporteurs pour avis : Bothorel, Portarrieu, Hennion et Euzet,

Mesdames et messieurs les députés,

Merci de votre présence.

Et merci pour les quelques heures que nous allons passer ensemble, tant en commission que dans l’Hémicycle, au service de ce projet de loi si attendu.

Si important.

Si nécessaire, aussi.

Nécessaire, parce qu’à l’heure où les contenus abondent, où les modes de visionnage se diversifient, où les écrans se démultiplient, notre cadre législatif est dépassé.

La loi relative à la liberté de communication date de 1986.

L’audiovisuel d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celui d’alors.

Cette loi a été conçue pour une autre époque ; pour un autre monde.

Elle a été modifiée depuis, bien sûr, à de nombreuses reprises.

Mais à chaque fois, avec des actualisations à la marge.

Aujourd’hui, elle a besoin d’être repensée en profondeur.

Ça n’est pas une option.

C’est une évidence.

C’est une obligation. 

Une obligation, parce que le secteur est face à des mutations majeures.

La révolution numérique, en premier lieu.

Elle n’est pas – et les acteurs qui ont émergé avec elle ne sont pas – une menace en soi.

Mais ils peuvent le devenir.

Notre responsabilité, c’est de faire de la révolution numérique une opportunité.

Tant pour les créateurs que pour les publics.

C’est tout le sens du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

C’est un projet de loi historique.

Historique, parce qu’il établit, enfin, un cadre adapté à la télévision et à la radio du XXIe siècle.

Historique, parce qu’il permet à la France de montrer la voie ; d’être un exemple et un modèle pour nos voisins.

Avec ce texte, nous serons les premiers à transposer plusieurs directives.

Des directives pour lesquelles nous nous sommes battus, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec tout le Gouvernement.

Notre mobilisation avait été déterminante au moment de leur adoption.

Avec cette loi, nous montrons à l’Europe que nous sommes aussi mobilisés pour transposer que nous l’étions, hier, pour négocier.

Ce texte, je viens aujourd’hui vous en présenter : L’ambition – et elle est grande, le contenu, et l’impact concret dans la vie des Françaises et des Français.

L’ambition, d’abord.

Elle est double.

Il y a dans cette loi une ambition culturelle forte et une ambition de souveraineté.

Elle doit permettre le développement de la diversité culturelle et de la créativité.

Elle doit aussi permettre à l’audiovisuel et au cinéma français de rayonner davantage encore.

Elle doit enfin rendre possible l’application à l’ensemble des acteurs, nationaux comme étrangers, de notre modèle culturel français, qui repose sur des règles et des valeurs.

Sa deuxième ambition, c’est une ambition démocratique, sociétale et citoyenne.

En effet, elle vise à protéger les citoyens de certains excès du numérique.

Et à leur offrir à tous – urbains ou ruraux, de l’Hexagone ou d’Outre-mer, de tous les âges et de tous les milieux – un service plus proche et plus efficace.

Voilà pour l’ambition de ce projet de loi.

Son contenu, ensuite.

Nous aurons tout le loisir d’en discuter plus en détails ensemble tout à l’heure, la semaine prochaine, et pendant les discussions dans l’Hémicycle…

Mais j’aimerais d’ores et déjà vous en résumer les grandes lignes.

Le texte se compose de trois parties principales.

La première concerne le soutien à l’industrie française de l’audiovisuel et du cinéma, et la protection de tous les artistes engagés dans l’acte de création.

Ma conviction, c’est que les acteurs traditionnels de l’audiovisuel et les acteurs numériques doivent pouvoir coexister.

Or aujourd’hui, il existe une trop forte asymétrie entre eux.

Les chaînes de télévision sont soumises à des règles contraignantes... tandis que les plateformes échappent à la plupart de ces règles.

C’est le rôle de l’Etat – et c’est l’objectif de cette loi – de rééquilibrer les règles du jeu.

De faire en sorte qu’ils jouent à armes égales.

De maintenir entre eux une concurrence équitable.

Je veux être clair : cette loi ne se fera pas contre les plateformes, mais avec elles.

Elle vise à les intégrer à notre modèle. 

« Intégrer », cela ne veut pas dire « s’opposer ».

Cela veut dire ne pas renoncer à ce que nous sommes.

Ne pas transiger sur nos valeurs.

Ne pas compromettre les piliers de notre modèle culturel.

Cela veut dire continuer à exiger que ceux qui diffusent les œuvres financent ceux qui les créent.

Cela veut dire encourager les acteurs vertueux, et avantager ceux qui sont les meilleurs alliés de la création.

Les plateformes comme Netflix, Amazon Prime Video, et demain Disney +, apportent un service que nos concitoyens apprécient.

Elles offrent à nos créateurs de formidables opportunités de diffusion, en France et partout dans le monde.

Elles sont les bienvenues.

Mais elles doivent respecter nos règles.

Avec cette loi, elles devront respecter les principes de notre système de financement de la création audiovisuelle et cinématographique.

C’est une question d’équité.

Les groupes de télévision ont déjà l’obligation de financer des séries et des films français et européens.

Avec cette loi, les nouveaux services seront aussi concernés.

Ils devront financer la production française et européenne : à hauteur de 16% minimum de leur chiffre d’affaires pour les services généralistes. Et à hauteur de 25 % minimum de leur chiffre d'affaires pour les acteurs spécialisés dans le cinéma et l’audiovisuel.

Il y aura donc plus de créations françaises produites par Netflix.

Ces nouvelles plateformes en font déjà.

Mais nous voulons qu’elles en fassent davantage, et qu’elles valorisent mieux les œuvres françaises et européennes.

Parce que notre culture est faite de ces œuvres.

Et notre culture, il nous revient de l’enrichir ; de la partager ; de rappeler, inlassablement, qu’elle est unique ; et de la faire vivre.

Ce texte de loi y contribue – j’en suis totalement convaincu.

En outre, avec cette loi, les plateformes devront respecter les fondements du droit d’auteur à la française.

Il s’agit, par exemple, de l’obligation : de recourir à un producteur délégué, ou de laisser le « montage final » entre les mains du réalisateur – le fameux final cut, en bon français.

Pour faire obstacle aux pratiques anglo-saxonnes dites de « buy-out » – la pratique qui consiste à racheter l’ensemble des droits sans limitation de territoire ou de durée –, la loi prévoit que les contrats de production devront comporter des clauses-types.

Elles traduiront les principes du droit moral et les conditions essentielles de la rémunération des auteurs.

Le CNC et l’ARCOM seront chargés de vérifier la présence et le respect de ces clauses types.

En leur absence, une œuvre ne pourra, ni être prise en compte au titre des obligations d’investissement, ni être éligible aux aides du CNC.

L’ARCOM devra en tenir compte dans le décompte des obligations des diffuseurs.

Toutefois, rééquilibrer les règles, ce n’est pas seulement en imposer de nouvelles à ceux qui n’y sont, pour l’instant, pas sujets.

Cela implique également d’assouplir celles qui s’imposent aux acteurs traditionnels.

Je pense notamment aux règles encadrant la diffusion de publicité à la télévision.

Leur assouplissement donnera aux chaînes l’accès à de nouvelles ressources.

Des ressources qui, mécaniquement, seront réinvesties dans la création.

Et qui permettront de consolider nos champions français de l’audiovisuel.

Je veux être très clair : il n’y aura pas plus de temps de publicité à la télévision.

Par ailleurs, l’adaptation de ces règles a été pensée de manière à ne pas déstabiliser le marché publicitaire des autres secteurs, et notamment de la presse, nationale ou régionale.

Elle fait suite à une longue consultation, et repose sur une étude d’impact.

La publicité ne sera pas autorisée pour les offres promotionnelles du secteur de la distribution. Car cela déstabiliserait l’équilibre du marché publicitaire de la radio et de la presse.

En revanche, la publicité segmentée à la télévision sera autorisée, de manière encadrée.

C’est un véritable relais de croissance et de modernisation pour la télévision. C’est aussi un élément de concurrence équitable entre chaînes de télévision et acteurs d’internet.

Dans le déploiement de cette innovation, nous serons évidemment attentifs à la protection des données personnelles.

Dans sa deuxième partie, le texte loi s’attache à rénover la régulation et renforcer le rôle du régulateur.

Pour s’adapter à la convergence des médias, la régulation de l’audiovisuel et du numérique ne doivent plus être séparées.

C’est pourquoi le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Hadopi seront fusionnés au sein d’une autorité unique : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM.

Ce nouveau régulateur assurera la protection des publics sur tous les écrans.

Il agira contre les infox, contre la prolifération de contenus haineux, et pour la protection des mineurs.

Il sera également doté de prérogatives renforcées pour lutter contre les sites pirates, y compris en ce qui concerne les compétitions sportives.

Pour cela, sa coopération avec l’ARCEP sera renforcée.

Dans le même temps, l’Etat se dotera d’un véritable pôle d’expertise sur la régulation numérique ; les travaux avec le Ministère de l’économie et des finances sont d’ores et déjà bien engagés.

Enfin, la troisième partie vise à réaffirmer le rôle et la singularité de l’audiovisuel public.

Je veux en faire une référence ; une référence en Europe.

Une source de rayonnement pour la France.

Pour y parvenir, il doit se transformer.

Davantage se distinguer des offres privées.

Se recentrer sur ses missions de service public.

L’information, l’éducation, la culture, la cohésion sociale, le rayonnement international de la France et la proximité doivent être ses priorités ; le cœur de son offre de programmes.

A la télévision, à la radio, comme en ligne.

Ces priorités communes appellent un renforcement des coopérations entre les sociétés de l’audiovisuel public.

Elles doivent rassembler leurs forces pour proposer une offre véritablement complémentaire, sur tous les écrans.

A cette fin, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA seront réunies au sein d’un groupe public, chargé de définir une stratégie globale : France Médias.

La composition des conseils d’administration sera modifiée. Et la nomination des dirigeants relèvera désormais de l’initiative des conseils d’administration. 

Voilà pour le texte.

Mais, concrètement, comment est-ce que tout cela se traduit ? Qu’est-ce qui va changer pour les Français ?

Ce qui va changer, c’est l’offre de programmes.

Elle sera améliorée, enrichie, diversifiée, et rendue plus accessible.

Et ce, sur tous les écrans.

Nous généraliserons l’ultra haute définition sur la TNT d’ici 2024, pour que nos concitoyens aient notamment un accès de grande qualité aux retransmissions des Jeux Olympiques. 

Il y aura, aussi : plus de cinéma, tous les jours de la semaine, sur les chaînes de télé gratuites. Plus de films et de séries françaises et européennes sur les plateformes. Plus de programmes de proximité, et de programmes dédiés à la jeunesse sur l’audiovisuel public.

Et plus de programmes accessibles aux personnes en situation de handicap, à la télé comme sur les plateformes. Les chaînes de télévision ont déjà l’obligation de rendre accessibles les programmes aux personnes en situation de handicap. Avec cette loi, les services de vidéo à la demande – comme Netflix, OCS ou Canal Play – ainsi que les services de télévision de rattrapage, seront aussi concernés.

Parce que rééquilibrer les règles, ça veut dire imposer les mêmes à tout le monde : à Netflix aussi bien qu’à TF1 ou M6.

 

Voilà, mesdames et messieurs les députés,

C’est une réforme historique que nous allons conduire ensemble.

Avec cette loi, nous allons préparer la télévision, la radio, et tout le paysage audiovisuel français pour l’avenir.

Nous allons les aider à entrer véritablement dans le XXIe siècle.

C’est une responsabilité de taille.

Et je compte sur votre mobilisation, et sur celle de l’ensemble du Parlement.

J’ai été auditionné la semaine dernière par la Commission des Affaires étrangères, en ce qui concerne l’audiovisuel extérieur.

C’était une première étape ; aujourd’hui, la suivante.

C’est un texte très dense que nous allons examiner.

Et je veux vous remercier à l’avance pour le travail que vous allez réaliser, que nous allons réaliser.

Je me permets de saluer le travail de grande qualité réalisé par la rapporteure générale Aurore Bergé et par les rapporteures Sophie Mette et Béatrice Piron. Merci à vous trois.

Saluer aussi l’implication de très nombreux députés sur ce texte, et ce, pour certains, depuis plusieurs années.

Vous l’avez dit, monsieur le Président : je pense à la contribution rédigée en 2018 par Frédérique Dumas, Pascal Bois, Raphaël Gérard, Marie-Ange Magne, Sophie Mette, Sandrine Morch et Pierre-Alain Raphan.

Puis au rapport de Pierre-Yves Bournazel et Aurore Bergé.

Et, à travers eux, je salue l’ensemble des membres de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique.

D’autres travaux parlementaires viennent enrichir nos débats.

Je pense notamment, chère Florence Provendier, chère Michèle Victory, à la mission flash sur les quotas de chansons francophones applicables aux radios privées.

Nous pouvons également compter sur les contributions et l’expertise des rapporteurs des commissions saisies au fond ou pour avis : Madame Hennion, Monsieur Bothorel, Monsieur Euzet, et Monsieur Portarrieu.

Merci également aux députés qui, par leur parcours professionnel ou leurs liens avec les acteurs de l’audiovisuel, nous apportent une vraie valeur ajoutée et des propositions concrètes pour ce projet de loi.

Je pense bien évidemment à Céline Calvez, à Bruno Fuchs, à Sandrine Morch, à Erwan Balanant, à Bruno Millienne, ou encore à Frédéric Petit.

Je finirai par remercier l’ensemble des membres de cette commission pour leurs amendements, les administrateurs de l’Assemblée nationale, et vos collaborateurs pour le travail réalisé.

Merci à tous.