La volonté du Crédac est de poursuivre son accompagnement des artistes. L’exposition personnelle de Jochen Lempert s’inscrit pleinement dans ce dessein. L’artiste allemand (né à Moers en 1958, vit et travaille à Hambourg) faisait partie du projet The Registry of Promise que le Centre d’art contemporain d’Ivry avait organisé avec le commissaire Chris Sharp dans quatre centres d’art en Europe (2014 -2015).
Jochen Lempert présentait alors son travail dans le chapitre The Promise of Melancholy and Ecology à la Fondation Giuliani à Rome. L’exposition questionnait le trauma lié aux conceptions traditionnelles de l’idée de nature. Ayant étudié la biologie et travaillé comme ornithologue sur des navires de recherche en mer du Nord, Jochen Lempert porte sur ses sujets photographiques un regard scientifique teinté d’humour et d’une certaine mélancolie, mais toujours dénué de morale.
L’exposition du Crédac intitulée Jardin d’hiver fait suite à Sudden Spring et Predicted Autumn.Un programme que l’artiste poursuit au rythme des saisons. Jochen Lempert y conçoit un dispositif de vitrines à la manière de cabinets botaniques enfermant des compositions de photographies déclinant le motif végétal, comme les empreintes d’une nature suspendue à la promesse de renouvellement.
Une Ipomoea tricolor (morning glory en anglais), un détail du Printemps de Botticelli, l’imprimé floral d’une chemise en coton, sont des éléments qui forment un récit visuel par le jeu de libres associations conceptuelles ou formelles opérées par l’artiste. Le spectateur, après un voyage rythmé par des images fixes en noir et blanc, fera l’expérience de la couleur et de l’image en mouvement à travers deux films choisis avec l’artiste et diffusés au Crédakino : Weltenempfänger (Récepteur des mondes), (1984), puis 15 Tage Fieber (15 jours de fièvre), (1989).
Kirschen, 2019 Photograhie noir/blanc sur papier baryté mat © Jochen Lempert / ADAGP, Paris 2020 Courtesy galeries : ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin)
Sa méthode photographique se situe du côté des modernes
Développées par lui-même dans une chambre noire, ses photographies semblent anachroniques. Son art ne se limite pas à la production d’images, une part importante s’énonçant dans les pages des livres et dans l’espace d’exposition. Jochen Lempert porte un regard intéressé et sensible à la relation que les choses entretiennent entre elles et c’est dans l’espace qu’il opère des analogies et des correspondances, auxquelles il donne le rythme qui entraîne notre lecture de son travail. Cet exercice évoque celui de son compatriote Aby Warburg qui, à Hambourg même, entama son célèbre Atlas Mnémosyne à l’été 1926.
Sa méthode photographique se situe du côté des modernes comme Karl Blossfeldt (18651932), August Sander (1876-1964), mais encore davantage de celui de la botaniste Anna Atkins (1799-1871), à laquelle il voue une grande admiration et qui la première avant William Henry Fox Talbot (1800-1877) et son Pencil of Nature travailla à un index des plantes, au service de la biologie.
La sobriété du travail de Lempertjointe à une approche documentaire vient sans doute de ses études en biologie. Mais son regard n’est pas seulement scientifique, il est phénoménologique et empirique, parfois même métaphorique.
Untitled (Ivy and Bee), 2019 Photograhie noir/blanc sur papier baryté mat © Jochen Lempert / ADAGP, Paris 2020 Courtesy galeries : ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin)
Certaines de ses séries appartiennent au domaine du passé révolu, voire de l’extinction. Par exemple celle de l’Alca impennis ou du Grand Pingouin, dont le dernier spécimen s’est éteint en 1844. Au cours des vingt dernières années et jusqu’à aujourd’hui, Lempert a photographié 35 des 78 spécimens naturalisés présents dans les Musées d’histoire naturelle du monde entier.
Vue de l’exposition Jardin d’hiver de Jochen Lempert, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. De gauche à droite : Sunset, 2013 ; Rain, 2007 ; Colibri, 2017 ; Bees (Rome), 2012 ; Untitled (Phrasikleia Kore), 2020 ; Sleeping Monkey, 2013 ; Rock, 2013 ; Flame, 2018 ; Kirschen III, 2019 ; Shadow on Stairs, 2014 ; Cat, 2017 ; Seefeder, 2018. © Jochen Lempert / ADAGP, Paris, 2020. Courtesy de l’artiste et des galeries ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin). Photo : André Morin / le Crédac
Vue de l’exposition Jardin d’hiver de Jochen Lempert, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Vitrine : Helle Kammer ; puis de gauche à droite : Untitled (Pigeon in Tree), 2008 ; Kirschen, 2019. © Jochen Lempert / ADAGP, Paris, 2020. Courtesy de l’artiste et des galeries ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin). Photo : André Morin / le Crédac
Si Jochen Lempert établit une connexion entre la biologie et le photographique, ce n’est sans doute pas seulement parce qu’il connaît sa voie entre les deux champs, mais parce que plusieurs de ses photographies peuvent être lues comme le résultat d’un champ étudié et parce qu’il introduit la théorie de l’évolution très directement dans son œuvre.
Le critique d’art Roberto Ohrt a d’ailleurs pointé fort justement que le naturaliste Charles Darwin (1809-1882) et le photographe William Henry Fox Talbot (1800-1877) sont contemporains. Un sujet émerge ainsi brillamment à cet endroit : l’établissement de la théorie de l’évolution et l’invention de la photographie dans la même ère sonne comme le prélude à une surprenante thèse de la théorie des médias.
Full Spiderweb, 2012 / 2015 Photograhie noir/blanc sur papier baryté mat © Jochen Lempert / ADAGP, Paris 2020 Courtesy galeries : ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin)
Centre d’art contemporain d’intérêt national. Membre des réseaux TRAM et d.c.a, le Crédac reçoit le soutien de la Ville d’Ivry-sur-Seine, du inistère de la Culture - Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France, du Conseil Départemental du Val-de-Marne et du Conseil Régional d’Île-de-France.
Image d'annonce : Vue de l’exposition Jardin d’hiver de Jochen Lempert, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. © Jochen Lempert / ADAGP, Paris, 2020. Courtesy de l’artiste et des galeries ProjecteSD (Barcelone) et BQ (Berlin). Photo : André Morin / le Crédac
Informations pratiques
Centre d’art contemporain d’Ivry - le Crédac
La Manufacture des Œillets 1 place Pierre Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine 01 49 60 25 06
Mesures sanitaires
Ouverture au public du lundi au vendredi de 10h30 à 17h, le samedi et dimanche de 14h30 à 19h
Entrée gratuite, réservez votre créneau de visite en cliquant ici
Pour le confort et la sécurité de tous, merci de respecter strictement ces créneaux horaires.
- Jauge maximale prévue de 10 personnes par heure
- Port du masque obligatoire
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- Accès aux WC sur demande
- Les groupes ne sont pas autorisés
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